Quelles sont les forces et les faiblesses des différents partis politiques, selon les électeurs? © belgaimage

Le plus énervé, le plus énervant, le plus vieux: comment les électeurs perçoivent les partis politiques belges

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Les électeurs des différents partis présentent des caractéristiques très spécifiques, que révèle le sondage Le Vif. Voici les plus énervés, les plus énervants et tous les autres parmi les partis politiques.

Publié à la mi-février, au moment où, légalement, commence la campagne électorale, le sondage du Vif est une mine d’or pour les partis politiques qui souhaitent avidement mieux connaître leurs électeurs. Et il grouille de pépites pour les lecteurs du magazine, qui sont aussi leurs électeurs. Les partis ont eux-mêmes, pour la plupart, commandé ce genre d’enquête, sur laquelle ils se basent pour leur campagne. Voici leurs forces et leurs faiblesses, telles que révélées par notre enquête.

Le plus gros potentiel – La N-VA

Les intentions de vote, soit la réponse à la question «Si les élections fédérales avaient lieu aujourd’hui, pour quel parti voteriez-vous?», sont un point de départ. Les plus modestes, ou les plus pessimistes, des présidents actuels, s’infligeront un lest et partiront de plus loin, en ne considérant que, parmi les sondés qui disent vouloir voter pour eux, ceux qui s’affirment aujourd’hui absolument certains de leur choix.

A cet égard, c’est l’électorat du Vlaams Belang qui semble le plus consolidé, puisque 45% de ses électeurs cochent le degré le plus haut de certitude (10 sur une échelle allant de 1 à 10 quant à leur décision du 9 juin), et ce sont les soutiens d’Ecolo (14,1% d’absolument certains), de Groen (16,3%) et de l’Open VLD (14,7%) qui sont les moins entérinés.

La ligne d’arrivée, ou l’objectif chiffré que peut se fixer un président de parti très ambitieux, elle, est tracée par le potentiel brut des partis, établi par les réponses à la question «Pour quels partis pourriez-vous envisager de voter un jour?».

Ainsi se dégage une manière de loi: moins une formation se positionne au centre, plus son potentiel se limite. Ainsi, en Flandre, la N-VA, derrière le Vlaams Belang en intentions de vote, dispose d’un potentiel plus large que ce dernier, avec 46% de répondants se disant prêts à voter pour le parti de Bart De Wever, et 41% pour celui de Tom Van Grieken. Et c’est d’ailleurs dans l’électorat de l’autre que chacune des deux premières formations de Flandre dispose du plus de soutien potentiel. Mais la N-VA peut trouver davantage d’électeurs possibles parmi les soutiens du CD&V, de l’Open VLD, voire de Vooruit que le Vlaams Belang.

La conquête et la conservation d’électeurs passe par le ciblage sociologique de ceux que l’on désire convaincre avant tout.

De la même manière, côté francophone, avec 42,2%, le PS dispose d’un potentiel brut plus large que son principal concurrent à gauche, le PTB (33,4%). Ce dernier, relativement neuf, et fièrement présenté comme antisystème, attire moins d’électeurs potentiels qu’Ecolo (34,6%), et à peu près autant que Les Engagés (31,4%), alors que ses intentions de vote sont bien meilleures. Inversement, un parti centriste peut donc aspirer à la sympathie de davantage d’électeurs, même si ceux-ci ne s’y montrent guère trop attachés. Ainsi, DéFI, dont les intentions de vote flirtent avec le seuil d’éligibilité de 5%, y compris dans son bastion bruxellois, offre un potentiel brut de 28,6% chez les francophones (41,3% à Bruxelles et 25,9% en Wallonie).

Sondage Le Vif: Le plus vieux – Le PS

La conquête et la conservation d’électeurs passe par le ciblage sociologique de ceux que l’on désire convaincre avant tout, qui sont des catégories auxquelles on attribue des préoccupations plus spécifiques. Le cas le plus classique couple, par exemple, les soins de santé et l’électorat le plus âgé. Ainsi, 6,5% des Wallons de plus de 55 ans considèrent les soins de santé comme la problématique qui pèse le plus dans leur choix électoral, contre à peine 1,4% des 18-34 ans. Et, à ce niveau, c’est le Parti socialiste qui, en Wallonie, semble séduire le plus les aînés. En effet, 51,5% des 51-64 ans et 47,5% des plus de 65 ans wallons pourraient envisager de voter socialiste le 9 juin, et ce choix éventuel des têtes grises place le parti à la rose assez loin devant ses concurrents (26,3% des 51-64 et 24% des 65+ envisagent de voter PTB, 36,8% et 37,4% pensent au MR, 35,7% et 38% aux Engagés et 23,2% et 23,5% à Ecolo). Les verts sont, donc, le parti le moins cité par les aînés wallons. Ils compensent à l’autre bout de la distribution des âges, puisque chez les plus jeunes (18-24 ans) électeurs wallons, le vote écologiste est une possibilité pour 61,8% (54,3% chez les 18-34%). Deuxième formation sur ces créneaux, le PS, qui pourrait séduire 50,7% des 18-24 wallons, et 44,5% des 18-34.

© National

Le plus énervant – Le Vlaams Belang

Les partis dits antisystème sont ceux qui profitent de ce qu’on appelle «le vote de rejet». Or, ils sont aussi les partis les plus rejetés, puisque 45% des Flamands ne voteraient jamais pour le Vlaams Belang, et 29% des francophones ne le feraient jamais pour le PTB. En Flandre, toutefois, le rejet des écologistes de Groen, honnis par 39% des sondés, est plus fort qu’envers le PVDA (32,4%), alors qu’en Belgique francophone, c’est le MR (27,6% d’hostilité) qui arrive second au palmarès de l’énervement. Les réponses varient évidemment beaucoup selon la préférence électorale.

Côté francophone, l’électorat potentiel brut écologiste abhorre le MR (28, 5%) davantage que le PTB (23%), et bien plus que le PS (14%), tandis que parmi les soutiens éventuels du MR, où les taux de rejet sont plus élevés, la plus grande aversion s’éprouve pour le PTB (41,1%) et le PS (40,1%) davantage qu’envers Ecolo (32,3%). Au PS et au PTB, c’est vers le MR que les électeurs potentiels risquent le moins de se détourner, avec respectivement 35,7% et 40,7% de soutiens éventuels qui se disent certains de ne jamais cocher une case bleue dans l’isoloir. Dans les formations centristes, l’électorat potentiel brut des Engagés (à 40%), comme celui de DéFI (à 32,7%), déclare le plus de réticences envers le PTB.

A la question «Qui est le politicien le plus malhonnête?», la réponse la plus fréquente est «tous» ou «la plupart».

Quant aux personnalités, c’est, côté francophone, le président de la N-VA Bart De Wever que les sondés wallons (20%) et Bruxellois (20% aussi) ne voudraient surtout pas voir devenir Premier ministre. Notons que le bourgmestre d’Anvers est également le politicien que le plus de Flamands (14,5%) ne veulent pas au 16 rue de la Loi. Le président réformateur Georges-Louis Bouchez est manifestement celui qui énerve le plus de Wallons, puisqu’il est cité spontanément (la question était ouverte) par 15,6% d’entre eux comme «le politicien qui vous représente le plus mal», devant Raoul Hedebouw, à 11,8%. Le Montois est également celui que les Wallons mentionnent le plus lorsqu’on leur demande quel est, selon eux, le politicien le plus malhonnête (7,9%). Il devance dans ce classement peu enviable Elio Di Rupo, cité par 4,1% des Wallons. En Flandre, Tom Van Grieken (6,5%) est légèrement plus mal considéré quant à son honnêteté qu’Alexander De Croo (6%). Mais aucune partie, à ce triste jeu, ne peut s’estimer comme plus énervante que le tout, puisqu’à cette question ouverte de «Qui est, selon vous, le politicien le plus malhonnête?», la réponse la plus fréquente est «tous» ou «la plupart», dans les trois Régions du pays (28,8% en Wallonie, 22% à Bruxelles, 23,6% en Flandre)…

Le plus énervé – Le PTB

Construits dans une opposition radicale au régime politique, le PTB et le Vlaams Belang sont les deux partis dont les électeurs sont les plus en colère, quel que soit le critère appliqué pour la mesurer. En Flandre, les électeurs potentiels les moins confiants envers toutes les institutions, qu’il s’agisse du gouvernement fédéral, des gouvernements régionaux, de leur administration communale, de la Commission européenne, de l’Eglise catholique, des médias, des tribunaux ou des partis politiques sont ceux du Belang. Côté francophone, les électeurs potentiels du PTB sont systématiquement les plus méfiants à l’égard du gouvernement fédéral (45% d’entre eux, les deuxièmes plus méfiants sont à trouver parmi les soutiens éventuels du MR, à 33%), de leur gouvernement régional (44,5%, contre 37% au MR), de leur administration communale (25,3%, contre 24% au MR), de la Commission européenne (46,9%, contre 40,1% chez les électeurs potentiels de DéFI), des partis politiques (60%, contre 53,8% et 53,3% chez les électeurs potentiels de DéFI et du MR), des tribunaux (38,9%, contre 31,8% au MR), des médias (44,6%, contre 41,8% au MR) et de l’Eglise catholique (52%, contre 50,1% au MR). De même, les électeurs potentiels du PTB sont les plus nombreux à estimer que notre pays n’est pas du tout gouverné de manière démocratique (9,6%, devant ceux de DéFI à 9,2%) ou plutôt pas gouverné de manière démocratique (à 17%, devant ceux de DéFI à 12%).

Sondage Le Vif: Le plus utile – Le MR

L’argument du vote utile est souvent invoqué par les partis de gouvernement pour contrer la rhétorique des formations plus radicales. On relèvera à cet égard que, malgré ce que ces dernières années ont connu de grandes bagarres côté francophone, les électeurs potentiels brut du MR (soit ceux qui disent vouloir voter MR et ceux qui disent qu’ils pourraient éventuellement voter MR) sont plus satisfaits (selon deux modalités, plutôt satisfait ou très satisfait) de l’action du gouvernement De Croo (40%) que ceux du PS (32,8%), à qui on prête généralement, pas toujours à raison, une posture plus constructive à l’égard de la Vivaldi. C’est, assez paradoxalement vu les critiques adressées par le MR à Pierre-Yves Dermagne notamment, sur le domaine spécifique de l’économie et de l’emploi que les électeurs éventuels du MR sont davantage satisfaits que ceux du PS de l’action fédérale en ces matières, avec 30% de satisfaits, contre 25% au PS, et l’écart grandit même, à respectivement 32% et 22% de satisfaction, à un échelon plus certain d’électorat, chez ceux qui sont certains de voter MR ou PS. Léger paradoxe également, vu les crispations sur le sujet, les électeurs potentiels d’Ecolo sont plus nombreux à être satisfaits de l’action de la Vivaldi en matière migratoire que ceux du PS ou du MR. Dans aucun des trois sous-groupes, toutefois, ils ne sont majoritairement satisfaits, à respectivement 23,4% dans l’électorat potentiel brut d’Ecolo, 19,4% et 19,7% dans ceux du PS et du MR.

Les partis dits antisystème profitent du «vote de rejet». Or, ils sont aussi les partis les plus rejetés.

Le plus féminin – Aucun

Une des catégories sociodémographiques qui, dans les stratégies partisanes, fait l’objet d’une incontestable attention, est celle des femmes. Il est ainsi d’une systématique tradition, dans l’électorat éco- logiste, que sur une même liste, les femmes recueillent davantage de voix de préférence que les hommes. Mais les électorats potentiels bruts des partis wallons ne montrent pourtant pas de différence significative: 33,9% des Wallons contre 32,6% des Wallonnes peuvent envisager de voter un jour pour Ecolo. Seul le PS, en Wallonie, affiche une légère différence (42% des Wallons et 46% des Wallonnes sont susceptibles de choisir un jour les socialistes). En Wallonie toujours, les électorats potentiels bruts des autres partis se montrent également marginalement plutôt masculins que féminins: 32,4% des Wallons et 31,9% des Wallonnes se sentent enclins à voter pour Les Engagés, 33,4% et 32,7% respectivement pour le PTB, et 33,4% et 32,7% pour le MR.

45% des Flamands ne voteraient jamais pour le Vlaams Belang.

Ce sondage a été commandé à l’institut Kantar par Le Vif, KnackTrendsTrends-TendancesDe ZondagDe Krant van West-Vlaanderen et Canal Z. Il a été réalisé en ligne auprès de 2 681 Belges âgés de 18 ans et plus. Il concerne 1 077 Flamands, 1 004 Wallons et 600 Bruxellois. La marge d’erreur maximale est de 3,1 % en Flandre, 3,1 % en Wallonie et 4 % à Bruxelles.

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