Vers une démission d’Hadja Lahbib? « L’incident est clos » pour De Croo, le CD&V attend « un signal clair »

En séance plénière de la Chambre ce jeudi, le Premier ministre a répondu aux critiques de tous bords (majorité et opposition) concernant l’octroi de visas à la délégation iranienne.

Vers une démission d’Hadja Lahbib sous la pression ? Si elle n’est pas présente à la Chambre pour répondre aux questions des députés, le Premier ministre Alexander De Croo, qui la soutient ouvertement, s’en charge à sa place.

Alexander De Croo a commencé par dire que « l’incident est clos », avant de souhaiter que la majorité Vivaldi se concentre sur l’aboutissement des gros dossiers de cette législature (pensions, réforme fiscale, nucléaire) plutôt que sur l’affaire des visas.

S’en est suivie une pluie de critiques de la part des députés de l’opposition. A commencer par François De Smet, le président de DéFi, qui a une fois de plus questionné la légitimité de ce gouvernement, mettant en avant le blocage des réformes annoncées.

Démission d’Hadja Lahbib: l’opposition vent debout contre De Croo

Il a été suivi par Georges Dallemagne (Les Engagés), qui a critiqué l’image écornée de la Belgique sur la scène internationale après l’accueil de cette délégation iranienne sur le sol belge. Avant de déplorer les « mensonges par omission » de la ministre Lahbib, et d’appeler à une audition. Georges Dallemagne s’est appuyé sur les nouveaux éléments de ce dossier, à savoir que l’Office des étrangers s’était prononcé en défaveur de la venue de la délégation, et que l’un de ses membres était fiché à l’Ocam, qui fixe le niveau de la menace terroriste en Belgique.

Le chef de groupe N-VA à la Chambre Peter De Roover a ensuite chargé Alexander De Croo et l’attelage Vivaldi. Theo Francken, député N-VA, a lui rappelé que la ministre des Affaires étrangères avait menti, « ce qu’on ne peut pas tolérer« , faisant référence à la démission de Sarah Schlitz.

PS et Ecolo pas prêts à accorder leur confiance à Hadja Lahbib

Pour Gilles Van den Burre, « l’incident n’est pas clos« . L’écologiste a demandé au micro de LN24 plus de transparence de la part d’Hadja Lahbib, soulignant qu’il faut « plus de responsabilité politique« . Le député a rappelé le problème « éthique » de délivrer des visas au régime tyrannique iranien. « A ce stade, nous n’avons pas toutes les réponses à nos questions« .

Le PS, qui n’accorde pas non plus sa confiance à la ministre des Affaires étrangères pour le moment, a également demandé des éclaircissements, par le biais du président du groupe PS à la Chambre Ahmed Laaouej.

Cette posture avait déjà été formulée par le député socialiste Malik Ben Achour plus tôt dans l’après-midi.

Pour ce dernier, il n’est donc pas possible à ce stade d’accorder la confiance de son groupe à la ministre des Affaires étrangères, étant donné, selon lui, l’absence de réponse à certaines questions, l’apparition de nouvelles interrogations et « certains mensonges qui peuvent irrémédiablement être considérés comme tels ». Il s’agit par exemple des propos de Hadja Lahbib, la semaine dernière, qui évoquaient un avis de l’OCAM lié aux visas, alors que ceux-ci ont été délivrés la veille (le 8 juin) de la communication de cet avis (le 9 juin).

Malik Ben Achour souhaite aussi que ne soit plus avancé l’argument de l’enjeu diplomatique supérieur, qui relève « de l’enfumage » selon lui. Les documents mis à disposition des parlementaires semblent de plus en plus accablants pour Hadja Lahbib. Il s’agit par exemple, apprend-on, d’un échange de mails le 7 juin avec le cabinet de Nicole de Moor (CD&V), laissant deviner que c’est bien du cabinet des Affaires étrangères qu’émanait la volonté de faire preuve d’une certaine « flexibilité » quant à la délivrance de ces visas.

Le CD&V attend un signal clair d’Hadja Lahbib

« Si elle donne un signal clair, la majorité peut tourner la page. Pour être en mesure de fonctionner correctement, on a besoin de confiance dans la majorité et, pour cela, elle doit faire un effort », a dit le chef de groupe à la Chambre, Servais Verherstraeten, à la VRT.

Mercredi, le Premier ministre Alexander De Croo a concédé devant la commission des Relations extérieures que les « choses auraient dû se passer autrement » dans ce dossier entre les gouvernements fédéral et bruxellois. Les chrétiens-démocrates attendent également une déclaration de la ministre MR qui irait dans ce sens.

Les socialistes et les écologistes se montrent toujours très sévères à l’égard de Mme Lahbib et estiment qu’ils ne peuvent lui accorder leur confiance à ce stade. Ils attendent toujours des explications face à des zones d’ombre trop nombreuses à leurs yeux dans le dossier. « J’ai senti que c’était un peu le temps de la revanche. La démission de Sarah Schlitz et celle de Pascal Smet n’ont pas encore été digérées. J’ai senti du revanchisme au PS. Pour une part, ce n’est pas le moment mais cela n’empêche pas que nous attendons un signal clair de la ministre des Affaires étrangères », a ajouté M. Verherstraeten.

De nouveaux éléments suscitent de nouvelles questions

De nouveaux éléments sont apparus dans l’affaire des visas délivrés à une délégation iranienne à l’occasion d’un congrès international à Bruxelles mi-juin. Selon le journal L’Echo, deux agents iraniens ont effectué des repérages sécuritaires dans la capitale belge deux jours avant le rassemblement. Cela alors que, d’après Le Soir, l’Office des étrangers avait émis des réserves sur l’octroi des visas à la délégation emmenée par le maire de Téhéran.

Le journal Le Soir a pris connaissance d’un échange de courriels entre l’ambassade de Belgique et le ministère des Affaires étrangères daté du 8 juin, jour de l’octroi des visas demandés par la délégation iranienne depuis l’ambassade belge à Téhéran.

« Il semble que l’ODE (Office des étrangers, NDLR) ne donne pas son accord », écrit l’ambassade, à quoi répond le ministère: « dans ces circonstances, il n’est pas opportun de délivrer le visa. »

Ce jour-là, l’Office a informé les Affaires étrangères qu’il a consulté la Sûreté de l’Etat, a-t-on précisé à bonne source. En principe, il ne doit pas y avoir de problème mais le maire de Téhéran est « connu », non pas « fiché » ou « signalé ».

Alireza Zakani est en effet considéré comme l’un des durs du régime des mollahs. Le mail est transmis au cabinet de la ministre avec la mention suivante: « Je trouve que, dans ces circonstances, nous ne pouvons pas délivrer le visa ».

L’Office des étrangers attend à ce moment une confirmation écrite de la Sûreté de l’Etat. Or, le service de renseignement avait déjà signalé directement au cabinet qu’il n’avait pas d’objection à l’octroi de visas pour l’ensemble de la délégation.

Le même jour, l’ambassade signale aussi au cabinet de la ministre qu’il « semble que l’ODE ne donne pas son OK ». L’explication serait d’ordre administratif: les Affaires étrangères ont décidé de n’octroyer que des visas à territorialité limitée à la délégation iranienne, ce qui l’empêche de se rendre dans un autre pays que la Belgique.

Or, dans cette procédure, il revient aux Affaires étrangères elles-mêmes ou au cabinet de la ministre de se prononcer. Dans ce cas, c’est le cabinet qui a donné son feu vert.

De son côté, le journal L’Echo révèle que deux agents de la délégation iranienne se sont rendus à Bruxelles deux jours avant le reste du groupe afin de prendre des contacts. Et cela dans le contexte tendu entre la Belgique et l’Iran à la suite de la libération d’Assadolah Assadi, diplomate iranien condamné en Belgique pour terrorisme, en échange de l’otage belge Olivier Vandecasteele.

A bonne source, l’information était également précisée: quelques personnes sont en effet arrivées en Belgique plus tôt que le reste de la délégation mais le 9 juin, après avoir reçu leurs visas le 8 juin.  C’est également le 9 juin que l’OCAM remet son avis sur la venue de cette délégation, qui conclut à un « risque très faible », selon les explications fournies par Mme Lahbib il y a une semaine en séance plénière

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