Claude Demelenne

Nouvelle lettre à un ami de gauche qui ne choisit pas entre Macron et Le Pen (carte blanche)

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Certains électeurs de gauche renvoient dos à dos Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Amalgamer le président centriste sortant et la candidate d’extrême droite est une attitude suicidaire, estime Claude Demelenne, essayiste politique. Qui ajoute: « Camarade, ce n’est pas le moment de te suicider, mais bien celui – si tu détestes son programme, ce qui est ton droit – de préparer la résistance à Macron II ».

Il y a presque un an, j’ai publié sur Levif.be une « Lettre à un ami de gauche qui ne choisit pas entre Le Pen et Macron« . A l ‘époque, tu m’avais fait part de ton intention de ne pas choisir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, si le président sortant et la candidate d’extrême droite s’affrontent au second tour du scrutin présidentiel. Sans vouloir te donner des leçons, j’ai tenté de te convaincre que l’extrême droite au pouvoir saccagerait tout ce que nous aimons : le goût des Autres et l’ouverture au monde, la sécurité sociale et le débat d’idées. Je t’ai fait part de ma conviction : le rassemblement National n’est pas un parti comme les autres. Même si Marine Le Pen tente de lisser son image pour ratisser large, cela reste le parti des marchands de haine. Haine de l’Autre. Haine de la différence. Haine de la solidarité et de la fraternité.

A la veille du second tour du scrutin présidentiel, le 24 avril prochain, je joins un post-scriptum à mon courrier précédent. Tu ne me laisses pas le choix, puisque tu n’as pas changé d’avis. Tu conserves ta posture « ni-ni » : ni Le Pen, ni Macron. Tu ne doutes pas jouer ainsi au trublion politique. Pourtant, tu ne poses aucun acte héroïque. Au contraire, tu joues avec des allumettes. Car l’extrême droite n’a jamais été aussi proche de l’Elysée. Ce scénario longtemps inimaginable es-tu prêt à l’assumer ?

Macron et les habits du diable

Je crois que ton raisonnement est vicié dès le départ. Tu restes convaincu que Macron incarne une droite dure, sans coeur et sans pitié. Certains de tes amis poussent le bouchon vraiment fort loin. Le macronisme, selon eux, équivaudrait à une quasi dictature. Ce n’est pas sérieux. Macron défend un social-libéralisme certes pas assez social, mais lui faire revêtir les habits du diable est une erreur politique. Pire, une sinistre farce, qui aboutit à dédiaboliser Marine Le Pen.

Ce qui est également vicié dès le départ, c’est ton obsession à agiter le slogan « Tout sauf Macron ». Un slogan simpliste et dangereux. Car si Macron apparaît comme le Mal absolu, comment qualifier Le Pen et son entourage peuplé de personnages douteux, pire, adeptes pour la plupart d’un néo-fascisme maquillé en populisme racoleur ?

Le pire est durable

Ce 13 avril, dans le quotidien français de gauche ‘Libération’, le philosophe Marc Crépon publie une « Lettre ouverte à la jeunesse tentée par l’abstention ». Aux jeunes électeurs de gauche, il dit ceci : « Quel que soit le résultat du 24 avril, il ne vous rendra pas heureux. Vous serez, nous serons, dans l’opposition, mais selon le nom qui sortira des urnes, la résistance ne sera pas la même . Il faut donc mettre les choses dans le bon ordre : éviter le pire tout d’abord, descendre dans la rue ensuite… On peut être tenté par le pire, en s’imaginant que le meilleur en sortira. Mais ce n’est jamais ainsi que les choses se passent. Le pire est durable. Et, une fois qu ‘il est arrivé au pouvoir, il n’y a pas de moyen, pas de ruse ni de violence qu’il ne sache mettre à son service, pour s’y maintenir ».

Si Macron rempile, comme dans toute bonne démocratie, l’opposition, en France, ne sera pas bâillonnée. Elle pourra hurler, dans les manifestations « Macron président des riches », « Macron dictateur », et bien sûr « Macron démission ». Partout où l’extrême droite est arrivée au pouvoir, elle a restreint les libertés, piétiné les droits de l’opposition, répandu le poison du racisme, de l’antisémitisme et de l’homophobie. Pour éviter ce scénario catastrophe, existe-t-il une autre piste que le vote en faveur d’Emmanuel Macron, ce 24 avril ? Poser la question, c’est y répondre.

Claude Demelenne, essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

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