Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens : une femme a plus de « chances » d’être violée par l’oncle André que par un individu cagoulé (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Des femmes en colère ont à nouveau défilé à Bruxelles, jeudi, pour la deuxième semaine consécutive, pour « balancer leur bar ». Super. Nécessaire. Salutaire. Mais facile, aussi : se concentrer sur la problématique des inconnus qui violent au coin de la rue occulte la partie immergée de l’iceberg. Car dans 90% des cas, les auteurs de violences sont connus de la victime. Qui va organiser une marche pour toutes celles qui sont abusées par leur père, leur oncle, leur mari, leur ami ?

« On n’en peut plus de devoir faire attention à nous quand on sort. » Elles avaient la haine, les filles qui défilaient les 14 et 21 octobre à Bruxelles. Elles étaient plus d’un millier et elles gueulaient. Qu’elles en avaient marre de devoir faire gaffe à leur verre dans les bars, de peur qu’un type mette une pilule dedans histoire de pouvoir les violer tranquille, comme ça se serait récemment produit dans deux cafés à Ixelles, une commune bruxelloise.

Ça, on leur répète, aux gamines, dès qu’elles mettent un orteil hors du cocon familial. Fais attention, tiens bien ton sac, n’accepte pas de verre, ne t’habille pas de manière trop provocante, ne te bourre pas la gueule, reste digne, ne danse pas trop lascivement, ne suis pas un inconnu, blablabla. Mais il serait intéressant de savoir combien de parents conscientisent leur rejeton : « Tu sais, fils, peut-être qu’un jour tu seras tenté de verser de la drogue dans le verre de quelqu’un (et alors j’aurai loupé ton éducation), mais ça se fait pas, ni mettre une main au cul, ni piquer dans un sac, ni coller ton sexe dans le dos d’une fille qui danse, ni rien. Sois juste un mec bien. » Alors, combien?

Par contre, aux demoiselles, on leur vend des bombes lacrymogènes, des alarmes personnelles et des porte-clés de défense en forme de chat. Faut les voir transpercer des pastèques, les oreilles acérées et pailletées du matou. Et ces fausses clés fluo qui se déplient en couteau ! Sur Amazon, ces kits partent comme du PQ en temps de pandémie.

Mais comment se défendre, face à un père qui se glisse dans le lit de sa fille pour autre chose que lui raconter une histoire? Face à un conjoint qui s’estime détenteur d’un droit de cuissage, qu’importe l’envie de sa femme? Face à un bon copain qui profite d’une soirée arrosée pour fourrer ses mains là où personne ne l’avait invité? Dans 90% des cas, l’auteur de violences sexuelles est connu de la victime.

Le barman dégueulasse, le gros porc dans la rue, le frotteur du métro: tous ces individus existent, évidemment. Malheureusement. Mais ne focaliser l’attention que sur eux occulte cette glaçante réalité: au cours de sa vie, une femme a davantage de probabilités de se faire tripoter par l’oncle André que par un type cagoulé.

C’est dérangeant, forcément. De se dire que la menace n’est pas diffuse, occasionnelle, hypothétique – le mythe du mauvais endroit au mauvais moment – mais que le risque est réel, proche, ambiant. Qu’il est sociétal. Qu’il est ancré. C’en deviendrait presque facile, de ne regarder en face que les 10% d’inconnus. En 2020, lorsqu’il n’y quasi plus eu personne ni dans les bars, ni dans les rues, ni dans les métros, le nombre de plaintes pour viol et attentat à la pudeur est resté égal à une année non confinée. La lutte contre les violences sexuelles doit pousser la porte des foyers.

A Avignon, fin septembre dernier, la police a arrêté un homme de 68 ans, artisan retraité. Depuis dix ans, le papy droguait son épouse, puis la plaçait dénudée sur le lit conjugal, dans une chambre surchauffée pour éviter qu’elle se réveille. Il allumait sa caméra. Puis des gars entraient, à pas feutrés, et la violaient.. Elle ne se souvenait de rien, elle n’était juste pas en forme. Elle avait consulté trois neurologues, inquiète pour ses problèmes de mémoire. Elle n’a découvert les viols qu’après que la police eut saisi le PC de son mari pour un tout autre motif. Ses agresseurs étaient pompier, journaliste, infirmier, entrepreneur, cariste… Entre 24 et 71 ans, célibataires ou mariés, souvent pères de famille. « Grâce » aux vidéos, quarante-cinq ont été identifiés et arrêtés. Et personne n’a organisé de manifestation pour dire stop, assez!

Hôtesses en baskets

Adieu talons, chemisier et jupe moulante, bonjour baskets, tee-shirt et pantalon! La compagnie aérienne ukrainienne SkyUp Airlines a décidé, dès ce 22 octobre, de remplacer la tenue de ses hôtesses de l’air afin qu’elles soient plus à l’aise pour exercer leur métier. Accessoirement, leurs talons risquaient d’endommager les échelles en cas d’évacuation ou d’amerrissage…

100

ans, un siècle, déjà et seulement: le 12 octobre 1921, Marie Spaak-Janson devenait la première femme parlementaire belge, vingt-sept ans avant que le suffrage universel ne concerne les deux sexes. L’occasion, pour le Sénat, d’organiser une exposition sur le centenaire de la présence d’élues dans le paysage politique. A voir jusqu’au 21 juillet 2022.

Jouons aux cartes

Sur les réseaux sociaux, l’hypersexualisation est omniprésente. Si elle peut être utilisée comme outil d’émancipation, elle peut aussi s’avérer problématique pour celles qui en font les frais. Face à ce constat, les Femmes prévoyantes socialistes viennent de créer un jeu de cartes intitulé « Je poste donc je suis?! ». Il vise à déconstruire les injonctions aux normes de beauté sur Instagram et compagnie. A jouer dès 10 ans, disponible en PDF sur leur site ou par envoi postal.

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