Mélanie Geelkens

Une sacrée paire de victimes collatérales par Mélanie Geelkeens (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

En 2020, il y a eu, aussi, 8 727 dossiers de viols et attentats à la pudeur. 8 727, ça confirme que les prédateurs sexuels ne sont majoritairement pas ceux qui rôdent la nuit à la recherche d’une victime. Pourtant, on continue à apprendre aux gamines à ne pas sortir seules le soir.

Pensée émue pour les voleurs. 2020 n’a pas été simple pour eux. Et même pas une prime gouvernementale pour compenser cette activité à l’arrêt! Quasi – 50% de vols dans les habitations et les voitures, – 70% de vols à la tire, – 40% de vols à l’étalage… « Le confinement a fait chuter la criminalité dans notre pays », titrait un quotidien, le 10 mars.

C’est marrant, parce qu’un type qui frappe sa femme, on aurait juré que ça entrait dans la définition du mot « criminalité ». Comme un père qui abuse de son enfant. Ou une bande de mecs qui forcent une fille à faire une tournante. Tous des faits en hausse, ceux-là. En 2020, il y a eu, aussi, 8 727 dossiers de viols et attentats à la pudeur (déposés auprès des parquets correctionnels). 3% de moins par rapport à l’année précédente. C’est drôle, on n’appellerait pas ça une chute.

8 727, c’est plus qu’en 2016, qu’en 2017, qu’en 2018. 8 727, ça fait tout de même 24 faits par jour. Plus tous ceux pour lesquels aucune plainte n’a été déposée. 8 727, malgré la fermeture des discothèques, l’absence de fêtes, le couvre-feu, la bulle de un… 8 727, ça n’a donc quasiment plus été à la sortie des bars, après une soirée alcoolisée. 8 727, ça a été dans les maisons.

Dans les lits conjugaux, plus précisément, lorsque trop de maris ont feint de ne pas comprendre que non, pas ce soir. Dans les salons, aussi, là où les célibataires se sont rencontrés après s’être matchés sur des applications, faute de pouvoir aller boire un verre ou manger un bout dans un lieu neutre. Le gars débarque, persuadé de tirer son coup. La fille ne veut pas, mais il repart tout de même avec ce qu’il était venu chercher. Elle est chez elle ; comment s’échapper? Des « viols Tinder », abondamment constatés par la justice au cours de l’année écoulée.

Pas un élu n’aura sans doute pensé à ces conséquences-là, en prolongeant indéfiniment la fermeture de l’Horeca. Déjà que ça ne les émeut pas trop, de savoir que plus de femmes se font se font taper dessus à cause du semi-confinement. Mieux vaut être tabassée ou violée que positive à la Covid, sans doute. Puis elles n’avaient pas besoin d’inviter, chez elles, un inconnu, aussi! Suffit de faire une croix sur toute vie relationnelle pendant plus d’un an, voilà. Evidemment, c’est jamais de la faute du gars.

Le sexe devrait u0026#xEA;tre une question de plaisir, pas de pouvoir. Il serait grand temps d’apprendre aux hommes u0026#xE0; respecter un non.

8 727, ça confirme que les prédateurs sexuels ne sont majoritairement pas ceux qui rôdent la nuit à la recherche d’une victime. Pourtant, on continue à apprendre aux gamines à ne pas sortir seules le soir, ou alors avec un spray au poivre dans leur sac à main. Personne ne leur dit jamais, aux filles, que leur abuseur sera statistiquement un père, un parent, un ami, une connaissance, quelqu’un avec qui elles auraient aimé sortir.

Ça confirme que même dans une société privée de certaines de ses plus élémentaires libertés, les viols continuent d’être perpétrés. Parce qu’ils ne sont pas des accidents, des anomalies. Au contraire, ils s’inscrivent dans une culture qui les permet, les encourage et reflète la domination masculine ambiante, le sexisme, la misogynie. Le sexe devrait être une question de plaisir, pas de pouvoir. Alors il serait grand temps d’apprendre aux hommes à respecter un non, aux femmes à accepter un oui. Aux uns à arrêter de croire qu’il faut un peu pousser pour arriver à ses fins, parce qu’ils sont rejetés juste pour la forme. Aux unes à cesser de penser qu’il faut d’abord refuser, même en ayant envie, pour ne pas se faire passer pour des faciles, des dévergondées. Première étape d’un vaste plan de relance au niveau éducation. Urgent.

Désir et genre, mauvais ménage

Le désir sexuel féminin est-il influencé par des stéréotypes de genre? L’image sociale de la sexualité masculine (qui serait « naturellement » impulsive, conquérante) affecte-t-elle la manière dont les femmes en couple vivent leur sexualité? La sexologue Joëlle Smets, collaboratrice scientifique à l’ULB, vient d’entamer une large étude sur la question et recherche des volontaires (anonymes) pour répondre à un questionnaire en ligne. Résultats de l’étude attendus en mars 2022.

Le lien pour participer à l’enquête en ligne est disponible en tapant sur Google « webapps désir sexuel féminin ».

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dossiers pour voyeurisme ont été ouverts en 2020 auprès des parquets correctionnels. Soit une augmentation de 29% par rapport à l’année précédente. Voilà comment certains ont apparemment occupé leur confinement…

Instagram, assigné pour censure sexiste

Une première en Europe: 14 comptes Instagram français dédiés au féminisme ont assigné Facebook en référé, le 9 mars. L’objectif de cette action judiciaire est de contraindre le réseau social (dont dépend Instagram) à dévoiler ses méthodes de modération. Les instagrammeuses à l’origine de cette assignation ont constaté que des contenus reprenant les mots hommes violents, prédateurs, violeurs, ou encore des images montrant un téton ou un sexe féminins étaient rapidement censurés. A la différence de publications ou commentaires misogynes, homophobes ou racistes qui, eux, pullulent allègrement. Une audience devrait avoir lieu au tribunal judiciaire de Paris le 12 mai prochain.

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