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L’Ozempic, star de 2023 : pourquoi l’injection minceur est « un tournant »

Trui Engels

En 2023, l’Ozempic s’est arraché en pharmacies. Une autre « injection minceur » devrait faire son apparition en 2024 en Belgique. Que faut-il penser de ces nouveaux médicaments dans le traitement contre l’obésité ? L’avis de l’endocrinologue et spécialiste de l’obésité Luc Van Gaal.

La « star » de 2023, ce fut lui : l’Ozempic. Pris d’assaut dans les pharmacies, ce médicament contre le diabète a même connu une pénurie en octobre dernier. Tout a commencé sur les réseaux sociaux, en particulier sur TikTok: à coups de hashtags, des influenceuses ont expliqué comment cette « injection minceur » leur avait permis de perdre du poids. Il n’en aura pas fallu davantage pour que les médecins généralistes soient submergés de demandes. Et y donnent souvent suite.

La « mode » de l’injection minceur ne devrait pas disparaître en 2024, année au cours de laquelle un nouveau médicament – le Wegovy – devrait faire son apparition sur le marché belge. La molécule active que contiennent ces deux médicaments, le sémaglutide, agit sur le système de la faim et de la satiété et entraîne une réduction moyenne du poids de 15 %. Et ce n’est pas tout : ceux qui à l’avenir s’injecteront une molécule encore plus efficace, le tirzépatide, devraient en moyenne jusqu’à 25 % de leur poids en un an et demi. Avec le tirzépatide (nom de marque Mounjaro), le laboratoire pharmaceutique Eli Lilly pourrait bien avoir entre les mains « le médicament le plus vendu de l’histoire ».

Car oui, partout dans le monde, le progrès économique a enseveli des milliards de personnes sous une couche de graisse. Le volume du panse humaine augmente considérablement en raison de la prospérité croissante, de la baisse du prix des denrées alimentaires et de la diminution de la nécessité d’un travail physique pénible.

Les chiffres de l’obésité chez les plus jeunes sont particulièrement préoccupants. « En Belgique, 19 % des enfants sont en surpoids et 6 % sont déjà obèses », explique l’endocrinologue et spécialiste de l’obésité Luc Van Gaal (UZA). « Mais les adultes ne sont pas en reste : la moitié des Belges sont en surpoids et 16 % sont obèses. » Luc Van Gaal étudie la crise de l’obésité depuis 40 ans et a passé au crible tous les médicaments amaigrissants jamais mis sur le marché.

L’excitation récente au sujet du sémaglutide est-elle justifiée ?

Luc Van Gaal: À plusieurs égards, c’est un tournant. C’est une hormone de satiété sécrétée par les intestins après les repas, qui est perturbée chez les personnes souffrant de diabète et d’obésité. Le sémaglutide agit sur une combinaison de facteurs, notamment la vidange gastrique, la production d’insuline, le sentiment de satiété du cerveau et un certain nombre d’autres facteurs moins connus. Nous administrons donc le sémaglutide comme nous administrons l’insuline aux patients diabétiques. En outre, c’est la première fois que nous obtenons des résultats à deux chiffres avec un médicament contre l’obésité. En cas d’obésité, une réduction de poids d’au moins 15 % est nécessaire pour prévenir les maladies cardiovasculaires, l’apnée du sommeil et le cancer lié à l’obésité. Et puis, le sémaglutide semble présenter un avantage cardiovasculaire évident parmi les patients diabétiques et peut-être aussi parmi les patients obèses. Cela signifie moins de crises cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux et un risque plus faible de décès. Les études sur l’obésité ne seront pas publiées avant la fin de l’année, mais elles semblent prometteuses. Le tirzépatide, qui peut entraîner une perte de poids de 25 %, constitue une avancée encore plus importante. Mounjaro serait disponible en Belgique à partir de l’année prochaine, exclusivement pour le diabète.

Les effets secondaires de l’injection minceur ne sont pas des moindres, lit-on partout.

Comme il s’agit d’une substance propre à l’organisme, il y a moins d’effets secondaires qu’avec l’ancien médicament qui ne contient que des produits chimiques purs. Les principaux effets secondaires sont des troubles gastro-intestinaux, tels que des nausées, des vomissements et des diarrhées. Les récits diffusés par les médias à ce sujet n’ont pas de sens. Des témoignages font état de nausées extrêmes, mais on ignore si ces personnes respectent leur régime. Si vous continuez à charger vos intestins d’aliments gras et épicés et à boire de l’alcool, il est évident que vos intestins vont protester. Il s’agit là d’un choix personnel et non d’une conséquence du médicament. En outre, la question se pose de savoir si certaines personnes sont adaptées à ce type de médicaments. Tout le monde n’a pas besoin d’une injection.

L’homme ou la femme qui espère s’injecter un produit pour obtenir un corps de plage ferme d’ici l’été en est pour ses frais?

Ozempic est un médicament contre le diabète. Seuls les patients ayant un IMC supérieur à 30 ou un IMC supérieur à 27 pour les patients diabétiques sont éligibles. Le sémaglutide n’a jamais été étudié pour l’obésité légère. Il faut savoir que l’IMC moyen des sujets des essais cliniques atteignait 37,5. De nos jours, certains médecins rédigent des ordonnances à tort et à travers aux patients qui les demandent, souvent sans anamnèse complète. Mais je comprends aussi ces médecins généralistes. Ils sont soumis à une pression énorme de la part de leurs patients.

Certaines personnes se font également injecter du botox. Une injection amincissante pour une obésité légère est-elle si mauvaise?

Le botox est-il si sain à long terme, selon vous ? Comme le sémaglutide, le botox n’est qu’un agent correcteur. Il ne guérit pas. Vous devez continuer à vous l’injecter à vie, sinon votre visage aura le même aspect qu’avant. Ma règle en matière de médicaments amaigrissants est la suivante : le bon médicament pour le bon patient, au bon moment, prescrit par le bon médecin. Soit dit en passant, le traitement des personnes obèses prend énormément de temps. Tout commence par une évaluation correcte. L’obésité est-elle présente dans la famille ? Quelles en sont les causes ? Quels sont les médicaments pris par le patient ? Quels sont son régime alimentaire et son mode de vie ? Vu la brièveté du temps de consultation d’un médecin généraliste de nos jours, je crains que certains médecins généralistes n’apprécient pas toujours de voir arriver des personnes présentant un surpoids important.

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La société ne réalise-t-elle pas suffisamment que l’obésité est une maladie chronique qui doit être traitée tout au long de la vie?

C’est comme le diabète, l’hypertension et le cholestérol. Si l’on supprime les thérapies, le patient rechute. Je comprends que certains groupes d’intérêt préfèrent ne pas apposer le label « patient » sur les personnes obèses, car elles ne se sentent pas malades. C’est d’ailleurs une tendance en médecine. Par exemple, on ne parle plus de « diabétique » mais de « personne atteinte de diabète ». Si l’obésité est reconnue comme une maladie chronique, les traitements pourraient être remboursés. Plus on attend pour la traiter, plus la charge de la maladie est coûteuse pour la société. Les maladies liées à l’obésité telles que le diabète, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, l’apnée du sommeil, la stéatose hépatique et le cancer affectent considérablement la qualité de vie des patients et coûtent énormément d’argent à la société.

Vous préconisez le remboursement de l’injection minceur en cas d’obésité ?

Je peux comprendre que le gouvernement se méfie de ce médicament en raison du risque d’abus. Mais s’il s’avère que le sémaglutide présente un avantage cardiovasculaire chez les personnes obèses, cela signifiera un allègement considérable des coûts sociaux de l’obésité.

Les opérations d’amaigrissement coûteuses deviendront inutiles ?

La chirurgie de l’obésité ne disparaîtra pas. Simplement, moins de personnes auront besoin de ces opérations. Il s’agit d’une question très individuelle. Certains voient les kilos s’envoler avec le sémaglutide, tandis que pour d’autres l’effet est moindre. Le médicament est également une bonne solution pour les personnes qui ne peuvent pas bénéficier d’une chirurgie de l’obésité, comme les patients cardiaques ou ceux qui ont déjà subi une chirurgie gastrique. Avec le tirzépatide, 23 % des sujets des études ont atteint une réduction de poids de 30 %. Ce chiffre est déjà proche des effets bénéfiques de la chirurgie, qui entraîne une perte de poids de 40 %.

Paradoxalement, chez les personnes âgées en surpoids ou obèses, la perte de poids a moins d’effets bénéfiques sur la santé.

En effet, perdre 10 % de son poids à un âge avancé n’a pas le même effet bénéfique sur les maladies cardiovasculaires chez toutes les personnes âgées que chez les personnes plus jeunes. L’une des explications possibles est la perte excessive de muscles. Si vous perdez 10 kg, 7,5 kg sont de la graisse et 2,5 kg des muscles, en particulier avec les régimes rapides et les régimes cétogène. Or, le cœur est le muscle le plus important.

Peut-on être à la fois obèse et en bonne santé ?

Une personne de 30 ans qui pèse 100 kilos peut sembler en parfaite santé d’après un premier bilan. Cependant, si l’on examine en détail les vaisseaux sanguins et le cœur, on constate déjà des dépôts de graisse liés à l’obésité. Cette soi-disant obésité métaboliquement saine est donc probablement une étape intermédiaire qui finira par aboutir à divers troubles.

Selon la Fédération mondiale de l’obésité, d’ici 2035, plus de la moitié de la population mondiale, soit 4 milliards de personnes, sera en surpoids et près de 2 milliards seront obèses. Comment expliquer cette explosion de la crise de l’obésité ?

Il y a, bien sûr, les facteurs qui sont plus ou moins sous le contrôle du patient. Que mange-t-il, comment et quand boit-il ? Combien d’exercice fait-il ? De nos jours, tout le monde pratique le jeûne intermittent, qui implique souvent de sauter le petit-déjeuner, mais de nombreuses études viennent de montrer que le fait de ne pas prendre de petit-déjeuner est un facteur de risque d’obésité. D’autre part, il existe un groupe beaucoup plus important de facteurs sur lesquels les patients ne peuvent rien faire ou beaucoup moins. 35 à 40 % de notre poids est déterminé par nos gènes. Le stress, la combustion et l’utilisation croissante de certains médicaments, tels que les antidépresseurs, les antiépileptiques, les neuroleptiques, les corticostéroïdes, les antirétroviraux et l’hormonothérapie, jouent également un rôle. De même que les nombreux perturbateurs endocriniens synthétiques présents dans notre alimentation et notre environnement. Saviez-vous que le plastique qui entoure nos aliments peut faire grossir ? Le bisphénol A et les phtalates contenus dans les plastiques provoquent l’inflammation de nos cellules adipeuses. Le tissu adipeux enflammé sécrète à son tour des substances qui favorisent la croissance des cellules adipeuses, contribuant ainsi au surpoids et à l’obésité. De plus, le bisphénol A se dégrade très mal dans l’environnement. Ne sous-estimez pas non plus l’impact du manque de sommeil sur les hormones. Une personne qui ne dort que six heures par nuit pendant cinq ans gagnera facilement deux points d’indice de masse corporelle.

Pendant ce temps, l’industrie de l’amaigrissement s’enrichit grâce à l’augmentation de notre tour de taille. Ces milliards ne seraient-ils pas mieux consacrés à la prévention?

Ce n’est pas à l’industrie pharmaceutique de changer le paysage nutritionnel. Grâce à l’industrie pharmaceutique, il existe enfin des médicaments qui fonctionnent réellement. C’est la politique qui échoue. Depuis 40 ans, je crie dans le désert que des politiques de prévention généralisées sont essentielles.

Vous pouvez encore crier.

Des mesures telles que la réduction de la teneur en sel ou une légère augmentation des droits d’accises sur les sodas sont des tactiques de diversion. La question centrale, qui est d’obliger l’industrie à adapter la composition de ses produits et à réduire la quantité de graisses, de sucres ajoutés et d’hydrates de carbone raffinés, n’est pas abordée. Au contraire, tout devient de plus en plus sucré. En outre, le gouvernement aurait dû commencer à rembourser les consultations des diététiciens il y a au moins dix ans. Les gens se décident à consulter un diététicien et apprennent qu’ils devront payer 40 euros par séance. Nous devrions également consacrer beaucoup d’efforts aux enfants et aux jeunes. Qu’ils fassent plus d’exercice à l’école et qu’ils ne soient pas tentés. Les distributeurs de sodas ont peut-être été supprimés, mais entre-temps, les fast-foods poussent comme des champignons aux abords des écoles. Interdisez aux enfants toute publicité pour des aliments trop gras, trop sucrés ou trop salés. Et dans les rayons, ne pas mettez pas ces produits à hauteur d’enfant.

Ne vous arrive-t-il pas de vous décourager en voyant le caddie des gens au supermarché ?

C’est ma femme qui fait les courses. (rires) Mais je sais mieux que quiconque que les connaissances en matière de nutrition sont abominables. Il n’y a pas longtemps, un patient me demandait pourquoi sa glycémie montait en flèche après chaque repas, malgré une administration méticuleuse d’insuline. Il était loin de se douter que la salade de thon et de crabe qu’il étalait chaque jour sur ses toasts était composée pour moitié de mayonnaise, et donc de graisse, et qu’elle était au moins aussi mauvaise pour son organisme que le sucre, si ce n’est pire. Ce n’est pas facile non plus. L’industrie alimentaire tente de nous convaincre, par toutes sortes de messages trompeurs sur l’emballage, que ses produits sont savoureux et très sains, alors qu’il s’agit d’une camelote sans valeur. Ils sont pleins d’arômes, de colorants et d’édulcorants pour nous rendre accros. Certes, les substituts synthétiques du sucre ne contiennent aucune calorie, mais ils ont un impact significatif sur le microbiome, les millions de bactéries de notre intestin qui déterminent ce que nous mangeons et ce que nous absorbons.

Certains scientifiques affirment même que le microbiome changera véritablement la donne en ce qui concerne l’épidémie d’obésité.

Il existe de nombreuses preuves que les bonnes bactéries présentes dans notre intestin contribuent à éviter le syndrome métabolique, l’obésité et le diabète. Mais de là à dire que les kilos disparaîtront comme neige au soleil en prenant chaque jour une cuillère de yaourt probiotique, c’est aller trop loin. Au mieux, il peut donner un coup de pouce à votre métabolisme. D’ailleurs, dans les études sur les transplantations de selles, la forme la plus extrême de traitement bactérien, la perte de poids n’a pas été remarquable.

L’Organisation mondiale de la santé veut mettre fin à l’obésité d’ici 2025. Est-ce réaliste ?

(Résolument) Non. Ces 40 dernières années, je n’ai vu qu’augmenter l’obésité. C’est une bataille perdue d’avance. Les gens bougent de moins en moins. Ils vont partout en voiture. Notre environnement provoque tout simplement l’obésité. Avez-vous déjà vu à la télévision une publicité pour un chou-fleur ou une laitue ? Celui qui souhaite préparer un menu sain composé de légumes frais, de poisson ou de poulet paie plus cher que pour un paquet de boulettes. Ce n’est pas facile pour les personnes à faibles revenus. Les familles n’ont pas le temps de cuisiner des aliments frais et sains en raison de leur vie prenante, et elles achètent des plats préparés bourrés de conservateurs et emballés dans du plastique. Nous ne pouvons plus échapper à tous ces perturbateurs endocriniens. Ils sont présents dans nos vêtements, nos cosmétiques, nos produits d’entretien et nos meubles. Au niveau européen, on veut y mettre un terme, mais là aussi, la puissance des lobbies règne. La bonne nouvelle, c’est que beaucoup de choses bougent dans le domaine de la recherche scientifique. Nous ne connaissons pas encore tous les détails du comportement alimentaire et de la satiété, car les circuits du cerveau sont très complexes, mais ces 20 dernières années, nous avons déjà découvert une centaine de protéines et de peptides différents qui affectent notre cerveau d’une manière ou d’une autre. C’est encourageant.

Enfin, que pensez-vous des adeptes de la normativité corporelle, où les personnes de grande taille considèrent leur corpulence comme la nouvelle norme ?

La plupart des facteurs qui font grossir sont souvent indépendants de notre volonté. Je suis là pour aider les personnes qui le souhaitent, pas pour les stigmatiser. Mon travail consiste à souligner qu’un excès de masse grasse augmente le risque d’une durée de vie plus courte. Ceux qui prétendent qu’il n’y a aucun risque à être en surpoids disent des bêtises scientifiques. Mais si quelqu’un est parfaitement heureux avec ses rondeurs et est prêt à prendre ce risque, je n’y vois pas d’inconvénient. Il a fallu 50 ans pour que la société réalise plus ou moins que la cigarette est mauvaise. Il faudra au moins autant de temps pour que nous soyons suffisamment conscients des dangers d’une grosse bedaine.

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