Gertjan Verdickt, expert financier (KU Leuven).

Le bon d’Etat à 2,81%, une si bonne affaire? « Attention à ces trois éléments »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Le nouveau bon d’Etat, dont le taux net est annoncé à 2,81%, se présente comme une alternative de choix face aux taux d’intérêt timides des comptes d’épargne. Le ministre des Finances compte ainsi forcer les banques à revoir leurs positions. Une affaire à ne pas manquer ?

Avec un rendement net annoncé à 2,81%, le bon d’Etat a tout pour séduire. Il propose en tout cas un taux d’intérêt supérieur à ceux en vigueur pour la grande majorité des comptes d’épargne actuels. Concoctée par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V), cette obligation, qui profite d’un précompte mobilier réduit à 15%, sera disponible dès le 4 septembre. Un montant de 100 euros minimum doit être déposé sous forme de coupon, soit via votre banque (où des frais peuvent être appliqués), soit directement via l’Agence Fédérale de la Dette.

« C’est certainement un investissement intéressant, entame Gertjan Verdickt, professeur de Finance (KU Leuven) et expert en investissement. Le taux de 2,81% est, disons, ‘raisonnable’, poursuit-il. Mais il y a des possibilités non exploitées par le gouvernement belge. En Allemagne, par exemple, le bon d’Etat est plus rentable: il dure également un an et s’élève à 3,3% nets. Aucune taxe n’y est appliquée. Or, en Belgique, le précompte mobilier est toujours de 15%. Même si elle a été réduite –elle était initialement à 30%-, une taxe non-négligeable subsiste », souligne-t-il.

Les inconvénients du bon d’Etat

Ce bon d’Etat est-il 100% avantageux ? Pour l’expert, même si le rendement est intéressant, trois problèmes majeurs se posent.

1. « Le fait qu’il s’agisse d’une obligation d’un an est le gros point négatif, pointe Gertjan Verdickt. La question est dès lors de savoir comment réinvestir son argent l’année prochaine. Il n’est donc pas possible de planifier son investissement sur le moyen terme. Si on part du postulat que le gouvernement renouvellera le bon d’Etat l’année prochaine, quels en seront les termes ? La durée sera-t-elle encore d’un an, ou plusieurs années ? Donc, trop d’interrogations subsistent à cet égard. On appelle ceci le « rollover risk », c’est-à-dire le risque de refinancement. »

Le fait qu’il s’agisse d’une obligation d’un an est le gros point négatif.

Gertjan Verdickt

2. « Mettre une grande partie de ses économies dans cette obligation d’Etat ferait prendre le risque de manquer des potentiels taux d’intérêt plus intéressants sur le compte d’épargne. Le taux d’intérêt sur le bon d’Etat reste, lui, fixe sur toute l’année. Autrement dit, si les taux d’intérêt augmentent encore sur les comptes d’épargne, la valeur du bon d’Etat diminuera. Cela bloque également la possibilité d’investir ailleurs, comme dans les stocks, -les marchés boursiers- qui ont une durée plus importante. »

3. « Si vous y placez votre argent avec l’intention de faire du trading, -et donc de ne pas laisser votre placement à maturité-, n’oubliez pas que l’année prochaine est une année d’élections. Cela signifie qu’il y a un risque politique dans cette perspective de trading, et donc une instabilité potentielle », met en garde Gertjan Verdickt.

L’avantage du bon d’Etat

« Le point fort de cette obligation d’Etat est que son rendement de 2,81% reste intéressant dans l’absolu. Néanmoins, son taux demeure inférieur à l’inflation. Donc, en « termes réels » économiques, d’une certaine façon, vous perdez de l’argent. Vu le contexte actuel, cela reste relativement favorable, mais il faut garder en tête les inconvénients précédemment cités », analyse le professeur de la KU Leuven.

Alors, que faire ? Tout dépend de votre profil

Le spécialiste financier suggère de ne pas de placer toutes ses économies dans cette obligation d’Etat. La décision d’y placer ou non une partie de son argent dépend de la façon dont l’épargnant souhaite investir. « Le bon d’Etat est un investissement relativement intéressant si vous êtes un risk averse investor », c’est-à-dire un investisseur qui choisit la préservation du capital plutôt que le potentiel d’un rendement supérieur à la moyenne.

« Si vous êtes plus enclins à prendre des risques, il est alors plus judicieux de se tourner vers le stock market -le marché boursier-, car la durée de l’investissement est plus longue et le rendement moyen y est meilleur que 2,81%. Vous évitez également le ‘rollover risk’ et vos placements seront plus diversifiés. Il est néanmoins normal et compréhensible que beaucoup d’investisseurs considèrent le bon d’Etat comme une alternative intéressante. »

Que représente la valeur de ce bon d’Etat dans l’histoire récente ?

Historiquement, le bon d’Etat sous Yves Leterme, en 2011, était par exemple supérieur à celui proposé par Vincent Van Peteghem. A l’époque, un taux de 3,4% était proposé, mais sur une durée de cinq ans. « Il est donc très difficile de les comparer, vu leurs durées différentes. Mais on peut dire que le rendement du bon d’Etat actuel est un peu moindre, étant donné que l’inflation est actuellement plus forte qu’en 2011. En termes réels, le bon d’Etat Leterme était donc un peu plus intéressant ».

« Une possibilité supplémentaire d’épargne pour les particuliers »

Interrogé par Belga, l’économiste Bertrand Candelon (UC Louvain) estime pour sa part que le bon d’Etat est un « investissement gagnant-gagnant pour l’État et pour les petits épargnants ».

« Le rendement proposé reste meilleur que les comptes d’épargne actuels. Pour les particuliers, c’est intéressant, prolonge-t-il. Même si les taux de ces comptes d’épargne vont probablement augmenter, le rendement proposé par ces bons d’État est pour l’instant plus intéressant sur un an. Le précompte réduit à 15% est également un avantage. Cela offre une possibilité supplémentaire d’épargne pour les particuliers ».

Bertrand Candelon ajoute qu’un succès de cette campagne risquerait de faire bouger les banques: « Une souscription massive des particuliers signifierait une potentielle perte de liquidités. Cela pourrait entraîner les banques à faire un nouvel effort sur leurs taux d’épargne ».

Il n’a fallu que quelques heures pour qu’une première banque, Argenta, s’aligne sur l’offre du gouvernement. L’enseigne affirme proposer, à partir de mercredi, un compte à terme d’un an avec un rendement net de 2,81%, soit autant que celui des nouveaux bons d’État.

Van Peteghem a-t-il déjà réussi son pari ?

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