Les entourloupes cachées de certaines banques: « Retirez votre argent des comptes d’épargne pour le placer ailleurs »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Certaines banques relèvent (timidement) les taux d’intérêt sur les livrets d’épargne. Mais des conditions cachées peuvent berner le consommateur. Et le rendement final de s’en retrouver bien moins élevé qu’escompté. Pour l’économiste Bertrand Candelon, « en retirant leurs dépôts des comptes d’épargne pour les mettre ailleurs, les clients forceraient les banques à augmenter leurs taux d’intérêt. »

Petit à petit, et face à une pression populaire croissante, certaines banques ont décidé d’augmenter les taux d’intérêt sur les livrets d’épargne. Plusieurs économistes avaient en effet manifesté leur incompréhension devant la réticence des banques à améliorer la rémunération de l’épargne dans la foulée du relèvement des taux de la Banque centrale européenne (BCE).

Politiquement, la pression s’intensifie également. Ecolo a récemment proposé de hausser le taux d’intérêt à 3% pour les 10.000 premiers euros déposés sur un compte d’épargne. Proposition gentiment rejetée par le Banque nationale de Belgique (BNB), qui évoque notamment un risque pour les profits bancaires.

Si la situation tend à se débloquer légèrement, elle est donc encore loin d’être idéale pour quiconque souhaitant rentabiliser son épargne. « Les banques évoquent toujours le risque d’instabilité financière, mais c’est de la foutaise », fustigeait la semaine dernière l’économiste Paul De Grauwe.

Banques: la prime de fidélité comme camouflage

ING s’est récemment démarqué en fixant un taux d’intérêt à 2,25% pour son compte Tempo Savings, faisant de ce dernier le livret le plus rémunérateur – à première vue – pour l’épargnant belge. Un beau coup de pub pour la banque au lion, qui a toutefois attisé la curiosité de l’association de défense des consommateurs Test-Achats.

Car en plus d’être limité à un dépôt maximum de 500 euros par mois, le taux d’intérêt de ce compte, affiché à 2,25%, est en réalité justifié en grande partie par la prime de fidélité (1,5%), le taux de base ne représentant que 0,75% du total. La prime de fidélité n’étant effective qu’un an après l’ouverture du compte, le client profitera du taux total affiché avec un délai non négligeable.

Dans les colonnes de L’Echo, Nicolas Claeys, spécialiste bancaire de Test-Achats, épingle l’entourloupe. « Le client ne bénéficie pas de la prime de fidélité avant un an. Sur toute la durée de l’épargne, il n’arrive en fait jamais aux 2,25 % ». L’expert parle « d’arnaque légale » pour qualifier ce système. « C’est tout à fait autorisé par la loi. Les banques rémunèrent la fidélité de l’épargnant. Mais du coup, elles ont le droit d’afficher un taux qui ne correspond pas vraiment à la réalité« , souligne-t-il. « Cela fausse la concurrence ».

L’épargnant a ainsi tout intérêt à vérifier le taux de base réel, hors prime de fidélité, s’il souhaite rentabiliser son épargne sur le court terme.

Diminuer ses dépôts sur les comptes d’épargne pour les placer ailleurs

« En regard des taux d’intérêt en augmentation, les banques ne sont pas dans une situation pas optimale en termes d’actifs, commente l’économiste Bertrand Candelon (UCLouvain). On pense notamment aux défaillances bancaires –Silicon Valley, Crédit Suisse. Les banques tentent de compenser ce risque en retardant l’augmentation des taux sur les comptes d’épargne. »

Pour l’expert, la bonne réaction du client serait de diminuer ses dépôts sur les comptes d’épargne et de davantage se diriger vers les comptes à terme, où les taux sont ajustés. « Clairement, c’est ce qui doit se passer : le client doit sortir son argent des livrets d’épargne pour investir sur les produits qui rapportent le plus. Cela forcera les banques à ajuster leurs taux d’intérêt, conseille-t-il. Dans cette optique, le ministre des Finances Vincent Van Peteghem veut instaurer des titres d’Etat avec un précompte à 15% au lieu de 30%, bloqué sur un an. »

Le client doit sortir son argent des livrets d’épargne pour investir sur les produits qui rapportent le plus. Cela forcera les banques à ajuster leurs taux d’intérêt.

Bertrand Candelon

Selon Bertrand Candelon, la nouvelle hausse des taux de la BCE – qui devrait avoir lieu cette semaine -conforte l’idée que les banques ont encore de la marge pour augmenter leurs taux d’intérêt. « L’augmentation des taux de la BCE signifie concrètement que les banques ont des intérêts encore plus importants. Mais elles ont aussi des coûts de liquidité, rappelle-t-il. Si on peut retirer son argent quand on le souhaite du compte d’épargne, avec un compte à terme, on est bloqué sur six mois. »

Enfin, concernant la prime de fidélité qui gonfle artificiellement les taux d’intérêt affichés par certaines banques, l’économiste y voit une conséquence de la concurrence sur le marché. « Même si avec plus de concurrence en Belgique, les taux d’intérêt auraient davantage augmenté. Généralement, le client belge est assez statique au niveau bancaire. »

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