Les Engagés
Les Engagés sont les plus dépensiers sur les réseaux sociaux, parmi les partis francophones. Leurs individualités y consacrent par contre moins de moyens que dans les autres formations. © BELGA

Pourquoi Les Engagés sont les plus dépensiers sur les réseaux sociaux

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Les Engagés sont le parti politique qui dépense actuellement le plus sur Facebook et Instagram, parmi les formations francophones. Une stratégie plutôt intelligente, selon la spécialiste Maha Karim-Hosselet.

Bien des internautes belges l’auront remarqué, ces dernières semaines. Les candidats et les partis politiques se montrent actifs, sur les réseaux sociaux, dont les locomotives Facebook et Instagram. De manière générale, les formations néerlandophones y consacrent bien plus de moyens que les francophones, ce qui n’est pas tout fait neuf. Parmi les francophones, ce sont Les Engagés qui, en tant que mouvement, se classent en première place, comme l’observe Maha Karim-Hosselet, consultante spécialisée dans le domaine des réseaux sociaux.

Lorsque de telles comptabilisations sont établies, le constat est toujours le même: le Vlaams Belang est, en Belgique, le parti qui réalise (de loin) le plus de dépenses publicitaires sur Facebook et Instagram. C’est directement observable sur la base de données rendue accessible par Meta, propriétaire de Facebook et Instagram. Au cours des 90 derniers jours, le parti d’extrême droite a dépensé un peu plus de 300.000 euros, soit considérablement plus que tous les autres. La N-VA arrive en deuxième position avec 114.205 euros.

Parmi les formations francophones, donc, Les Engagés sont les plus dépensiers, si on tient compte des dépenses publicitaires effectuées par les pages des partis sur ces réseaux. Cela n’inclut donc pas les candidats à titre individuels ou les sous-sections de partis.

Parmi les personnalités qui consacrent le plus de moyens à ces dépenses publicitaires en leur nom, on retrouve le président du Vlaams Belang, Tom Van Griecken, en tête de classement avec 87.024 euros au cours des 90 derniers jours. Suivent Melissa Depraetere (Vooruit, 60.614 euros), Jos D’Haese (PVDA, 30.845 euros), Franck Vandenbroucke (Vooruit, 29.431 euros) et Filip De Man (Vlaams Belang, 23.903 euros).

Les personnalités se présentant du côté francophone se retrouvent à nouveau loin derrière. Le top 5 est constitué de Georges-Louis Bouchez (MR, 19.254 euros), Sofie Merckx (PTB, 12.397 euros), Raoul Hedebouw (PTB, 9.226 euros), Paul Magnette (8.381 euros) et Rajae Maouane (6.563 euros).

Ces chiffres nuancent quelque peu le leadership des Engagés en la matière. Le candidat qui apparaît en premier lieu du côté de ce mouvement est la tête de liste européenne, Yvan Verougstraete, avec 2.123 euros au cours des trois derniers mois.

Les façons de dépenser varient également d’un parti à l’autre. Ainsi, le Vlaams Belang a dépensé son budget pour 127 publications sponsorisées au cours de la période écoulée, alors que Vooruit l’a fait pour 675 publications.

Du côté francophone, Les Engagés se démarquent donc en tant que mouvement politique, a priori en mettant moins que d’autres des individualités en lumière. Mais il n’est pas rare que ces publications payantes contiennent elles-mêmes des images ou des interventions de personnalités, le président Maxime Prévot par exemple, essentiellement à l’occasion d’interviews.

Il appartient à chacun de juger du bien-fondé de ces dépenses électorales sur les réseaux sociaux. En attendant, cette comptabilité met en lumière le fossé qui sépare encore les deux plus grandes communautés du pays. «En 2019 déjà, le Vlaams Belang était le plus actif, c’est toujours nettement le cas», note Maha Karim-Hosselet, puisque ce parti représente à lui seul un tiers de la totalité des dépenses.

Celle-ci souligne la prise de conscience des Engagés quant à l’importante des réseaux sociaux en termes de communication. «À travers leurs messages, contenus et ciblages, on perçoit une maîtrise de l’outil visant à atteindre leur public cible. Bien que leur stratégie ne soit pas encore aussi développée que du côté néerlandophone, leur détermination est palpable.»

Auprès des Engagés, on reconnait volontiers que l’amplification de la communication sur les réseaux sociaux est le fruit d’une stratégie délibérée. Ce n’est pas tout à fait une surprise, dès lors que ce mouvement, né sur les cendres du cdH en 2022, doit plus que les autres faire connaître son nom, son identité, ses valeurs auprès du grand public.

«Il y a de cela, mais les réseaux sociaux représentent aussi un moyen important pour faire connaître le projet, le contenu, les propositions, explique la porte-parole du parti, Audrey Jacquiez. Ils sont un canal, mais un canal parmi d’autres, c’est complémentaire. Nous nous exprimons toujours dans la presse traditionnelle, évidemment. L’affichage, les flyers, les toutes-boîtes restant aussi des leviers de communication.»

Je m’étonne que les partis francophones ne soient pas bien plus actifs.

Maha Karim-Hosselet

Est-il indispensable pour un parti d’investir autant dans les réseaux sociaux? «A l’heure où de nombreuses personnes s’informent uniquement sur les réseaux sociaux et que les algorithmes ont malheureusement tendance à flatter les contenus extrêmes et populistes, il est démocratiquement indispensable d’y être actif afin de défendre la nuance et la raison», justifie-t-on auprès des Engagés.

Facebook, en début d’année, représentait seul une audience publicitaire de 6,3 millions de personnes, à savoir 56,5% des internautes et plus de la moitié de la population belge, indique Maha Karim-Hosselet, s’appuyant sur une analyse de Xavier Degraux, expert de l’usage des réseaux sociaux en politique. Une telle force de frappe ne se balaie pas d’un revers de la main. Facebook peut apparaître comme un réseau social un peu has been, désormais, ou frivole, voire toxique. Mais lorsqu’il s’agit de créer une communauté et accroître sa notoriété, il reste incontournable.

«Ce n’est pas pour rien que les partis y investissent de l’argent. Si ça ne fonctionnait pas, ils ne le feraient pas. D’ailleurs, les partis très actifs tirent plutôt leur épingle du jeu, dans les sondages. Je m’étonne même que les partis francophones ne soient pas bien plus actifs», relève encore Maha Karim-Hosselet.

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