Alexander De Croo préfère Paul Van Tigchelt, en qui il a entièrement confiance, contrairement à Gwendolyn Rutten

Pagaille à l’Open Vld: « C’est chacun pour soi », après la démission de Vincent Van Quickenborne

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

La nomination de Paul Van Tigchelt comme ministre de la Justice fait des vagues au sein de l’Open Vld. Gwendolyn Rutten, qui pensait pouvoir accéder au poste, est déçue. Et avec elle, tout une flopée de libéraux qui estiment que la démocratie interne n’est plus respectée. « Chacun lutte pour sa survie », analyse le politologue Carl Devos (UGent).

L’Open Vld est plus divisé que jamais, au bord de la rupture. Le président Tom Ongena devait se justifier, en bureau de parti élargi ce matin. Pourquoi a-t-il choisi le cabinettard Paul Van Tigchelt pour remplacer le démissionnaire ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne ? Gwendolyn Rutten, déçue qu’on ne l’ait pas considérée pour prendre le relais, a annoncé tourner le dos à la politique nationale dans un post publié sur Facebook.

Dénonçant un parti libéral qui fait fi de tout principe démocratique dans son fonctionnement, elle a été rejointe par de nombreux cadres Vld, qui lui ont, d’une manière ou d’une autre, manifesté leur soutien. Mercedes Van Volcem, qui siège avec elle au Parlement flamand, estime que les libéraux flamands ont « désespérément besoin de la femme la plus forte du parti ». La députée flamande et collègue de Gwendolyn Rutten espère la faire revenir sur sa décision. Sur X (ex-Twitter), elle a indiqué qu’il était « temps qu’Alexander De Croo et Vincent Van Quickenborne apprennent à composer avec les gens et leur talent ».

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Un bureau de parti snobé par certains membres de l’Open Vld

Avant le bureau de parti, l’ancienne secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Maggie De Block n’était « pas satisfaite du tout » de la tournure prise par les événements. Tout comme d’autres pontes du parti, qui ne se sont pas rendus à la réunion de crise. L’ancien commissaire européen Karel De Gucht a dénoncé « une grave erreur politique », alors que Patrick Dewael songe siéger comme indépendant à la Chambre.

Pour le président de l’Open Vld Tom Ongena, Paul Van Tigchelt est « la bonne personne au bon moment »

Après le bureau de parti élargi, le président de l’Open Vld Tom Ongena a tenté tant bien que mal de maintenir ses troupes unies. Il a annoncé que la direction du parti confirmait la nomination de Paul Van Tigchelt, « la bonne personne au bon moment », et « l’expert par excellence en matière de sécurité à un moment où le pays est à nouveau confronté à la terreur ». Avant d’assurer qu’il allait consulter les membres « afin de resserrer les rangs », ainsi que travailler au renouvellement du parti. Concernant l’annonce de Gwendolyn Rutten, Tom Ongena a rappelé qu’elle « demeure absolument l’une des principales figures du parti », et qu’il discutera avec elle dans les jours qui viennent.

Pourquoi tant de remous après la nomination de Paul Van Tigchelt ?

Le politologue Carl Devos (UGent) estime que la nomination du nouveau ministre de la Justice est avant tout stratégique à l’Open Vld

Comment expliquer ces remous au sein de l’Open Vld, en marge de la nomination de Paul Van Tigchelt comme ministre de la Justice ? Cette décision a été prise par le ‘top’ du parti, composé du quatuor Alexander De Croo – Vincent Van Quickenborne – Tom Ongena – Bart Somers. « Certains au sein du parti estiment qu’il n’y a pas eu suffisamment de concertation, analyse le politologue Carl Devos (UGent). Ils ont l’impression d’avoir été mis hors-jeu ».

« Alexander De Croo est clairement derrière la nomination de Paul Van Tigchelt »

Carl Devos (UGent)

Seconde critique exprimée par les opposants à cette nomination : Paul Van Tigchelt n’a aucune légitimité démocratique, contrairement à d’autres membres du Vld qui ont été élus par la population. Le nouveau ministre de la Justice n’est pas un ‘politicien’ au sens propre du terme, mais plutôt un technicien, ancien directeur de l’OCAM et jusqu’ici directeur adjoint du cabinet Van Quickenborne.

« Les élus du Vld estiment que leur travail n’est pas valorisé, note Carl Devos. En plus, c’est à nouveau un homme qui a été choisi. Alexander De Croo, qui est clairement derrière la nomination de Paul Van Tigchelt, aurait pu opter pour une femme. Mais il a préféré un homme et vice-premier ministre en qui il a entièrement confiance, ce qui est moins le cas de Gwendolyn Rutten ».

Un manque de démocratie interne ?

Els Ampe a quitté l’Open Vld, dénonçant un manque de démocratie en interne © Belga

Le ras-le-bol de Gwendolyn Rutten, présidente de l’Open Vld entre 2013 et 2020, fait penser à celui exprimé par Els Ampe, qui avait décidé de quitter le parti lors des élections présidentielles. La députée flamande et ancienne échevin bruxelloise, un temps candidate à la succession d’Egbert Lachaert, avait dénoncé un manque de démocratie en interne.

« On jette nos principes démocratiques fondateurs à la poubelle »

Els Ampe, députée flamande et ex-Open Vld

Que pense-t-elle de cette nouvelle séquence pour son désormais ex-parti, alors qu’elle siège comme indépendante au Parlement flamand ? « C’est incroyable pour un parti libéral de se comporter de la sorte : on jette nos principes démocratiques fondateurs à la poubelle. J’alerte depuis longtemps sur cet environnement toxique, mais on n’a pas voulu m’écouter, Gwendolyn Rutten y compris. Aujourd’hui, elle sort du bois parce qu’elle se sent menacée. C’est faire preuve d’hypocrisie, même si je comprends qu’elle ne se sente pas respectée par le top du parti ».

« Gwendolyn aurait pu faire le job, mais… »

Alexia Bertrand aurait pu devenir ministre de la Justice, mais souhaite « finir le boulot » au Budget

Alexia Bertrand, qui était au bureau de parti ce lundi matin, comprend la déception de Gwendolyn Rutten. « C’est humain. Elle aurait pu faire le job, mais il fallait quelqu’un d’opérationnel tout de suite, qui connait les dossiers par cœur ». La secrétaire d’Etat au Budget confirme qu’elle a été évoquée un temps pour succéder à Vincent Van Quickenborne. « J’ai rapidement dit que je préférais rester au Budget pour finir le boulot. Je ne voulais pas engager un jeu de chaises musicales ».

Alexia Bertrand assure également que tout le monde, au sein de l’Open Vld, voit Gwendolyn Rutten comme une figure importante. Mais pour Carl Devos, certains ne voulaient pas que la bourgmestre d’Aarschot accède au poste ministériel tant convoité. « D’une part, l’aile droite du parti, menée par Egbert Lachaert, ne l’apprécie pas. D’autre part, les thèmes de la justice et de la sécurité, avec la migration, sont clés pour les nombreux électeurs flamands de centre-droit. Le Vld joue gros sur ces dossiers, il doit se refaire une santé en vue des élections ».

L’enjeu de cette séquence pour l’Open Vld ? Ni plus ni moins que la survie du parti

Les derniers sondages rapprochent l’Open Vld du seuil électoral de 5%. Avec la mort lente du parti, beaucoup d’élus craignent pour leur place en 2024, indique le politologue de l’UGent. « C’est chacun pour soi, chacun essaie d’assurer sa propre survie. Après les élections, il restera une petite fraction, qui pourrait s’effondrer si la N-VA devait former un nouveau parti flamand avec des éléments de l’Open VLD et du CD&V ».

Mais comment faire pour rebondir, alors que les éléments négatifs pour le parti s’accumulent de jour en jour ? « Il faut incarner une alternative libérale crédible pour ne pas rester bloqué entre la N-VA et le Vlaams Belang », juge Els Ampe, qui ne fait plus partie des rangs bleu foncé. Alexia Bertrand, elle, assure qu’une refonte est en cours. Et elle s’écrira en deux mots pour l’Open Vld : socio-économique et sécurité.

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