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Pourquoi les assureurs veulent magnétiser votre épargne: «Un beau pactole à récupérer»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Face à leurs bons de caisse de plus en plus nombreux, les banques voient les assureurs entrer dans la danse d’une concurrence (enfin) lancée pour mieux rémunérer l’épargne des Belges. Derrière ces propositions, le but principal, pour les institutions, est surtout d’aimanter les 22 milliards d’euros (et leurs intérêts) du premier bon d’Etat, qui seront libérés en septembre.

Des bons de caisse (qui se multiplient), des comptes à terme (dont les taux augmentent), des bons d’Etat (moins séduisants mais à nouveau proposés): la concurrence bancaire pour attirer les liquidités des Belges s’intensifie (enfin), cette fois via des produits différents du compte d’épargne. Mais un autre acteur, plutôt inattendu, est récemment sorti du bois. Ce sont les assureurs, qui comptent bien mettre leur griffe dans la bataille.

«En raison de l’inversion de la courbe des taux actuelle, la concurrence est féroce entre les banques et les assureurs, confirme l’économiste Bertrand Candelon (UCLouvain). On assiste clairement à un début de bataille entre ces deux acteurs en vue de capter une partie de l’épargne, dont une belle somme sera libérée avec la fin du bon d’Etat à un an émis en septembre dernier.»

Epargne: l’assurance entre dans la danse

En substance, les banques mettent donc sur la table différents produits. Après Belfius, BNP Paribas a emboîté le pas pour le bon de caisse. Des propositions similaires sont disponibles chez CPH ou Crelan. Les comptes à terme, eux aussi, frétillent. KBC propose une nouvelle formule, alors que Beobank a annoncé augmenter ses taux. Face à ce réveil, l’assureur Ethias est le premier à dégainer. Il compte visiblement venir perturber l’entre-soi bancaire belge, dont la situation olipolistique (quatre grandes banques dominent le marché) est largement dénoncée. «Entre juillet et août, cette concurrence va encore augmenter et de nouveaux produits vont apparaître», estime Bertrand Candelon.

Ainsi, Ethias proposera, à partir de ce vendredi 17 mai, une assurance-épargne (des produits appelés branche 21 ou branche 26), à des taux qui oscillent entre 2,90 % et 3,20 % brut, en fonction de la durée du placement (entre 18 mois et neuf ans) et du type de produit souscrit, écrit L’Echo. Elle devrait être suivie par d’autres, comme AG Insurance.

«L’assurance a toujours été un investissement de plus long terme, cadre le spécialiste. Le rendement est garanti, mais le placement s’inscrit davantage sur la longueur, contrairement au livret d’épargne qui donne un accès permanent à la liquidité, ou aux bons de caisse qui proposent des maturités plus courtes.»

Epargne: stimuler la concurrence

En Belgique, l’épargne par habitant est toujours importante. Un aspect non-négligeable. Ce nouveau produit d’assurance n’est donc pas une mauvaise chose «dans le sens où il stimule la concurrence entre les banques, les assureurs, mais aussi les Fintech, analyse l’économiste. Cette compétition financière est plutôt bonne, car elle permet en théorie de tirer les taux vers le haut.»

Alors, l’assurance-épargne est-elle plus avantageuse qu’un bon de caisse ou qu’un bon d’Etat? En réalité, il est impossible de trancher. Tout dépend du profil de chacun. «Elle peut être vue comme un complément sur un plus long terme, suggère Bertrand Candelon. L’idée, pour un investisseur, est toujours de diversifier un maximum ses placements pour limiter les risques.»

Après plus d’un an et demi d’immobilisme bancaire face à des taux directeurs pourtant élevés, ce sursaut semble de bon augure pour le «petit épargnant». «La hausse des taux stimule les banques à créer des produits pour attirer l’épargne. Quand les taux sont faibles, le consommateur est priorisé au détriment de l’épargnant. Et inversement lorsque les taux sont plus élevés, qui permettent aux banques d’acquérir de nouveaux clients.»

Moins de réticences

Le fait que les banques tiennent à ce point à récupérer les liquidités du bon d’Etat ne traduit-il pas une certaine fragilité? «Non, assure l’économiste. Les banques belges sont bien capitalisées et respectent les critères de Bâle III (NDLR: qui définissent les risques bancaires suite à la crise des subprimes). Il n’y a pas de fragilité particulière. Mais 22 milliards, c’est quand même un beau pactole à aller chercher.»

En outre, la possible diminution des taux directeurs de la BCE en juin ne signifie pas que les taux d’intérêt réels baisseront fortement. «Ils resteront largement positifs, rassure Bertrand Candelon. De façon plus théorique, les taux d’intérêt signifient une renonciation de la consommation présente. En d’autres termes, on vous récompense pour mettre de l’argent de côté et ne pas le consommer. Si les taux s’approchent de zéro ou deviennent négatifs, la consommation augmente car il n’y plus d’intérêt à épargner.»

Une chose est sûre, les banques ont été plus réticentes à augmenter leurs taux sur l’épargne que sur les comptes à terme ou les bons de caisse. Cela s’explique facilement. «Pour la banque, un compte d’épargne représente un problème de liquidité: le client peut retirer son argent quand il le souhaite. Avec un bon de caisse ou un compte à terme, il s’engage à le laisser pour la durée définie. Pour la banque, cela représente moins de risques. C’est pourquoi elle rémunère mieux ces formules.»

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