Bart De Wever veut former un parti de droite avec l'Open Vld et le CD&V

Un grand parti de droite en Flandre? « De Wever veut forcer la main des francophones » (analyse)

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Le président de la N-VA Bart De Wever veut former un parti conservateur en Flandre, en ralliant les élus les plus à droite du CD&V et de l’Open Vld. Quel est l’objectif des nationalistes ? Analyse avec Jean Faniel, directeur général du CRISP.

La N-VA effectue une rentrée politique fracassante. Dans les colonnes du magazine flamand Humo, son président Bart De Wever a évoqué la formation d’un grand parti de droite au nord du pays. Le nationaliste propose aux ailes les plus conservatrices du CD&V et de l’Open Vld de rejoindre sa formation politique. Objectif assumé du bourgmestre d’Anvers ? « Former un large parti populaire conservateur qui atteindrait les doigts dans le nez les 40% (aux futures élections législatives, NDLR) ». Pour Jean Faniel, directeur général du Centre de recherche et d’information socio-politique (CRISP), « il est impossible de savoir si c’est un pétard mouillé ou si on se tourne vers une recomposition du paysage politique flamand ».  

Comment analyser cette rentrée politique de la N-VA et de son président Bart De Wever ?

Jean Faniel : On sait que Bart De Wever est un stratège, qui prend de court et impose son tempo. En janvier dernier, il avait repris la main en remettant le confédéralisme au centre des débats. Il proposait alors de l’atteindre via des moyens extralégaux. Voilà le président de la N-VA de retour avec une autre déclaration, qui oblige les partis concernés à se positionner.

La proposition de Bart De Wever peut-elle s’expliquer par la situation politique en Flandre ?

Oui. Le CD&V et de l’Open Vld sont dans des situations compliquées. Leurs résultats électoraux (10,7% et 8,3% d’intentions de vote en juin dernier) sont douloureux et pourraient encore se dégrader jusqu’aux prochaines élections. Peut-être que Bart De Wever cherche à accélérer leur démembrement. Et puis, ces partis sont en pleine mutation, avec des changements de président plus ou moins récents (Sammy Mahdi pour le CD&V et Tom Ongena, président par intérim de l’Open Vld).

« La N-VA cherche à faire barrage au Vlaams Belang« 

Jean Faniel, directeur général du CRISP

Si on remonte plus loin dans le temps, on remarque que le paysage politique flamand est en évolution constante depuis 1990. Le CD&V n’a jamais réussi à enrayer son déclin, alors qu’il pesait 60% dans les urnes en 1950. L’épisode du cartel avec la N-VA en 2004 avait considérablement affaibli les démocrates-chrétiens, et renforcé les nationalistes.

Que signifie l’éventuelle formation de ce grand parti de droite pour le Vlaams Belang ?

À mon sens, la N-VA cherche à faire barrage au Vlaams Belang. Cette déclaration va plutôt à l’encontre d’une alliance entre les deux partis. Même si Bart De Wever reste ambigu vis-à-vis du Vlaams Belang. Il n’est pas attaché au cordon sanitaire mais a toujours soutenu qu’une alliance avec le parti d’extrême droite se ferait sans lui.

Bart De Wever tend la main aux francophones en vue de la formation d’un gouvernement fédéral à l’automne 2024 ?

L’idée est moins de leur tendre la main que de se rendre incontournable à leurs yeux. En ralliant l’Open Vld et le CD&V, Bart De Wever cherche à limiter les possibilités d’alliance avec les partis flamands. Pour, in fine, que les francophones soient forcés de s’allier à la N-VA.

Le CD&V et l’Open Vld vont-ils accepter de former ce grand parti de droite avec la N-VA ?

Je ne pense pas qu’il y ait eu de longues discussions préalables entre les partis concernés avant cette sortie dans les médias. Au contraire des tractations entre les Engagés et DéFi côté francophone (les deux partis ont longuement discuté d’un éventuel cartel, avant que le projet n’échoue, NDLR). Dans le cas présent, j’ai plutôt l’impression que la N-VA envoie le message suivant aux élus de l’Open Vld et du CD&V : « Si des rats veulent quitter le navire, nous les accueillons volontiers ».

Je doute que Tom Ongena et Sammy Mahdi acceptent la proposition. Par contre, certaines personnalités politiques importantes décideront peut-être de rejoindre les nationalistes. Pour certains, cela serait en quelque sorte un retour au bercail. Il ne faut pas oublier que l’éclatement de la Volksunie (l’ancêtre de la N-VA, NDLR) en 2001 a provoqué le départ de certains – comme Vincent Van Quickenborne – vers l’Open VLD ou Agalev (l’ancêtre de Groen). On peut s’attendre prochainement à un mouvement inverse, vers l’aimant nationaliste.

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