Qui de ces trois poids lourds remportera la bataille électorale? © rtbf auvio

Master de médecine à l’UMons: comment Magnette et Nollet ont encerclé Bouchez sur WhatsApp

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Sous la menace de devoir quitter les majorités francophones, en Région wallonne et en Fédération Wallonie-Bruxelles le MR a dû concéder à l’UMons son master en médecine. Ou comment Paul Magnette et Jean-Marc Nollet ont encerclé Bouchez.

Mardi 21 mars, 10 h 42, Georges-Louis Bouchez a un de ses deux téléphones en main. Il se connecte à WhatsApp et appuie d’un pouce énervé sur «Nouveau groupe». Il l’intitule «Master médecine», y ajoute Jean-Marc Nollet et Paul Magnette. Il y promet d’envoyer bientôt une note, sur laquelle il a travaillé avec, entre autres, Pierre-Yves Jeholet, ministre-président de la FWB, et Valérie Glatigny, en charge de l’Enseignement supérieur.

Et puis, les autres attendent jusqu’au mercredi avant de recevoir la note et, déjà, ça les énerve. Déjà et encore, en fait.

Au troisième étage

Parce que la veille, le 20 mars en fin d’après-midi, ils s’étaient énervés tous ensemble. Pas sur WhatsApp mais au troisième étage du siège du Parti socialiste, pendant une discussion des trois partis sur l’institutionnel. Ils y ont évoqué quelques pistes de simplification du paysage francophone (et leur position sur la désignation du Procureur du Roi de Bruxelles) et se sont même promis de se revoir régulièrement.

Le Montois était là avec son chef de cabinet, Axel Miller, et un technicien. Paul Magnette, Jean-Marc Nollet et Rajae Maouane étaient avec les leurs, c’était la première fois depuis des mois qu’ils se rencontraient, ou même, en particulier avec Georges-Louis Bouchez, qu’ils communiquaient sans l’intermédiation de personne. Puis les collaborateurs sont sortis, et ils se sont vus à quatre, entre Hainuyers avec Rajae Maouane et là, ils ont un peu gueulé, mais vraiment un peu, parce que quatre jours plus tôt, Paul Magnette, sur RTL, avait dit qu’ils passeraient par une majorité alternative s’il le fallait pour contourner le refus du MR qu’un master de médecine s’organise à Mons. Magnette avait réglé le calendrier et la distribution des rôles le dimanche, avec Nollet. Les deux Carolorégiens appellent même ça «un rétroplanning».

Magnette était sûr que Bouchez se coucherait, comme il l’avait fait avec le décret Crucke et le cordon sanitaire.

Sur le Google Drive de l’Institut Emile Vandervelde, on a mis à jour le document préparatoire aux négociations en vue de changer les majorités régionale wallonne et communautaire, qu’on avait créées fin 2021, avec la crise sur le décret Crucke au gouvernement wallon.

Les ministres sont prévenus, ils sont d’accord, même Elio Di Rupo, qui a toujours été le plus réticent, mais pour qui le développement de l’UMons est le travail d’une vie. Ils sont prêts et ils sont chargés de le faire entendre à leurs collègues libéraux au gouvernement wallon (Willy Borsus, Valérie De Bue, Adrien Dolimont) et de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Pierre-Yves Jeholet et Valérie Glatigny).

Bref, Paul Magnette, au troisième étage du boulevard de l’Empereur, joue devant Georges-Louis Bouchez et Jean-Marc Nollet le rôle de l’excédé qui trouve que ce n’est plus possible, ce qui lui demande peu de travail. Il pose que tout éventuel compromis ne peut passer que par l’acceptation, par le MR, des 57 habilitations validées par l’Ares, l’organe qui régule l’enseignement supérieur. Y compris la montoise.

Jean-Marc Nollet, lui, joue le rôle du jeteur de ponts entre Georges-Louis Bouchez et Paul Magnette, ce qui lui demande beaucoup de travail – il y a longtemps que les verts souhaitent jeter le MR hors des gouvernements, mais lui, ça l’embêterait si, par rétorsion, le MR, au fédéral, poussait une majorité alternative sur le nucléaire.

Il propose un compromis en quatre points, avec l’acceptation des masters et, comme le proposent les écologistes depuis plusieurs semaines, un financement des étudiants du master montois à 85%. C’est ce qui se fait déjà dans les trois universités qui proposent ce master, car leur taille les autorise à des économies d’échelle. Et l’UMons, qui aurait théoriquement droit à financer ses carabins à 100%, est d’accord depuis le début pour faire cet effort. Les autres points portés par Nollet sont susceptibles d’apaiser le MR. Ils se retrouveront d’ailleurs presque tels quels dans l’accord validé par le gouvernement, samedi soir, vers 19 h 30, au cabinet du ministre-président Jeholet, avenue Louise.

Mais les trois Hainuyers crient un peu, enfin surtout deux, mais celui d’entre eux qui risque de quitter les majorités, à la fin, dit qu’il faut atterrir et qu’il proposera le lendemain une piste de solution.

24 heures de retard

D’où le groupe WhatsApp du mardi à 10 h 42, d’où son intitulé implicitement apaisant, et d’où la promesse d’un package, dont Georges-Louis Bouchez discute avec Pierre-Yves Jeholet et Valérie Glatigny avant de le transmettre à ses homologues, ce qui tarde.

Et d’où l’énervement encore croissant des deux autres membres du groupe WhatsApp, qui ne reçoivent rien jusqu’au mercredi. Et qui apprennent que le mardi soir, tard, au conseil communal de Mons, le chef de groupe Mons en Mieux s’abstient sur la motion soutenant l’installation d’un master en médecine à l’UMons, tout en criant que cette idée est nulle (les sensitivity readers du Vif n’autorisent pas une retranscription brute, accessible sur YouTube).

Et tout en signalant que les présidents de parti, il l’espère, aboutiront dans les prochaines heures à un compromis. Le document que reçoivent le mercredi Paul Magnette et Jean-Marc Nollet est pour eux inadmissible: il comprend diverses hypothèses visant à limiter la grave pénurie de médecins à laquelle sa démographie condamne le Hainaut (la moitié de ses généralistes ont plus de 55 ans), dont un master de spécialisation en médecine générale, plutôt qu’un master complet en médecine, à l’UMons.

La tension à laquelle était soumis le gouvernement de la FWB était surtout imposée par les présidents de parti.
La tension à laquelle était soumis le gouvernement de la FWB était surtout imposée par les présidents de parti. © belgaimage

Ce dernier point ne respecte évidemment pas le préalable qu’avaient placé lundi les deux autres présidents, qui explosent tous les deux mais qui ne le disent pas tous – ils ont un rétroplanning et des rôles à tenir. C’est Paul Magnette, donc, qui écrit sur le groupe que c’est évidemment inadmissible, qu’il est excédé et que ce n’est plus possible. C’est également Paul Magnette qui, le lendemain matin, jeudi, répète à la radio qu’il est excédé et que ce n’est plus possible, et que si le gouvernement ne valide pas les 57 habilitations, une majorité alternative sera dégagée au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, sans le MR. C’est aussi Paul Magnette qui avait habilement invité, dès le lundi et comme ça arrive parfois, quelques journalistes à une discussion informelle, jeudi après-midi, au boulevard de l’Empereur toujours, mais au rez-de-chaussée cette fois. Il avait dit, et c’était du off, qu’il était excédé et que ce n’était plus possible, qu’une proposition de décret validant les 57 habilitations serait déposée, le mardi 28 mars, en commission, puis pris mercredi en considération en séance plénière, et enfin voté deux semaines plus tard. Ça serait la fin des majorités PS-MR-Ecolo, et Les Engagés de Maxime Prévot étaient d’accord pour donner le coup de main qu’il fallait. Mais il était sûr que Georges-Louis Bouchez se coucherait, comme il l’avait fait avec le décret Crucke et avec le cordon sanitaire, parce qu’il était encerclé.

L’accord de base validé sur WhatsApp est confirmé rapidement, sans surfinancement ni présidents de parti.

Rully rouge

Quelques minutes après la discussion informelle en off du rez-de-chaussée du boulevard de l’Empereur, toutes les manchettes des sites des journaux rapportent que selon des sources proches du boulevard de l’Empereur, Paul Magnette est excédé, que ce n’est plus possible, et qu’une proposition de décret sera déposée le 28 mars en commission.

Sur WhatsApp, Georges-Louis Bouchez répond qu’il n’a pas peur, mais à Jeudi en prime, sur la RTBF, le président réformateur ne promet pas de master en médecine à l’UMons, mais bien un accord, parce qu’il est tout de même encerclé. Le vendredi après-midi, il envoie au groupe WhatsApp une autre note, qui prévoit les 57 habilitations avec des conditions, et Paul Magnette, qui, par ailleurs, doit subir la décision de Lego de ne pas s’installer à Gosselies, comme Jean-Marc Nollet, trouvent que c’est enfin un début de discussion admissible. Ils l’estiment si bien que le samedi, toujours sur WhatsApp, ils discutent pour voir si finalement, tant qu’à faire, puisqu’il est encerclé, le MR n’accepterait pas que la moitié des futurs étudiants en médecine de l’UMons soient financés à 100% plutôt qu’à 85%, et Georges-Louis Bouchez sait qu’il a perdu en concédant le master mais que là- dessus, il gagnera. C’est surtout Paul Magnette, en fait, qui, depuis le congrès de la Centrale générale de la FGTB, à Blankenberge, est excédé et dit que ce n’est plus possible et qu’il ne négociera plus jamais sur WhatsApp et que pour le reste, le gouvernement s’arrangera et il ne répondra plus aux messages qui suivront.

Il est convoqué à 16 h 30, le gouvernement, et il s’arrange, avec ses cinq ministres et leurs chefs de cabinet. Il n’y a qu’une seule Hainuyère dans la salle, avenue Louise, au cabinet du ministre-président, c’est Bénédicte Linard (Ecolo). Et il n’y a aucun président de parti. L’accord de base validé sur WhatsApp est confirmé rapidement, sans surfinancement. Il y a une pause, pendant laquelle Pierre-Yves Jeholet fait servir un Rully rouge à ses collègues qui le voulaient, et Valérie Glatigny, Caroline Désir et Bénédicte Linard ont pris de l’eau pétillante. Les chefs de cabinet terminent le texte, et les ministres s’assurent que l’ULB accepterait bien de rétrocéder, sur sa propre enveloppe du master en médecine, le montant nécessaire au financement des Montois.

Puis on reprend, rapidement, pour conclure.

Et Valérie Glatigny demande si on ne devrait quand même pas réfléchir plus clairement au financement des implantations universitaires à Charleroi.

Il faut pour en finir lui dire que ce n’était pas le moment. Ce n’est pas un truc à négocier sans Hainuyers à énerver.

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