Les coulisses de l’enterrement de la réforme fiscale: « Le MR a décidé de jeter des punaises »
Cinq weekends de conclave en mode kern n’auront pas suffi. La réforme fiscale est enterrée jusqu’à la prochaine législature. Tous les partenaires de majorité ou presque pointent du doigt le MR.
Vive le Roi et la Reine, vive la Belgique, et vive la réforme fiscale ! Ce 21 juillet devait être un jour de fête pas comme les autres pour le gouvernement fédéral. En plus de célébrer la Belgique, les partenaires de la Vivaldi avaient initialement prévu de faire sauter le bouchon pour la réforme fiscale. Il n’en sera rien. La réforme fiscale est morte, à cause du MR accusent plusieurs partis. « Durant ces cinq weekends, on a assisté à une mauvaise pièce de théâtre du MR, nous glisse un vice-premier ministre. Une pièce qui était écrite depuis le 1er weekend, même si on espérait que ça bouge. C’était une pantalonnade, il n’y avait aucun effort de la part des libéraux. Ils nous ont laissé croire qu’ils étaient prêts à négocier. »
Les choses s’enveniment samedi, alors que le Vice-Premier ministre et ministre des Classes moyennes David Clarinval (MR) quitte la table des négociations. « Il y avait trop de taxes dans le projet, réagit le libéral. Par contre, aucune mesure pour améliorer l’emploi, alors qu’un chômeur qui travaille rapporte 28.000 euros par an. Si vous mettez 15.000 à 20.000 chômeurs au travail, cela rapporte des centaines de millions sans devoir taxer les autres ». Une attitude que regrettent plusieurs partenaires de majorité, dont le PS. « Le MR a pratiqué la politique de la chaise vide, alors que nous étions constructifs aux réunions. Il ne restait que quelques heures de négociation pour atteindre un accord, regrette le ministre socialiste de l’Economie Pierre-Yves Dermagne. Ils voulaient toucher au marché du travail, mais cela ne fait pas partie du cadre des négociations défini par l’accord de gouvernement« .
« David Clarinval lui-même était malheureux : il n’avait aucune marge de manœuvre pour négocier »
Un membre du kern
Le MR torpille la réforme fiscale: « C’est quand même une drôle de manière de faire »
Le MR a donc claqué la porte du kern. Pendant 3 jours, les six partenaires des libéraux francophones au sein de la Vivaldi attendent, les yeux rivés sur leur smartphone. Jusqu’à ce lundi, et la publication d’un communiqué du Bureau de parti du MR. « Un parti qui quitte la table des négociations pour se réunir et exprimer sa position publiquement, c’est quand même une drôle de manière de faire », s’indigne Pierre-Yves Dermagne, qui y voit une nouvelle interférence du président libéral Georges-Louis Bouchez dans les dossiers du gouvernement.
« Cela me fait penser au bilan qui a été dressé vis-à-vis de Georges-Louis Bouchez après l’émission Special Forces sur VTM, ironise un autre membre du kern. Incapable de travailler en équipe et égocentré. On a senti cette ligne du parti dans les discussions autour de la réforme fiscale et David Clarinval lui-même en était malheureux : il n’avait aucune marge de manœuvre pour négocier ».
« J’ai dit à Alexander qu’il n’avait aucun intérêt personnel à porter le projet du MR »
« Pendant 3 jours, on a réfléchi avec le Premier ministre et rédigé une contre-proposition, explique David Clarinval. On créait 19.000 emplois, il y avait moins de taxes. Lors du kern de ce lundi, j’espérais qu’on puisse discuter du projet, qui avait été validé par Alexander De Croo. Mais la gauche a directement refusé de discuter car cela s’éloignait de leur projet de taxe à-tout-va et ils ne veulent pas réformer le marché du travail ». Le vice-premier libéral reconnait que la réforme a bloqué pour des raisons purement idéologiques.
« Les grands perdants sont les Belges »
Un vice-premier ministre
Ce lundi, donc, David Clarinval s’entretient avec le Premier ministre Alexander De Croo lors de plusieurs réunions bilatérales. Résultat de ces heures de discussion âpres : un projet de réforme fiscale remanié, qui porte la patte du MR mais est approuvé dans un premier temps par le chef du gouvernement. S’ensuit une réunion entre les sept partenaires de majorité. « On n’a même pas parlé du fond de la réforme lors de cette plénière, glisse un vice-premier. J’avais dit à Alexander qu’il n’avait aucun intérêt personnel à porter le projet du MR. Il était construit sur du vent, avec des effets retour, et des mesures dont le financement n’était pas garanti ».
« C’était possible avec un peu de bonne volonté, estime un autre vice-premier. Mais le MR a décidé de jeter des punaises sur la route du Premier ministre, qui fait pourtant partie de la famille libérale. Les grands perdants sont les Belges, pour qui il n’y a pas de nouvelle règle en matière de création d’emplois. Et le Premier ministre, qui a tout essayé mais s’est fait torpillé au sein même de sa famille politique ».
Le MR, grand perdant de la chamaillerie autour de la réforme fiscale ?
« Le MR montre une image de lui qui doit troubler pas mal d’électeurs, s’épanche le cadre de parti. Ils doivent se demander s’il est un partenaire fiable, capable de travailler avec d’autres. Choisit-il les bonnes personnes aux bons postes, comme pour un ministère des Affaires étrangères ? Ces questions méritent en tout cas d’être posées ». « Au contraire, se défend David Clarinval, je pense que les électeurs ont vu que le MR était le seul parti qui voulait empêcher de nouvelles taxes. Les électeurs n’oublieront pas qu’on s’est opposés à ça. »
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