« Le PTB, parti politique ou syndicat ? » Quand PS et MR se lâchent lors d’un débat étudiant
Invités à une conférence sur l’avenir de la Belgique, à un an des élections, David Clarinval (MR), Sofie Merckx (PTB) et Thomas Dermine (PS) ont fait des révélations explosives. Récit d’une soirée sous tension, dans un auditoire transformé en arène de gladiateurs, où tous les coups étaient permis.
L’avenir de la Belgique. Le thème d’un débat étudiant, organisé par les kots-à-projet l’Etincelle et le Citoyen dans un auditoire de l’UCLouvain. En special guests : Thomas Dermine (PS), le secrétaire d’Etat à la Relance, David Clarinval (MR), Vice-premier ministre et chargé francophone de la réforme institutionnelle et Sofie Merckx (PTB), cheffe de groupe à la Chambre. Il est 19h30. L’heure à laquelle la conférence doit normalement débuter. Sur le gong, Thomas Dermine débarque dans l’auditoire. « Dav’, ça va ? », lance le socialiste carolo à son collègue de gouvernement. Le ton est donné. Ce soir, pas de tabou : la parole politique sera libérée.
Première question posée aux trois politiques lors de cette conférence-débat : faut-il maintenir le vote obligatoire en Belgique ? La discussion, bon enfant, s’engage. Assez rapidement, Sofie Merckx prend le micro pour étaler le programme du PTB. Le refrain est connu : l’augmentation des prix de l’énergie causée par la libéralisation du secteur dans les années 80-90. Sur ce point, Thomas Dermine opine du chef, et déclare ouvertement à l’auditoire qu’il est d’accord avec sa collègue marxiste. Après cette parenthèse électorale, celle qui porte le programme du PTB à la Chambre répond enfin à la question qui lui avait été posée sur le vote obligatoire. « Le vote obligatoire est très important, nous le soutenons mais la démocratie ne se limite pas aux élections… Les grandes conquêtes sociales passent par la lutte sociale car le pouvoir se trouve dans les conseils d’administration des grandes entreprises. »
Le PTB ne montera pas au gouvernement avec le MR en 2024
Vient alors une question du public, bien sentie. Le PTB est-il prêt à monter dans un gouvernement en 2024 ? « En 2019, nous avions une proposition de rupture avec le PS, confesse Sofie Merckx. Nous ne sommes pas un parti du rejet, juste un parti qui propose une vision différente de la société ». Avant de lâcher une véritable bombe. « Le PTB ne montera jamais dans une coalition avec un parti comme le MR, qui roule pour les gros capitalistes ».
À droite de l’élue, David Clarinval tique, et demande la parole pour réagir. À gauche de l’élue, stoïque, Thomas Dermine a les yeux rivés sur son smartphone. Dans l’auditoire, on peut sentir la moutarde monter au nez du socialiste, qui abandonne soudain toute retenue. « Je suis très énervé car je viens de lire sur Twitter que David et moi-même moquerions la critique du capitalisme dans une alliance socialo-libérale contre Sofie Merckx ! ». Le tweet en question a été écrit par un assistant parlementaire de la femme politique, présent au premier rang.
« C’est grâce au PTB que la pension minimum a été relevée »
Thomas Dermine ne décolère pas : « Vous devez savoir que le PTB sabote toujours les débats de la sorte, en utilisant les réseaux sociaux. C’est la même chose au Parlement ! ». Le secrétaire d’Etat ose alors une métaphore musicale. « Ils me font penser à la chanson La vie par procuration de Jean-Jacques Goldman. Faire la leçon à la majorité depuis l’opposition, c’est facile ». David Clarinval prend le relais, dans le même registre. « Ce que j’entends me fait penser à une autre musique, qui est Paroles, paroles de Dalida ». Réponse de l’élue communiste : « Le monde ne se change pas que dans les gouvernements, aussi dans la rue. C’est grâce au PTB que la pension minimum a été relevée ». Son collègue carolo n’en croit pas ses oreilles. « Vous n’êtes pas dans les réunions du kern qui durent toute la nuit, où nous nous battons euro par euro pour relever les pensions ! Cela fait 140 ans que le PS prend ses responsabilités pour construire des acquis sociaux tandis que vous vous cloitrez dans l’opposition ».
« Je ne sais pas si le PTB est un parti ou un syndicat »
« Nous ne faisons pas que ça, rétorque Sofie Merckx. Nous allons à la rencontre des gens, dans la rue et sur les réseaux sociaux, pour entendre leurs revendications ». Ce faisant, l’élue tend une perche à son adversaire socialiste, qui n’en demandait pas tant. « Je me le demande : le PTB est-il un syndicat ou un parti politique ? Parce que le rôle habituel d’un parti politique est de faire passer des lois, pas de manifester ». Son collègue libéral au gouvernement fédéral embraye : « Il faut se mettre à table pour discuter et obtenir des compromis qui satisfont tout le monde. L’histoire a démontré, en Chine et en Russie, qu’avoir un seul parti rouge vif au pouvoir ne faisait pas avancer les choses ».
« Si on le pouvait, on gouvernerait aussi tout seul. Mais on est dans un système de coalition, donc il faut faire des compromis »
Thomas Dermine (PS)
Prise en sandwich entre le MR, à droite, et le PS, à gauche, le PTB ne sait plus que répondre. Sofie Merckx se contente de secouer la tête, un grand sourire sur le visage. L’élue fait désormais face à une avalanche de critiques. « Si on le pouvait, on gouvernerait aussi tout seul, reprend Thomas Dermine. Mais on est dans un système de coalition donc il faut faire des compromis. Ce n’est pas facile mais des partis comme le PTB, qui refusent la majorité, ont leur part de responsabilité. C’est un cercle vicieux qui accentue les votes de rejet en faveur des extrêmes ». De quoi faire changer la posture du PTB d’ici les élections de 2024 ?
Un long silence suit cet enchainement de punchlines et de déclarations en cascade. Le public, majoritairement étudiant, est pantois. Bouche bée devant ce spectacle politique où l’on s’écharpe sans retenir les coups, hors du cadre médiatique et parlementaire. Alors qu’il ne reste que 30 minutes à la conférence, une seule thématique sur les trois initialement prévues a été abordée. Plus calmement, les trois élus abordent avec le public la question de l’avenir institutionnel et du référendum d’initiative populaire. À 21h30, cette joyeuse assemblée quitte l’auditoire qui, pendant une heure, s’est transformé en une arène de gladiateurs où la langue de bois n’existait plus.
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