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Analyse | Pourquoi la démission de Sarah Schlitz fait d’elle un symbole (comme Sander Loones)

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Après une semaine d’erreurs, de révélations et de polémiques, la démission de la secrétaire d’Etat à l’Egalité des genres Sarah Schlitz (Ecolo) fait d’elle et du député Sander Loones (N-VA) des figures fort clivées de notre vie politique. 

Beaucoup de garçons qui jouaient au football dans la cour de récréation connaissent la règle des trois corners, un penalty. Une femme qui travaille en politique dans un gouvernement a appliqué ce mercredi matin une règle des trois excuses, une démission. 

En une petite semaine en effet, l’ancienne secrétaire d’Etat Sarah Schlitz a présenté trois fois des excuses et puis une fois sa démission

Elle s’est excusée une première fois mardi dernier en commission pour l’apposition de son logo personnel sur une brochure. 

Elle s’est excusée une deuxième fois jeudi dernier en plénière pour la demande d’apposition de son logo dans un manuel pour répondre à des appels à projets. 

Elle s’est excusée une troisième fois mardi sur les réseaux sociaux, après avoir remercié pour leur soutien des gens qui partageaient un amalgame possible, du reste entretenu par des membres de son cabinet, entre les nazis qui exterminèrent les homosexuels et la N-VA, son député Sander Loones, et l’extrême droite qui l’attaquaient.

Et puis elle a démissionné.   

Comme un penalty de récréation remet à zéro le compte des corners, une démission de ministre brise ainsi définitivement un cycle infernal. Celui des révélations imposant des excuses couvrant des mensonges entraînant des maladresses provoquant des excuses menant à des imprécisions induisant des excuses entamé mardi dernier, et qui allait encore durer, au moins jusqu’au vote programmé ce mercredi après-midi. 

Rien d’autre que cette démission n’aurait pu arrêter cette noria d’excuses : ce matin, dans un Bureau politique d’Ecolo réuni par zoom, il a encore été question d’autres cas de dissémination douteuse de son logo (un mail de son cabinet au SPF Justice le demandant, une autre manifestation l’affichant, et une requête orale allant dans ce sens). 

Former State secretary for gender equality and diversity Sarah Schlitz pictured at a press conference on the mistakes that were made in the use of her personal logo and the reasons for her resignation which was given to Prime Minister earlier today, in Brussels, Wednesday 26 April 2023. Schlitz was State secretary for gender equality, equal opportunities and diversity in Belgian’s federal government since 2020. BELGA PHOTO VIRGINIE LEFOUR

Et tout ceci indique que la jeune progressiste liégeoise, qui a répété mercredi dans sa déclaration de départ combien « la bonne gouvernance est dans l’ADN d’Ecolo », s’est comportée, en faisant ainsi figurer son logo personnel sur toutes sortes de supports dûment subventionnés, comme le faisaient les vieux échevins couperosés des majorités absolues de nos pères.  

Ceux-là même, parfois fossilisés dans un pouvoir éternel, qui furent une des raisons pour lesquelles Sarah Schlitz, toute jeune – elle est conseillère communale à Liège dès 2012 -, choisit Ecolo plutôt qu’un Parti socialiste vers lequel sa généalogie l’inclinait : son grand-père fut bourgmestre socialiste de Liège, et une partie de la famille milite encore au PS. Et sa tante servira le maitrank à la veillée du premier-mai de la section locale d’Angleur dimanche soir (rendez-vous au Château de Péralta à 18h30). 

Deux symboles et deux stars

« La N-VA a fait de moi un symbole. En démissionnant, je veux leur enlever ce symbole », a déclaré Sarah Schlitz ce mercredi matin. Et des symboles ne font pas une sociologie mais tout, là aussi, l’oppose au député N-VA Sander Loones, qui aura dénoncé la légèreté avec laquelle elle fit se diffuser son logo personnel. Elle avec son grand-père, lui avec le sien, qui fut bourgmestre VNV d’Oostduinkerke pendant la guerre, et bourgmestre Volksunie d’Oostduinkerke après la guerre, après la pause de vingt années imposée par la privation de ses droits civils et politiques. Elle la Wallonne et lui le Flamand. Elle qui s’est éveillée à un monde qui se nimbait encore des fumées de la sidérurgie, lui qui a grandi dans le vent du nord et le souffle des chevaux de trait glaneurs de crevettes. Elle de gauche, la nouvelle gauche, pas l’ancienne, du genre à apposer ses logos partout. Lui de droite, la droite moderne, pas celle d’avant, qui se cachait d’aimer sa patrie, la Flandre, avant celle des autres, la Belgique. Elle, l’écologiste qui considère que l’écologie politique proscrit le nationalisme. Lui, le nationaliste qui dit que « tout nationaliste devrait être écologiste, parce que ceux qui veulent protéger leur identité et leur communauté doivent aussi protéger la nature ».

L’un comme l’autre sont à leur manière, devenus les stars du moment, et sans doute resteront-ils longtemps des symboles. 

Sarah Schlitz, en fait, n’y perd pas non plus. Elle a quitté son poste pour des mensonges véniels sur un logo personnel, alors que d’autres (et dans son entourage on pense beaucoup à Jan Jambon après les attentats de 2016 et Theo Francken après les visas vendus par son cabinettard) sont restés en place après des fautes apparemment plus graves

Sander Loones, qui s’est fait une spécialité de débusquer les fautes des ministres de la Vivaldi, gagne beaucoup. Son parti, qui érige les verts en repoussoirs absolus, aussi. En novembre, Sander Loones avait déjà poussé la secrétaire d’Etat au Budget, l’Open VLD Eva De Bleeker, à la démission parce qu’elle avait présenté des tableaux budgétaires erronés. Un peu moins de six mois plus tard, il ajoute une secrétaire d’Etat à son palmarès. Il était pressenti comme un successeur possible pour Bart De Wever comme président de la N-VA. Il en deviendrait déjà presque une des principales figures. Il en est déjà un symbole, dressé contre une Vivaldi hostile à la Flandre.  

Sarah Schlitz, en fait, n’y perd pas non plus. Elle a quitté son poste pour des mensonges véniels sur un logo personnel, alors que d’autres (et dans son entourage on pense beaucoup à Jan Jambon après les attentats de 2016 et Theo Francken après les visas vendus par son cabinettard) sont restés en place après des fautes apparemment plus graves. Son mandat de ministre l’a imposée en championne de la lutte contre le patriarcat, contre un système plus brutal avec les femmes, les racisés ou les minorités sexuelles qu’avec les groupes dominants. Telle qu’elle l’a présentée, et telle qu’elle est perçue chez ses soutiens, sa démission justifie son combat, et la rend incontournable pour le poursuivre. Elle en est désormais un symbole, victime d’un système impitoyable avec les dominés. 

Son parti, en revanche, y perd beaucoup.  

Car si Sarah Schlitz a dû démissionner après avoir menti, après avoir cafouillé, et après avoir dû s’excuser trois fois pour des peccadilles, là-bas, on retiendra d’elle, on n’en retient déjà que ça, que ce n’était que pour des peccadilles. De son parti, par contre, on retiendra ailleurs que ses ministres mentent, cafouillent et doivent présenter de piteuses excuses, qu’on ne risque pas d’accepter à l’avenir. 

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