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L’appli qui sort du silence les personnes atteintes de Parkinson

Laetitia Theunis Journaliste

Phrases préécrites prononcées par la tablette, clavier adapté, appel à l’aide, alarme pense-bête: l’application ParkinsonCom, fruit d’une démarche participative, sort du silence les personnes atteinte de la maladie de Parkinson.

Francis Delorge, atteint de la maladie de Parkinson comme près de 40 000 autres Belges, résume de façon limpide: «Voilà un outil utile au quotidien qui nous permet de vaincre notre isolement.» Avec une dizaine de chercheurs et une centaine de patients, il a participé, durant trois ans, au développement de ParkinsonCom, une application gratuite d’aide à la communication pour les personnes souffrant de la maladie de Parkinson et leurs aidants.

Cette pathologie résulte de la dégénérescence de la partie du cerveau coordonnant les mouvements. Elle est surtout connue à travers ses symptômes de tremblements. Moins pour les troubles de la motricité de la parole, lesquels s’installent petit à petit et réduisent progressivement l’intelligibilité. «Au début de la maladie, les parkinsoniens ont encore la parole fluide, quoiqu’avec un volume sonore réduit, puis la perte de l’articulation s’accentue et cette fluidité cesse», poursuit Francis Delorge. Face à cette communication déclinante, les réactions des patients vont de l’anxiété à l’isolement social complet. «Or, l’apathie est liée à une moins bonne réponse aux traitements pharmacologiques mais aussi à un sentiment de détresse plus important chez les aidants proches, notent les chercheurs du service d’orthopédagogie clinique de l’UMons et leurs collègues de l’université polytechnique Hauts-de-France. Le soutien social est positivement corrélé avec la qualité de vie de la personne parkinsonienne.»

L’appli contribue au bien-être. Et quand un malade de Parkinson, souvent rigide et tendu, est détendu, il communique mieux.

Trois clics et deux claviers

Face à ces constats, ces scientifiques ont entrepris d’élaborer un outil simple permettant aux patients de continuer à communiquer avec leur entourage. Pour qu’il rencontre pleinement leurs attentes, pas moins de 99 malades ont participé activement à son ébauche. «Pour une pertinence maximale du produit fini, ils ont été impliqués dans chaque étape du développement du logiciel: l’identification du besoin, la conception du logiciel, l’évaluation du prototype et celle du logiciel final», précise Kathia Oliveira, chercheuse en informatique, qui a dirigé le projet.

L’application sert d’organe vocal. Elle prononce à haute voix les phrases écrites par le patient sur sa tablette. Elle offre la possibilité d’écrire des messages à l’avance, lorsque le patient se sent bien, et de les enregistrer pour les utiliser plus tard, quand il est moins en forme. «En un minimum d’action, trois clics sur la tablette, on peut déclencher une phrase préprogrammée avec les informations que l’on souhaite. Ces phrases sont saisies préalablement, par soi-même ou par un des soignants, et constituent la base d’une conversation que l’on souhaite avoir dans son propre intérêt», ajoute Lut Moereels, atteinte de la maladie de Parkinson et membre de la Vlaamse Parkinson Liga. Elle a veillé à ce que l’application soit de la même qualité tant en français qu’en néerlandais.

L’application sert, entre autres, d’organe vocal. Elle prononce à haute voix les phrases écrites préalablement par le patient sur sa tablette.
L’application sert, entre autres, d’organe vocal. Elle prononce à haute voix les phrases écrites préalablement par le patient sur sa tablette. © ParkinsonCom

Avec l’avancée en âge et les symptômes de tremblements, les doigts se perdent fréquemment sur le clavier et poussent plusieurs touches en même temps. Pour plus d’ergonomie, les chercheurs ont développé deux systèmes de clavier numérique: l’un est un azerty avec une police et un espacement entre les touches personnalisables, l’autre est un clavier alphabétique ABCDE, en quatre lignes, conçu à la demande expresse des patients.

Adaptées aux réalités et moyens financiers

En cas de chute au domicile ou de tout autre problème, l’application dispose d’une fonction SOS. Lorsque le patient clique sur l’icône «appel d’urgence», la personne qu’il a précédemment encodée comme contact principal reçoit l’appel à l’aide. Si celle-ci ne réagit pas, cinq contacts secondaires définis au préalable seront contactés un à un. Soit par SMS si la tablette est munie d’une carte SIM, soit par e-mail si elle est uniquement connectée au wi-fi. «Une autre fonction très intéressante de l’application est le rappel de la prise de médicaments et de soins médicaux hebdomadaires. Cette alarme, c’est un souci en moins», assure Aurélie Régent, orthophoniste qui a testé l’appli. Celle-ci offre aussi accès à des fonctions de détente: écouter de la musique ou la radio, visionner des photos, lire ou écouter des phrases réflexives. « Cela contribue au bien-être au quotidien. Et quand un malade de Parkinson, souvent rigide et tendu, est détendu, il communique mieux», ajoute-t-elle.

«L’ application est un outil abouti, simple d’utilisation et gratuit, loin des outils de communication chers que l’on trouve sur le marché, conclut Anne Blanchard, du service de médecine physique et réadaptation au CHU de Lille. Les parkinsoniens sont majoritairement des personnes âgées: il était nécessaire que l’outil soit adapté à leurs réalités et à leurs moyens financiers, souvent maigres. Jusque-là, c’était une niche de patients abandonnés.»

Le projet a été financé à hauteur de 1,638 million d’euros par l’Union européenne et l’Agence wallonne pour une vie de qualité (Aviq) dans le cadre du programme de coopération transfrontalière Interreg France-Wallonie-Vlaanderen.

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