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Yves Van Laethem sur la 3e dose: « Saint-Nicolas apporte des cadeaux avant l’heure, il faut les prendre »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La troisième dose est « fondamentale » et « urgente » pour les personnes à risque, alerte Yves Van Laethem. Selon le virologue, il n’est pas cependant pas nécessaire de reprendre des grandes mesures, mais plutôt « des précautions », dit-il. Par ailleurs, le porte-parole interfédéral dénonce l’appellation du Covid Safe Ticket, « qui porte mal son nom. » Entretien.

Yves Van Laethem, est-ce qu’on peut parler de ralentissement dans les chiffres, ou c’est trop tôt pour l’affirmer?

C’est un peu tôt pour le dire, car on est dans une période particulière avec les vacances. C’est un espoir, à confirmer dans les dix jours qui viennent. La tendance semble aller dans le bon sens. Certaines prévisions établissaient le pic fin novembre. Il y a un espoir que le pic soit plus précoce que certains modèles le montrent, mais c’est un peu tôt pour le déterminer, à cause de la structure particulière liée à la période de vacances actuelle. Est-ce un plateau, une sorte d’arrêt transitoire dans l’ascension ? On ne sait pas. Il faut rester prudent sur les conclusions pour l’instant. On est à 11% de tests positifs, ce qui signifie qu’il y a une très forte circulation virale.

Selon vous, la situation dans les hôpitaux sera-t-elle plus gérable que lors des précédentes vagues?

Je pense qu’elle sera nettement plus gérable. En automne-hiver, même avant le Covid, c’est toujours une saison où les hôpitaux sont pleins. Aujourd’hui, il y a un manque de personnel infirmer qui fait qu’on ne roule pas à son aise. On a moins de gens pour encadrer les unités. Sur ce plan, c’est donc plus tendu que la situation d’il y a un an et demi, où les équipes étaient au complet. Maintenant, les équipes sont plus fatiguées et moins nombreuses. Si on atteint 500 lits en soins intensifs, même si c’est gérable, ça reste malgré tout 500 lits qui sont soustraits à l’activité normale. Mais d’un côté, on n’est pas au stade des autres vagues. Il y a une pression, mais je pense qu’il y en aura moins que lors des derniers épisodes.

Où la situation est-elle la plus préoccupante en Belgique?

En Flandre orientale et occidentale. C’est là que ça augmente le plus, très clairement. Liège n’est jamais un bon élève depuis le début, mais ici, les deux Flandre galopent en tête.

L’horizon des fêtes de fin d’année se profile doucement. Va-t-on pouvoir passer Noël normalement?

Je suis persuadé que oui. Noël sera normal, sans catastrophe à ajouter. Il n’y aura pas de mesures supplémentaires. Les restaurants pourront accueillir des clients comme prévus, comme on le prévoyait fin septembre.

Au vu de la situation épidémiologique, plaidez-vous pour de nouvelles restrictions?

Je ne pense pas qu’on doive retourner à des grandes mesures supplémentaires. En tout cas pas actuellement. Mais je suis en faveur de précautions supplémentaires. Comme, par exemple, redire aux gens les plus fragiles de porter le masque, même s’il y a un Covid Safe Ticket. Ces personnes fragiles doivent en remettre une couche. Ce n’est pas honteux de porter un masque lorsqu’on est à risque.

Le Covid Safe Ticket porte mal son nom, Marc Van Ranst a raison sur ce point.

Yves Van Laethem

D’ailleurs, trouvez-vous que l’appellation « Covid Safe Ticket » est toujours pertinente pour désigner le pass sanitaire?

Le Covid Safe Ticket porte mal son nom, Marc Van Ranst a raison sur ce point. « Safe Ticket », ça donne une impression de sécurité. Or, en comparaison, avec une « life jacket », on peut quand même couler en mer. C’est la même chose avec le Covid. Les gens pensent qu’avec le CST, on est invincible face au virus, mais c’est évidemment faux. Le Covid Safe Ticket donne une barrière supplémentaire dans la diminution de la transition, mais pas au point d’être safe.

Il y a quelques jours, on parlait d’un tiers de personnes vaccinées occupant les soins intensifs. A quel point est-ce inquiétant – ou non?

Etant donné que parmi les personnes à risque, 90% sont vaccinés, on va inévitablement retrouver des vaccinés en soins intensifs. Et puis, dans ces personnes, certaines n’ont pas encore reçu leur troisième dose. On sait qu’il y a une baisse d’efficacité, qui peut être bien relancée avec ce rappel. D’où le fait de répéter l’importance de cette troisième dose. Saint-Nicolas apporte des cadeaux avant l’heure, il faut les prendre maintenant et pas à le 6 décembre. Cette 3e injection doit permettre de diminuer drastiquement ce nombre de vaccinés qui sont malgré tout en réanimation. Les personnes dans cette situation sont souvent des personnes greffées, sous cortisone, ou âgées de plus de 80 ans, et sans 3e dose. Pour ces personnes-là, il est vraiment fondamental et urgent d’aller faire la 3e dose. Peut-être qu’on n’insiste pas assez sur le fait qu’il faut y aller, maintenant. S’il y a un moment pour remettre un gilet pare-balles, c’est maintenant. Il est là, il est gratuit.

On parle aussi d’une possible 4e dose pour 300 à 400.000 Belges. Pouvez-vous expliquer pourquoi?

Pour les immunodéprimés, le schéma de base pourrait comporter trois doses dans le futur. Ce qu’on avait mal évalué au départ. C’est un principe qui a déjà été établi aux Etats-Unis. Et donc, ces personnes à l’immunité réduite n’ont pas reçu l’équivalent du fameux booster, soit l’équivalent de ce qui a été décidé pour les personnes de plus de 65 ans. Comme les immunodéprimés font moins facilement d’anticorps, il est logique de leur offrir un booster après leur vaccination complète qui comporterait trois doses. Le booster représenterait donc cette 4e dose. C’est un point qu’on doit évaluer, tout comme la possibilité d’ajouter une dose supplémentaire pour les personnes entièrement vaccinées avec Johnson & Johnson et AstraZeneca.

Va-t-on, au final, devoir prendre le vaccin contre le Covid tel un rappel annuel?

Je ne pense pas. D’après les données qu’on possède pour l’instant, et avec la manière dont on peut relancer l’immunité avec la troisième dose, on en a probablement pour un bon moment pour « monsieur et madame tout le monde ». Déterminer maintenant la fréquence nécessaire, personne ne le sait. Mais cette troisième dose devrait nous assurer la paix pendant plus longtemps que les deux premières doses. Elle nous envoie des taux de protection d’anticorps qui devraient nous permettre de tenir le coup pendant plus longtemps.

Oui, il est fort possible que l’ensemble de la population soit concernu0026#xE9; par cette troisiu0026#xE8;me dose. Le tout est de voir quand et avec quel vaccin.

Yves Van Laethem

Est-il dès lors envisageable que cette troisième dose soit élargie pour l’ensemble de la population?

Oui, il est fort possible que l’ensemble de la population soit concerné par cette troisième dose. Le tout est de voir quand et avec quel vaccin. Pour l’instant, sur base des infections et des gens hospitalisés, on n’a pas de signal qu’il faille une troisième dose pour tout le monde. C’est toujours sur cette base-là qu’on décide de la politique vaccinale, pour l’instant.

Cette politique vaccinale pourrait-elle évoluer?

Un autre paradigme est celui des Israéliens, qui consiste à administrer une troisième dose à tout le monde dans le but de diminuer la circulation du virus, et de protéger les personnes sensibles des « balles perdues ». C’est une politique que nous n’avons pas suivie pour l’instant. L’Italie, l’Allemagne ou l’Autriche pensent l’appliquer. C’est deux stratégies différentes. Pour l’instant, on n’a pas décidé d’embrayer, ça sera peut-être le cas dans le futur.

Les pilules de Pfizer et de Merck vont arriver sur le marché. A quel point cet élément pourrait-il changer la lutte contre le Covid?

Je pense potentiellement le plus grand bien de ces pilules. On a encore besoin de données. Mais les efficacités paraissent significatives et prometteuses. Ces pilules, c’est ce qu’on attend depuis le départ. Elles pourraient changer complètement la donne. Le combat n’aurait presque plus rien avoir avec ce qu’on fait actuellement. A partir du moment où les personnes à risque pourraient recevoir un traitement qui évite qu’elles soient fortement malades, on oublie l’encombrement des hôpitaux. Ce serait un peu la pilule magique, mais ne crions pas victoire trop tôt. Merck et Pfizer sont deux grosses boites qui ont aussi leur réputation à défendre, donc elles n’ont pas d’intérêt à vendre du vide. Malgré le prix potentiel de ces médicaments, ça reste gérable en santé publique, par rapport au prix d’une hospitalisation.

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