Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Pourquoi les femmes ne veulent plus (trop) faire d’enfants

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Qu’est-ce qui pousse les femmes à ne plus vouloir faire d’enfants, ou à en faire beaucoup moins qu’avant ? En Hongrie, le gouvernement d’extrême droite pense qu’exempter les mères d’impôts boostera la natalité. On parie, que ça ne marchera pas ?

C’est sa dernière carte. Le tout pour le tout. Proposer un prêt d’environ 30 000 euros aux couples mariés, qu’ils ne devront pas rembourser s’ils ont trois gosses? Pas fonctionné. La gratuité des traitements contre l’infertilité? Pas de boom des naissances non plus. Même la prime gouvernementale pour aider les parents à… s’acheter une voiture familiale n’a – bizarrement – pas encouragé les Hongrois à se reproduire comme des lapins.

Ça l’embête vraiment, Viktor Orban, que son peuple ne retrouve pas l’envie massive de proliférer. En bon leader d’extrême droite (ayant lui-même livré cinq mômes à la nation), hors de question de miser sur l’immigration pour compenser la chute de la natalité. Une belle chute, comme dans tout le reste de l’Europe: 1,59 enfant par femme en 2021 contre 2,35 en 1975. Le gouvernement hongrois vient donc de jouer son va-tout: depuis le 1er janvier, les femmes de moins de 30 ans qui décident d’enfanter ou d’adopter sont exemptées d’impôts sur le revenu. Carrément.

Les femmes uniquement. Les hommes, eux, peuvent juste mettre la petite graine puis continuer à bosser tranquille et payer beaucoup de taxes, en bons pater familias. Et puis, grâce à l’écart salarial et aux temps partiels largement féminins, voilà une bonne grosse mesure symbolique qui ne grèvera de toute façon pas le budget de l’Etat. «Selon nos calculs, plusieurs dizaines de mères pourront bénéficier de cette possibilité», affirmait, le 6 janvier dans Le Soir, Agnes Hornung, secrétaire d’Etat chargée des familles. Tout ça pour ça.

Tout ça, surtout, pour à nouveau rappeler aux femmes leur fonction première: utérus sur pattes. Une obsession des régimes d’extrême droite, que de limiter le rôle social de la gent féminine à la seule sphère reproductive, histoire de repeupler la nation avec plein de bébés blonds aux yeux bleus et au teint pâle (mâles, de préférence).

Et tous les moyens sont bons. Y compris forcer les femmes à écouter les battements de cœur du fœtus avant de pratiquer une IVG ; mesure en vigueur en Hongrie depuis le 15 septembre 2022, pour rappel.

Restreindre l’avortement, octroyer de l’argent: c’est apparemment tout ce que les fachos de diverses nationalités ont en stock pour concrétiser leur grand rêve de natalité – le programme de Viktor Orban a été salué par Giorgia Meloni en Italie, Marine Le Pen en France, Jair Bolsonaro au Brésil… Si, au moins, ils faisaient preuve d’innovation et d’originalité… Par exemple, tiens: comprendre pourquoi la maternité ne fait plus trop rêver.

Il y a fort à parier que les possibilités d’achat d’une voiture familiale ne font pas partie des raisons principalement évoquées. A la différence, très probablement, d’une notion telle que la charge mentale. Définition rapide pour les néophytes: se dit d’une femme qui doit penser à tout, même à dire à son conjoint ce qu’il doit faire, souvent dans l’espoir qu’il le fasse genre dans deux ou trois jours au bout de quatre ou cinq répétitions. Epuisant.

Donc, apprendre aux hommes à s’impliquer équitablement dans les tâches ménagères, éducationnelles et quotidiennes, afin que le poids familial ne repose plus seulement en majeure partie sur les épaules maternelles: voilà une mesure qui boosterait la natalité. Comme créer suffisamment de places en crèches, encourager le temps partiel chez les hommes… Peut-être, dans ces conditions, les femmes retrouveraient-elles l’envie de procréer. Les fachos devraient oser le féminisme, pour voir.

La 7e lettre

Le maire de Pantin, près de Paris, a décidé d’ajouter un «e» au nom de sa ville afin «d’interpeller» sur l’inégalité entre hommes et femmes et sur les violences faites aux femmes. L’expérience, essentiellement symbolique, sera menée durant tout 2023. Les panneaux routiers et en-têtes des courriers ne seront pas modifiés, mais des affiches placardées dans l’espace public rappelleront que Pantin se déclinera au féminin. Quelques heures après son installation, le «e» ajouté aux lettres géantes formant le mot P-A-N-T-I-N le long du canal de l’Ourcq a été arraché…

Des Oscars non genrés?

Alors que la cérémonie des Oscars aura lieu le 12 mars prochain, on se souvient que le festival du film de Berlin attribue, depuis 2021, un prix d’interprétation non genré, qui récompense le meilleur acteur ou la meilleure actrice, sans les distinguer dans des catégories de compétition distinctes. Objectif, selon les codirecteurs du festival: éveiller à la question du genre. L’idée est soutenue par de grands noms du 7e art, comme le réalisateur Sam Mendes (American Beauty, 1917…).

Echec au voile

La championne iranienne d’échecs Sara Khadem a choisi l’exil. La jeune femme de 25 ans, maître international et grand maître international féminin, a préféré s’installer en Espagne plutôt que retourner en Iran. Elle paie ainsi cash le fait d’avoir concouru sans porter le hijab au Championnat du monde d’échecs de parties rapides qui se déroulait fin décembre, au Kazakhstan. Depuis sa prestation, la fédération iranienne d’échecs assure que Sara Khadem aurait participé à titre personnel et à ses propres frais à cette compétition, indépendamment de la fédération, donc.

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