Des prédispositions génétiques pourraient jouer un rôle dans le développement des céphalées. © getty images

Stress, hormones, tensions musculaires: pourquoi on a mal à la tête

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Les déclencheurs de la douleur peuvent être biologiques ou environnementaux. Ou les deux à la fois. Les identifier permet de mieux prévenir le mal de tête.

Une sensation de pression, de tension, la tête comme prise dans un étau, des aiguilles qu’on enfonce… Bien que fréquent et souvent sans gravité, le mal de tête peut faire passer de bien mauvaises journées, voire altérer la qualité de vie chez ceux qui en souffrent régulièrement. Tout comme il existe plusieurs types de céphalées (lire Le Vif du 4 janvier), les facteurs de déclenchement de ces maux de tête peuvent être de natures très diverses. Il n’est d’ailleurs pas toujours aisé de les identifier, même pour un médecin.

La céphalée de tension, le «banal» mal de tête, débute généralement à l’arrière de celle-ci ou autour des globes oculaires et peut se propager à l’ensemble de la boîte crânienne. Elle doit être différenciée de la migraine, qui correspond à une maladie chronique répondant à des critères précis et qui se caractérise par des céphalées récurrentes évoluant par crises. Autre différence significative avec la migraine: la céphalée de tension n’est pas aggravée par les activités physiques de routine et n’est pas associée à des troubles digestifs.

La céphalée courante concerne à peu près tout le monde. Aucune population ni aucune catégorie d’âge n’y échappe, bien que des variations régionales puissent exister. L’OMS estime qu’entre 50% et 75% des adultes âgés de 18 à 65 ans ressentent un mal de tête au moins une fois par an. Parmi ceux-ci, 30% ont aussi fait état d’une migraine et de 1,7% à 4% de la population adulte souffrant de céphalées subit cet inconfort au moins quinze jours par mois.

La douleur provoquée par la céphalée de tension reste habituellement faible à modérée. Elle peut s’installer progressivement ou de manière très soudaine. Dans le meilleur des cas, elle apparaît moins d’un jour par mois et se résorbe au bout d’une trentaine de minutes. S’il s’agit d’un céphalée de tension chronique, en revanche, la douleur est ressentie en continu. Ce qui la rend nettement moins tolérable.

On distingue les céphalées primaires, non liées à des lésions organiques sous-jacentes, et les secondaires, lorsque c’est le cas. L’étiologie des céphalées primaires semble multifactorielle mais les mécanismes précis ne sont toujours pas connus. La recherche clinique a toutefois permis de formuler quelques hypothèses.

Le stress, facteur déclencheur

La céphalée de tension épisodique reposerait essentiellement sur des facteurs musculaires. Ainsi, la douleur serait liée à une augmentation de la tension et de la sensibilité des muscles péri-crâniens (trapèze dans le cou, masséter et temporal au niveau de la face), souvent favorisée par des facteurs posturaux, établit la Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC). La céphalée de tension chronique (différente de la migraine) serait en revanche liée à un mauvais fonctionnement des systèmes de contrôle de la douleur qu’on retrouve dans d’autres douleurs dites dysfonctionnelles, comme la fibromyalgie. Dans les deux cas, le stress tiendrait un rôle important dans le déclenchement et le maintien de la douleur. Des prédispositions génétiques pourraient également jouer un rôle dans le développement de ces céphalées, surtout lorsqu’elles sont chroniques.

La céphalée de tension épisodique reposerait essentiellement sur des facteurs musculaires.

D’autres facteurs de risque ont été identifiés, comme le fait d’être jeune et d’être une femme (trois femmes pour deux hommes en souffrent) mais aussi la fatigue, l’alimentation, les troubles du sommeil ou des antécédents de dépression. Les patients souffrant d’une céphalée de tension peuvent aussi présenter une hypersensibilité modérée aux stimulations de l’environnement comme le bruit et la lumière, souligne la SFEMC.

En ce qui concerne la migraine, le mécanisme précis de déclenchement de la douleur reste, lui aussi, encore incertain. «L’état actuel des connaissances suggère qu’un dysfonctionnement neuronal primaire entraîne une séquence de changements intracrâniens et extracrâniens responsables de la migraine, expose le Dr Jonathan Leempoel, neurologue à l’hôpital Chirec Delta. Une susceptibilité génétique plurifactorielle participe clairement à la survenue des migraines. Le risque chez les proches de patients souffrant de migraine est trois fois plus élevé que chez ceux de sujets non migraineux.» Pour la migraine également, les facteurs environnementaux peuvent jouer un rôle dans l’activation et le maintien de la douleur.

De la mâchoire au cerveau

Revenons à la céphalée de tension et à ses causes les plus fréquentes, parmi lesquelles le syndrome de dysfonctionnement de l’articulation temporo-mandibulaire (Sadam). Comme son nom l’indique, il s’agit d’une pathologie liée à un trouble de l’articulation entre l’os crânien temporal et la mandibule, qui forme la mâchoire inférieure. Les douleurs (épisodiques) ne sont pas liées au syndrome en tant que tel mais à une contracture des muscles de la mâchoire, lorsque nous grinçons des dents, que celles-ci sont mal alignées ou que nous mâchons trop longtemps un chewing-gum, par exemple.

«L’activation périphérique ou la sensibilisation des récepteurs à la douleur musculaire dans ces muscles est très probablement un contributeur majeur au développement de ces maux de tête. De plus, un apport douloureux continu provenant des structures musculaires périphériques peut induire une sensibilisation centrale – au niveau du cerveau et de la moelle épinière – à la douleur», précise le Dr Leempoel. Comme déjà souligné, le stress, qui nous fait serrer les dents lorsque nous y sommes confrontés, peut être un facteur déclencheur. Tout comme le fait d’être assis pendant des heures dans une position peu ergonomique peut provoquer des tensions dans la nuque et les épaules. La mâchoire, la nuque mais aussi les yeux ou le nez: un mal de tête peut en outre être lié à des troubles de la vision, un glaucome ou la vue qui baisse. Ou tout simplement à un gros rhume ou une sinusite.

Hormones en berne

Chez les femmes, les variations hormonales sont la cause de biens des maux, y compris les céphalées. Si durant l’enfance, les garçons peuvent autant souffrir de maux de tête que les filles, celles-ci y sont plus sujettes dès l’entrée dans l’adolescence. Et elles le resteront tout au long de leur vie. Les règles, la grossesse, la périménopause, les contraceptifs à base d’œstrogènes et les manipulations hormonales chez les personnes transgenres sont autant d’événements pouvant déclencher des migraines hormonales.

En quoi les règles et les céphalées sont-elles liées? La migraine hormonale est déclenchée par la chute du taux d’œstrogènes qui se produit en fin de cycle. Durant cette période, on observe également une forte augmentation d’un autre type d’hormones responsables des crampes menstruelles, les prostaglandines, ce qui pourrait jouer dans le déclenchement de la douleur. Les migraines cataméniales, comme on les appelle aussi, peuvent apparaître un voire deux jours avant le premier jour des règles et se poursuivre trois jours après.

Si les variations hormonales font souffrir les filles, les jeunes garçons, eux, sont plus susceptibles de développer des algies vasculaires de la face. Cette forme relativement rare de céphalée brève mais sévère localisée dans la région orbitaire touche six hommes pour une femme. «A nouveau, la physiopathologie de ce type de mal de tête n’est pas parfaitement comprise, ajoute le Dr Leempoel. Elle semble être liée à une hypersensibilité et à une activation du nerf trijumeau, le nerf responsable de la sensibilité d’un côté du visage, via l’hypo-thalamus, ce qui entraîne des douleurs très intenses dans le visage et des signes vasomoteurs du même côté que la douleur tels qu’une rougeur oculaire, une chute de la paupière, un larmoiement et une congestion nasale.»

L’alcool n’est pas la seule substance dont l’abus embrume le cerveau.
L’alcool n’est pas la seule substance dont l’abus embrume le cerveau. © getty images

Autre cause bien connue de la céphalée (et sur ce point, hommes et femmes sont logés à la même enseigne): les soirées trop arrosées. La gueule de bois est liée à plusieurs mécanismes. La déshydratation et un foie surchargé. L’alcool ayant un effet diurétique, il force l’organisme à aller puiser dans ses réserves, dont celles du cerveau, pour continuer à s’hydrater. Le mal de tête est le signe que notre cerveau se dessèche. L’autre effet de l’alcool est qu’il dilate les vaisseaux sanguins. Lorsque cet effet se dissipe, les vaisseaux se contractent pour revenir à leur état normal. Ce phénomène, appelé vasoconstriction, peut lui aussi générer de la douleur. Le foie peine également à suivre face à l’excès. Lors du processus de décomposition de l’alcool pour être transformé en d’autres substances, le foie produit de l’acétaldéhyde, une substance toxique qui affecte le cerveau.

Si les variations hormonales font souffrir les filles, les garçons sont plus sujets aux algies vasculaires de la face.

Un autre mal

L’alcool n’est pas la seule substance dont l’abus embrume le cerveau. La céphalée par surconsommation de médicaments (ou de rebond) est tout aussi fréquente. Il s’agit d’ailleurs de la forme la plus courante de céphalée secondaire. Paradoxalement, c’est une consommation excessive pendant plusieurs mois de cachets antidouleurs – quelle qu’en soit la forme – qui est en cause. L’OMS évalue à 7% la proportion de personnes, davantage des femmes que des hommes, qui souffriraient de ce trouble dans les populations les plus concernées par la surconsommation de médicaments. Seul un arrêt complet des médicaments antimigraineux durant une période d’au moins une à deux semaines, encadré par un généraliste ou un neurologue, permet de sortir de ce cercle vicieux.

Une céphalée secondaire peut apparaître brutalement, en «coup de tonnerre», ou s’installer progressivement. Elle peut aussi être accompagnée d’autres symptômes comme de la fièvre, des vomissements, des troubles visuels, des vertiges, une incapacité à articuler, un état de confusion, etc. Cet état peut être le symptôme d’une pathologie intracrânienne ou extracrânienne secondaire comme un glaucome, une tumeur, des apnées du sommeil, une névralgie d’Arnold (NDLR: une compression ou inflammation d’un nerf crânien), une dissection carotidienne ou un syndrome de vasoconstriction cérébral réversible, ce qui nécessitera une consultation chez un neurologue, ou d’un mal nécessitant une prise en charge en urgence comme un accident vasculaire cérébral (AVC) ou une méningite. Chez les personnes de plus de 50 ans habituellement peu sujettes aux maux de tête, une douleur inhabituelle et prolongée doit faire l’objet d’une consultation chez le neurologue.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire