Nicolas De Decker

Reynders, Michel, Bouchez et la malédiction des trois générations

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Il parait que « le père crée, le fils maintient, et le petit-fils dilapide » une entreprise. Au MR, entre Didier Reynders, Charles Michel et Georges-Louis Bouchez, ce n’est pas tout à fait ça. Mais presque…

Le père crée, le fils maintient, le petit-fils dilapide, dit un adage fort couru des cursus en business administration. C’est la malédiction, dit-on, de la troisième génération.

Les trois générations de présidents du MR qui se confrontent sans le dire ces derniers jours montrent comme le langage entrepreneurial est toujours si cher au cœur des réformateurs, car sans le dire, oui, elles se confrontent, et le résultat de la confrontation, dilapidation ou pas, est déjà presque là sous nos yeux.

Sans s’appesantir sur la généalogie tortueuse qui caractérise leurs relations interpersonnelles, les trois derniers présidents du Mouvement appartiennent bien à trois classes d’âges successives. L’écart entre Didier Reynders (65 ans) et Charles Michel (48 ans) s’apparente d’ailleurs à celui séparant Charles Michel de Georges-Louis Bouchez (37 ans).

Et chacun des trois eut successivement, dans ce siècle, la main sur une décennie partisane. Ils sont un peu le père, le fils et le petit-fils du MR.

Didier Reynders a créé l’entreprise MR en 2002, avec Daniel Ducarme et Louis Michel, mais il leur a ravi le parti en 2004, et l’a haussé en 2007 à un résultat qui ne sera sans doute jamais égalé. Aujourd’hui, il menace de le reprendre s’il n’obtient pas, à la fin de l’année, le poste international qu’il souhaite.

La menace porte aussi fort que la promesse de fessée d’un aîné égrotant.

Didier Reynders semble croire que deux autres libéraux belges, Alexander De Croo, et bien sûr Charles Michel, se priveront pour lui d’un éventuel poste international, pas l’apanage éternel, pourtant, des libéraux belges. Car il n’y a pas que la Belgique, et il n’y a pas que les libéraux, dans le monde et l’Europe. Pourtant, Didier Reynders a l’air de penser suffisante son intimidation d’aïeul.

Et puis, Charles Michel l’a maintenue, l’entreprise MR, à une très honorable rentabilité après l’avoir ravie à Didier Reynders en 2011. Il a maintenu le parti et a fait fructifier sa propre carrière, il en est parti en 2019 en entrepreneur comblé, ravi de partir mais certain de garder. Il continue de faire comme s’il en avait encore la propriété et l’usage, comme s’il pouvait le reprendre après l’avoir laissé en dépôt à la génération montante. L’ambition résonne déjà comme le cri d’un père dépassé.

La petite et la grande histoire de ces deux générations sont déjà remplies de ce qui divise Didier Reynders et Charles Michel. Leur présent et surtout leur futur recèlent ce qui, pour toujours, les réunira: l’erreur de se croire encore maîtres d’une famille dont ils ne sont déjà plus que des ancêtres. Même si le petit-fils fait encore un peu semblant.

Car après eux, Charles Michel, surtout, et Didier Reynders, d’accord avec lui, l’ont cédée à Georges-Louis Bouchez, l’entreprise MR. Et le petit-fils ne la dilapidera pas. Mais s’il ne peut pas se l’approprier, il la laissera sombrer sans lui, et avec eux, qui n’auront plus la force de la maintenir. Ils pensaient avoir prêté le parti à un exécuteur, ils l’ont laissé à un repreneur. Ils ne le lui reprendront pas, certainement pas Didier Reynders, et sans doute pas Charles Michel, qui est encore celui que tout le monde pense aux commandes. Ou alors il le récupérera tout cassé.

Car les gens qui, hors de son appareil dirigeant, soutiennent le MR, le font aujourd’hui pour Georges-Louis Bouchez, plus pour Didier Reynders et plus non plus pour Charles Michel. C’est pour ça que c’est surtout sur la tête des anciens qu’elle frappe dur, la malédiction de la troisième génération.

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