Enzo Pezzella

Un accent aussi dense et savoureux que du parmesan, un talent multiforme et un charme fou : le chorégraphe et danseur Enzo Pezzella, 45 ans, Napolitain première pression à froid, exerce son art très personnel depuis une dizaine d’années dans sa ville d’élection, Bruxelles. Tout comme son comparse Alfredo Cañavate, les Muses n’étaient pas, a priori, penchées sur son berceau, installé dans un quartier populaire de Naples, entre maman, au foyer, et papa, jardinier municipal. Un père qui, pourtant, a toujours dit au petit Enzo :  » Pour se sortir de la merde, il faut savoir lire, écrire, penser.  » Dont acte : au lycée, l’écolier brille spontanément en littérature et en philosophie, tout en travaillant, durant ses temps libres, dans les champs avec son père, qui fera des sacrifices pour payer des études au fiston : la philosophie à l’université. L’étudiant choisit un cours à option : histoire du théâtre. Le flash ! Il assiste à tous les spectacles, fréquente le monde artistique napolitain, et commence à travailler dans des compagnies. Après trois ans, il lâche ses études pour le grand plongeon : le théâtre, certes, mais surtout sa nouvelle découverte : la danse.  » Je trouvais que les comédiens n’entraient pas en relation avec l’espace. Moi, je voulais apprendre à bouger, à parler le langage du corps. Et puis je voulais voyager. Le théâtre napolitain est lié à une langue, à un territoire, à des traditions. Pas la danse.  »

A 23 ans, Pezzella quitte tout, débarque avec un visa de touriste de trois mois à New York. Son but ? Travailler avec la mythique Martha Graham, à l’origine du théâtre dansé. Il ne parle pas l’anglais, ne connaît personne, mais sa motivation convainc la célèbre école de l’accepter. Entre cours et petits boulots, il passera quatre ans dans la Grande Pomme.  » New York est une ville où l’on peut se perdre facilement, lance-t-il. Mais, grâce à cette école, j’ai appris la discipline face à moi-même.  »

Au terme de ces années û  » Au fond, l’ american way of life, ce n’était pas pour moi  » û, Pezzella quitte à nouveau tout. Direction : Paris, où, dans les années 1980, plusieurs chorégraphes comme Régine Chopinot, Maguy Marin ou Joseph Nadj créent un renouveau dans la discipline. Nouvelle langue, nouvelle ville, nouveaux petits boulots, et nouveaux cours. Après avoir travaillé avec plusieurs chorégraphes, Pezzella est engagé par Karin Vincke.

En 1992, il découvre Bruxelles :  » Là, j’ai voulu rester. A Paris, même s’il y a des choses très novatrices, il y a peu de connexions entre les milieux artistiques. A Bruxelles, dans un même café, on rencontre les musiciens, les cinéastes, les plasticiens, les gens de théâtre… Tout cela, dans un mélange de plusieurs langues ! C’était beaucoup plus ouvert, plus mélangé et convivial.  » C’est donc là que Pezzella développera son propre travail et présentera ses premières créations, avec des lieux comme la Balsamine, tout en restant toujours interprète, pour des compagnies comme Mossoux-Bonté.

 » L’importance de la scène ? Mais quelle est l’importance d’un arbre qui pousse ? C’est comme mon père avec ses fleurs, sourit-il : il fait de la beauté, cette beauté qui élargit l’homme, lui donne une raison de vivre, le met en relation avec le monde.  »

E.M.

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