Werner Van Mieghem, coordinateur au Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat. © DOC

« Il faut purement et simplement geler les loyers »

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Pour Werner Van Mieghem, coordinateur au Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat, regroupant une cinquantaine d’associations bilingues, il serait temps de geler les loyers, et que le gouvernement mette en place un « modèle clair, stable et efficace ».

Soutenez-vous la limitation de l’indexation des loyers proposée par la secrétaire d’Etat bruxelloise, Nawal Ben Hamou (PS)?

Nous avons besoin d’une pause, pour tous les locataires du parc privé comme du public. Cette mesure me paraît donc indispensable et, pour ma part, j’estime qu’il faudrait même aller vers un gel pur et simple des loyers, ce qui revient à une indexation de 0%.

Ce n’est pas du goût des bailleurs…

Certes, elle demande un effort aux propriétaires, mais il est compensé par la forte valorisation, ces dernières années, de leurs biens. Bruxelles compte une majorité de locataires à bas revenus et, même si leurs revenus de remplacement ont augmenté grâce à l’indexation, contenir l’indexation des loyers n’est qu’une solution temporaire. Elle ne réglera ni le problème de l’insuffisance de l’offre de logements abordables ni celui du montant du loyer médian. Car le vrai problème demeure des loyers trop élevés dans la capitale: ils n’ont cessé d’augmenter de plus 20% tous les dix ans.

Le gouvernement tente d’endiguer les loyers abusifs, non?

La notion de «loyer abusif» est en effet actée dans le Code du logement, mais sur le terrain, on ne voit rien! Mettons en place cette fameuse commission, essayons de faire fonctionner ce dispositif. Il est prévu qu’un locataire puisse saisir cette instance s’il constate un dépassement de 20% par rapport au prix médian. L’ instance proposera une conciliation avec le bailleur et, si celle-ci est infructueuse, un juge pourra être saisi. Bien, mais, il est clair que les locataires ne se saisiront de cet outil que s’ils constatent qu’il fonctionne. Je crains cependant qu’elle ne voit pas le jour sous cette législature…

Un dispositif comme la grille indicative des loyers peut-il modifier les relations entre bailleurs et locataires?

Evidemment, dans un marché sous pression, le rapport de force est favorable aux propriétaires. Mais la grille est un premier pas vers un meilleur encadrement. Il existe toutefois un point noir: les logements de petite surface et ceux de mauvaise qualité. Proportionnellement, ils sont loués à des prix plus élevés que ceux de bonne qualité.

« Le vrai problème demeure des loyers trop élevés dans la capitale: ils n’ont cessé d’augmenter de plus 20% tous les dix ans. »

Instaurer un conventionnement des propriétaires n’est-il pas une bonne idée?

Ce n’est pas vraiment une idée nouvelle. Le conventionnement a existé en France ou en Allemagne. Ces pays ont fait marche arrière, parce que l’instrument se révélait énergivore sur le plan administratif et que, par ailleurs, peu de propriétaires se sont portés volontaires. Si l’on veut des logements rénovés et à des prix décents, il me semble nettement plus pertinent de soutenir des associations actives dans la rénovation urbaine, qui peuvent accompagner les bailleurs qui souhaitent faire des travaux, par exemple. Un propriétaire ne cherche pas un avantage fiscal, comme proposé dans le conventionnement, mais un accompagnement.

Par conséquent, quel modèle est-il le plus efficace?

Il n’y a pas dix mille modèles possibles. Soit on se base sur une grille des loyers et des critères objectifs, comme le font la France, l’ Allemagne et les Pays-Bas, et où cela fonctionne, même si les loyers ont relativement augmenté. Soit on s’inspire de l‘exemple luxembourgeois qui plafonne la rente du bailleur à 2%, 3%, voire 4%. Ce choix, c’est au gouvernement à le faire et si une partie se braque contre des détails techniques, notamment contre la grille des loyers, cela signifie qu’il faut peut-être changer de modèle. Je n’ai pas de préférence, sauf qu’il reste important de proposer un modèle clair, stable et simple.

Encadrer les loyers n’inciterait-il pas les bailleurs à ne pas entretenir leur bien et à ne pas le rénover?

C’est un argument souvent mis en avant. Ce que je constate, c’est que l’Espagne persiste dans cette voie et que l’investissement des bailleurs se poursuit. Un gouvernement ne souhaite jamais tuer l’investissement. Il s’agit tout simplement d’éviter des abus et c’est son rôle.

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