Un libéral social chez les Engagés : et si Crucke n’était pas le dernier ?
Jean-Luc Crucke a officialisé ce jeudi son passage sous la bannière des Engagés, dont il devient vice-président. Il y défendra un libéralisme social et vert, insiste-t-il. Alors que la tentative d’un grand parti du centre avec DéFI a échoué, il est possible que d’autres « libéraux sociaux » s’engouffrent dans la brèche.
Un libéralisme social et vert ». Telle sera la ligne politique revendiquée par Jean-Luc Crucke au sein des Engagés. A l’instar de celui qui est désormais son président, Maxime Prévot, il l’a répété à plusieurs reprises ce jeudi.
C’est effectivement en fin de matinée que ce qui était dans l’air a été confirmé : le Picard, en froid avec le MR, en particulier son président Georges-Louis Bouchez, change de formation politique. Et rejoint de ce fait l’opposition au parlement wallon, au sein du mouvement porté sur les fonts baptismaux en mai 2022. Ce départ se déroule un peu plus de deux mois après le départ d’une autre figure libérale, Alexia Bertrand, qui a pour sa part rejoint l’Open Vld.
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De prime abord, il peut s’agir d’un bon coup sur le plan strictement électoral, pour Les Engagés. Jean-Luc Crucke jouit d’une grande notoriété dans sa Wallonie picarde, relève Maxime Prévot. Il reste à savoir si ses électeurs adhéreront à ses nouvelles couleurs.
Jean-Luc Crucke, un candidat picard à la Chambre
Lors des élections régionales de 2019, il obtenait le cinquième plus gros score personnel de Wallonie, avec 18 400 voix de préférence. Il se plaçait juste derrière le socialiste Rudy Demotte (21 986 voix), également candidat dans la circonscription de Tournai-Ath-Mouscron. Le libéral obtenait ainsi un taux de pénétration de 9,46% dans sa circonscription (Rudy Demotte obtenait 11,31%). Il était alors la locomotive du MR au niveau des élections régionales, qui obtenait 21,69% (-5,32% par rapport à 2014) des suffrages dans cette circonscription.
Pour les élections 2024, en bilingue qu’il est, Jean-Luc Crucke mènera par contre la bataille électorale à l’échelon fédéral. « J’épaulerai Catherine Fonck », actuelle cheffe de groupe à la Chambre, assure-t-il, laissant deviner qu’il ne revendiquera pas la première place sur la liste.
Mais le passage de Jean-Luc Crucke chez Les Engagés ne relève pas du simple transfuge, insiste encore Maxime Prévot. Il y a convergence de vues et une volonté d’octroyer une place à ce libéralisme vert et social revendiqué par le nouvel arrivant, sensible aux questions environnementales et énergétiques. C’est d’ailleurs sur ces matières-là qu’il axera son travail, lui qui devient aussi vice-président du parti aux côtés de Gladys Kazadi et Yvan Verougstraete.
Jean-Luc Crucke et les « Nouveaux Démocrates »
Jean-Luc Crucke incarnera une nouvelle tendance au sein des Engagés, baptisée « Nouveaux démocrates ». Ce n’est pas un nouveau parti, ni formellement une structure à part entière, mais une plateforme conduite sous la houlette du picard. Une sensibilité politique qui aura voix au chapitre et qui pourrait éventuellement attirer d’autres personnalités. Le signal est en tout cas envoyé.
Mais il convient d’observer ce changement de parti comme un épisode, important certes, d’une séquence plus large. L’ambition du Hennuyer consistait bien, voici quelques semaines encore, à participer à la constitution d’une grande formation au centre de l’échiquier politique. Elle se serait articulée autour des Engagés, de Jean-Luc Crucke et de DéFI. Mais le président du parti amarante, François De Smet, a refermé cette porte voici un mois. Une déception pour Maxime Prévot, qui ne s’en est pas caché. Et sans doute une occasion manquée de redessiner le paysage politique au centre, de son point de vue.
D’autres libéraux sociaux suivront-ils?
Les discussions se sont poursuivies avec Jean-Luc Crucke, aboutissant à l’officialisation de son départ du MR pour les Engagés. On peut l’interpréter comme un phénomène isolé, propre à un homme qui ne trouvait plus sa place au sein des réformateurs. Mais aussi, éventuellement, comme une petite brèche dans laquelle d’autres libéraux sociaux pourraient s’engouffrer.
Les Engagés se doivent de solidifier leurs listes électorales de 2024, notamment dans les centres urbains, là où la sensibilité libérale sociale trouve également sa place. « La difficulté, c’est que quand vous êtes dans l’opposition, vous n’avez rien de sexy à offrir. Pas de postes, ni de mandats à gauche ou à droite », ironise Maxime Prévot. « La porte est ouverte et les gens qui viennent le font par conviction », par adhésion aux valeurs davantage que par calcul politique, considère le Namurois.
Faute de grande formation au centre, certaines personnalités politiques pourraient être freinées par l’image que peuvent encore véhiculer Les Engagés. Le mouvement a opéré une profonde mutation, mais demeure l’hériter du cdH. Et bien que la liberté de conscience sur les questions éthiques et bioéthiques soit inscrite dans le manifeste du mouvement, les libéraux les plus attachés à la laïcité peuvent avoir du mal à franchir le cap, philosophiquement parlant.
« La réflexion est en cours et je ne suis pas insensible à la démarche de Jean-Luc », confie par exemple une personnalité du MR. « La vraie question est de savoir quelle est la place que pourront occuper les Nouveaux Démocrates au sein des Engagés, quel sera exactement leur poids », commente encore cette personne, illustrant les questionnements qui traversent peut-être l’esprit de l’un ou l’autre mandataire au MR ou d’ailleurs.
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