Cette photo prise le 2 mars 2023 montre des tentes dans un camp de migrants improvisé à Bruxelles. Le reflet d'une Belgique en crise de l'accueil depuis plusieurs mois. © AFP via Getty Images.

2 Belges sur 3 favorables à la régularisation des sans-papiers (sondage Le Vif/CNCD-11.11.11)

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Entre autres décalages entre le politique et la population, notre enquête d’opinion  CNCD-Le Vif montre que près de deux tiers des Belges se disent pour la régularisation des sans papiers qui résident depuis 5 ans au moins en Belgique. Mais ils veulent aussi durcir les conditions d’accès des nouveaux arrivants.

L’évolution spectaculaire dans le sondage CNCD 11.11.11-Le Vif de l’an dernier se confirme. Il s’accentue même, révélant un décalage avec le politique : en matière d’asile et de migration, une nette majorité de Belges (58 %) sont d’accord pour « la régularisation des sans-papiers résidant depuis au moins 5 ans dans le pays et ayant pu prouver leur intégration ». Y compris en Flandre.

Cela confirme la spectaculaire évolution de l’année dernière par rapport à 2021, qui était de 54 % d’avis favorables contre 31 % d’avis favorables en 2021. « Une telle hausse s’explique en particulier par le retournement de l’opinion flamande, souligne Arnaud Zacharie, secrétaire-général du CNCD. 54 % d’entre eux soutiennent une telle régularisation, contre 23 % il y a deux ans. Et il y a seulement 25 % d’opinions défavorables, soit deux fois moins qu’en 2021. »

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Migration : message entendu à la N-VA ?

Pour le directeur du Crisp, Jean Faniel, cela signifie que nombre d’électeurs du Vlaams Belang et de la N-VA, deux partis résolument opposés à la régularisation, ne sont pas défavorables à la mesure. « D’autant que 21 % des sondés côté flamand sont sans avis, ni favorables ni défavorables », précise-t-il.

Bart De Wever l’a-t-il déjà pressenti ? Dans la vidéo de précampagne électorale qu’il vient de poster sur le web, le président de la N-VA ne dit, en tout cas, pas un mot sur l’immigration, laissant pour l’instant le champ au VB. « Il faut préciser que le sondage a été effectué avant la tuerie du 16 octobre perpétrée à Bruxelles par un étranger en séjour illégal, ajoute Jean Faniel. Dans le contexte émotionnel de l’attentat, les réponses auraient vraisemblablement été un peu différentes. »

Par ailleurs, sur d’autres questions concernant la migration, qui reste un sujet qui préoccupe l’électorat surtout en Flandre, on observe un resserrement des opinions. Une majorité de Belges (53 %) continue de soutenir les mesures de protection temporaire pour les réfugiés ukrainiens, moins l’extension de ces conditions à tous les demandeurs d’asile (41 %), ce qui est un petit peu moins qu’en 2022 (44 %). Surtout, pour ces deux questions, la part des indécis s’est réduite au profit des non-favorables. Entre autres raisons, cela traduit sans doute un léger essoufflement par rapport à la guerre entre Moscou et Kiev.

Six mois maximum pour traiter les demandes

Quant à la politique européenne sur la migration, l’idée que le traitement des demandes d’asile se fasse dans les pays de départ, donc hors UE, progresse fortement (63 %). Même chose pour la réduction à six mois maximum du délai de traitement des demandes d’asile (66 %). En revanche, le soutien à l’ouverture de voies sûres et légales de migration sur la base de critères objectifs recule (57 %). Près de trois-quarts (71 %) des Belges souhaitent aussi répartir de manière équitable les demandeurs d’asile entre les membres de l’UE, selon des critères basés sur le PIB et la population.

« Bref, il y a une nette distinction entre, d’une part, les nouveaux demandeurs d’asile et, d’autre part, les sans papiers qui séjournent en Belgique depuis longtemps et qu’on est prêt à accueillir y compris du côté flamand, note Jean Faniel. L’aggravation de pénurie de main d’œuvre me semble être un facteur explicatif. Alors que le Voka, patronat flamand, recrute des talents au Mexique et en Inde, une part grandissante de Flamands se dit qu’il vaudrait peut-être mieux d’abord puiser parmi les migrants qui se trouvent déjà chez nous. »

Frilosité de certains partis pour la régularisation des sans-papiers

Les lignes pourraient-elles bouger au niveau politique ? Fin août dernier, le ministre-président wallon Elio Di Rupo a écrit au Premier ministre fédéral : il réclamait la régularisation de sans-papiers capables d’exercer des métiers en pénurie. Ces métiers sont au nombre de 92 en Wallonie. Di Rupo n’a, pour l’instant, pas reçu de réponse positive. « Bref, la frilosité de certains partis, comme le MR côté francophone et comme d’autres déjà cités côté flamand, va à l’encontre de l’opinion majoritaire de la population », conclut Faniel.

Le sondage élaboré par le CNCD et Le Vif a été réalisé, via Internet, par la société Dedicated, entre le 2 et le 10 octobre 2023, sur un échantillon de 1505 Belges, dans les trois régions du pays et selon trois groupes sociaux (inférieur, intermédiaire et supérieur). La marge d’erreur est faible, soit 2,3 %.

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