Jacqueline Galant, bourgmestre de Jurbise. © hatim kaghat

Jacqueline Galant: « Les grands patrons qui habitent ma commune ne vont pas installer leurs usines à Jurbise »

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Bourgmestre (MR) de Jurbise, Jacqueline Galant préfère maintenir et améliorer le cadre vie de sa commune que de tout miser sur la création d’activité économique, donc d’emploi sur son territoire.

Jurbise a un taux d’emploi de 60,8%, mais un REC (ratio d’emploi intérieur communal) de 38%, c’est moins qu’à Frameries ou Saint-Ghislain, par exemple. Est-ce un problème pour vous?

On est une petite commune rurale, de dix mille habitants. Nous, ce qu’on essaie de mettre en place au niveau communal, c’est vraiment de créer tous les services pour que les gens puissent travailler, à Jurbise ou ailleurs. Donc là, ce n’est pas de la création directe d’emploi, public ou privé. On crée parfois de l’emploi public, oui, mais c’est de l’emploi public qui permet aux gens de trouver du travail et de s’y épanouir: on a énormément de places de crèches par rapport à la taille de la commune, les garderies sont gratuites dans les écoles le matin et le soir, et on met le paquet pour aider à s’occuper de nos seniors, pour leur maintien à domicile. On a aussi une gare qui est très bien desservie, et deux points d’arrêt SNCB. Donc les gens choisissent Jurbise par rapport à son cadre de vie, par rapport à tous les services qui y existent, et aussi par la proximité avec la gare et les axes routiers importants. Ils ont la tranquillité quand ils reviennent chez eux après avoir travaillé à l’extérieur…

Le maintien et l’amélioration de ce cadre de vie, c’est donc plus important pour vous que de créer de l’emploi à Jurbise même?

Sur Jurbise, on a une activité agricole très importante, et donc ça c’est super positif, parce que les jeunes reprennent l’exploitation agricole de leurs aînés, ce qui n’est ailleurs pas très courant. On a les indépendants et les commerçants, et on a les services publics qui y sont développés. On essaie d’offrir beaucoup, mais avec finalement peu de moyens, parce qu’on n’a pas une administration pléthorique non plus. Mais les fonctionnaires sont aux places où il faut.

Est-il plus avantageux, fiscalement notamment, qu’une entreprise s’implante dans une commune voisine plutôt que dans la vôtre?

Le problème à ce niveau, c’est que je n’ai pas de zoning industriel. L’aménagement du territoire ne se prête pas au développement de l’activité industrielle. Mais à terme j’aimerais pouvoir créer un petit zoning et le développer, mais vraiment en le calibrant pour les petites PME. Mais, je le répète, moi je préfère offrir tous les services dont les gens ont besoin, les crèches, les écoles, les garderies, l’aide à domicile, les transports publics, même si on n’a pas assez de bus, là. Donc on essaie de mettre tout à disposition pour que les gens travaillent. Et quand ils reviennent dans leur commune, ils ont le cadre de vie agréable qui leur donne envie d’y rester.

Et puis il y a les logements sociaux. Il y en a très très peu, à Jurbise: à peine 0,19% des ménages jurbisiens habitent dans un logement social…

Il n’y a pas de demande pour du logement social à Jurbise: 95% des logements sont occupés par leur propriétaire. Et pour les 5% restants, on a le SHAPE qui est à proximité, il y a beaucoup de maisons qui sont louées au SHAPE, donc il n’y a quasiment plus rien en location à Jurbise. On est toujours partis du principe qu’on doit tout mettre à disposition des habitants pour qu’ils puissent travailler un maximum…

Le système ne décourage-t-il pas les communes de s’activer sur le front de l’emploi local?

Au niveau de l’emploi public, avant, il n’y avait pratiquement que les gens qui habitaient la commune qui travaillaient pour la commune. Maintenant ça a totalement changé. Les derniers recrutements qu’on a faits, pour les marchés publics, pour le service des finances, ce sont des extérieurs, suite à des examens qui sont organisés…

Vous êtes favorable à la réintroduction d’une espèce de clause de préférence communale pour les emplois publics locaux?

Ce qui est dommage, c’est que l’emploi public n’intéresse plus comme il intéressait avant. Je pense aussi qu’il y a un problème de statut, parce qu’avec la révision générale des barèmes, les gens qui ont fait des études doivent parfois attendre des années pour pouvoir évoluer. Donc il faut vraiment revoir cette révision générale des barèmes, permettre la mobilité, par exemple entre les niveaux de pouvoirs, etc. On ne motive pas assez les gens à rester dans la fonction publique communale! Et au niveau de l’attrait salarial, bon… Avant on rentrait à la commune, on faisait sa carrière là, et on était content avec ce qu’on gagnait. Mais les mentalités évoluent, et dans une commune, vous ne savez pas donner de primes, vous ne savez pas donner de voiture de société…

Et sur le secteur privé, qu’est-ce qu’une commune peut faire de plus ? Jouer sur la fiscalité?

Moi je trouve normal que la personne qui vit dans une commune, même si elle n’y travaille pas, paie ses impôts dans cette commune.

Pourquoi? DeFI propose de taxer sur le lieu de travail plutôt que sur le domicile du travailleur…

Je ne partage pas du tout. Il faut que les communes s’engagent à développer le maximum de services dans leur commune pour les gens qui travaillent, qu’importe où ils travaillent. C’est ça qui est important. Et si on peut attirer des travailleurs extérieurs dans notre commune, tant mieux. Par exemple, on loue les bâtiments de la gare, au rez-de-chaussée ça va être les consultations ONE, et à l’étage ça sera du coworking. Notre but, c’est de développer une activité grâce à la centralité de la gare. Ce sont des services pour les gens qui travaillent, mais c’est aussi du travail qu’on aide à créer sur le site. Mais ce ne sont pas les pouvoirs publics qui créent le travail, nous, notre rôle c’est de créer toutes les conditions pour que le privé crée de l’activité. Tous nos commerces, tous nos indépendants, ce sont des activités très importantes chez nous. Mais par exemple, chez moi j’ai le patron, enfin, le créateur, de Viangro, la grosse usine d’Anderlecht, il habite à Erbisoeuil, chez nous quoi. C’est un des plus gros pourvoyeurs d’emploi en région bruxelloise, et il habite Jurbise. Il ne va pas installer son usine sur le territoire de la commune, hein… Donc j’ai des grands patrons, qui habitent sur ma commune, et qui ont crée leur activité ailleurs. C’est gratifiant aussi que ces gens-là se sentent bien sur notre commune, grâce à son cadre de vie. On ne va pas créer des usines ou des grands centres commerciaux là où c’est impossible.

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