Logements sociaux à Bruxelles: pourquoi Watermael est la seule commune en ordre (carte interactive)

Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

En Région de Bruxelles-Capitale, les 19 communes doivent tendre vers 15% de logements sociaux sur leur territoire. La réalité chiffrée est tout autre: seul Watermael-Boitsfort y parvient. La secrétaire d’Etat au Logement Nawal Ben Hamou (PS) déplore le manque de volonté de certaines entités.

A la fin du mois de janvier, la commune d’Uccle a saisi le Conseil d’État pour annuler la construction de 34 nouveaux logements sociaux sur son territoire. Pour les construire, il faudrait abattre 50 arbres, ce à quoi la majorité MR-Ecolo s’oppose. « Augmenter le nombre de logements sociaux sans penser à leur intégration sur le territoire est un non-sens« , justifie Jonathan Biermann (MR), l’échevin au Logement de la commune.

Uccle fait partie des communes qui déplorent une politique du chiffre pratiquée par le gouvernement bruxellois et sa secrétaire d’Etat au Logement Nawal Ben Hamou (PS). Sur Instagram, l’élue socialiste enchaine les clips de promotion relatifs aux logements sociaux. « Entre 2004 et 2019, seul 1633 logements ont été construits. Depuis que je suis secrétaire d’Etat, nous avons construit près de 2.000 logements, et rénové 25.000″.

Plus de 40.000 logements sociaux à Bruxelles: la situation dans votre commune

D’après les dernières données disponibles, la Région de Bruxelles-Capitale compte 41.043 logements sociaux. Un chiffre en constante augmentation. Pour autant, Watermael-Boitsfort est la seule commune bruxelloise qui atteint le seuil de 15% de logements sociaux sur son territoire. Evere et Ganshoren (tous deux à 11%) s’en sortent mieux que les autres, mais manquent tout de même l’objectif.

Watermael sortirait du lot du fait de sa moindre densification, qui lui offre une plus grande part de terrains disponibles pour construire des logements sociaux. En termes absolus, les communes de Bruxelles-Ville (plus de 8.000), Anderlecht (plus de 5.000) et Molenbeek (plus de 3.000) sont les plus assidues.

« Il y avait un manque de volonté politique, qui prend du temps à résorber »

Anaïs Camus (Ecolo), échevine du Logement à Ixelles

Uccle, Ixelles, Etterbeek : les explications des élus

Dans les mauvais élèves de la classe bruxelloise, on retrouve des communes comme Uccle et Ixelles, qui stagnent en-dessous des 4%. « Par le passé, la commune d’Ixelles a fait preuve de passivité en la matière. Il y avait un manque de volonté politique, qui prend du temps à résorber, explique Anaïs Camus. Je suis la 1e échevine du logement dans l’histoire ixelloise, ce qui dit beaucoup de choses ». L’élue écologiste développe pourquoi il est si difficile d’atteindre les 15% demandés par la Région. « On a lancé 400 à 500 projets de logements sociaux sous cette législature, mais c’est insuffisant pour dépasser le marché locatif privé, très actif sur notre territoire ».

Uccle est l’une des communes bruxelloises où le prix des terrains est le plus élevé. Cela coûte donc moins cher à la Région de construire des logements sociaux sur des parcelles qui lui appartiennent. « C’est problématique quand il faut pour cela raser des espaces verts, martèle l’échevin au Logement Jonathan Biermann. Surtout quand il s’agit d’espaces partagés déjà utilisés pour la cohésion dans les quartiers ». L’élu libéral préconise plutôt la construction de logements publics via l’acquisition de terrains ou bâtiments déjà existants.

Vincent De Wolf (MR), le maïeur d’Etterbeek, explique pourquoi il ne peut pas faire mieux avec les logements sociaux © Belga

Etterbeek s’en sort un peu mieux que les deux autres communes précitées, mais reste loin de la marche des 15% de logements sociaux. Accueillir 50.000 habitants sur une surface de 3 km2 est un défi de taille pour le bourgmestre Vincent De Wolf (MR). « Avec toute la bonne volonté du monde, il n’y a plus un seul terrain de libre sur la commune. On ne peut pas construire sur la rue, ou entasser les gens dans des ghettos ou des tours. Il faut garder une mixité sociale, ce que j’essaie de faire depuis 30 ans à Etterbeek ».

« Le défi du logement à Bruxelles est un défi à l’échelle régionale, il est donc normal que toutes les communes participent à l’effort commun »

La secrétaire d’Etat au Logement Nawal Ben Hamou (PS)

Pourquoi certaines communes sont à la traine

Selon la secrétaire d’Etat au Logement Nawal Ben Hamou, trois éléments expliquent les moins bons résultats de certaines communes, peu volontaires en la matière :

  1. « L’effet NIMBY« , acronyme de l’expression anglaise Not In My BackYard (‘pas dans mon arrière-cour’). Ce phénomène désigne les opposants à des projets d’intérêt général, qui privilégient leur intérêt personnel. Dans le cas des logements sociaux, il s’agit de citoyens ne voulant pas d’une population plus précaire, attirée par la construction de nouveaux logements sociaux dans leur commune.
  2. « L’étendard des espaces verts, alors que tous nos projets allient logement , biodiversité, maintien d’espaces verts et nouveaux équipements pour le quartier (école, bibliothèque, etc) ». L’élue socialiste faisant sans doute allusion ici à la situation uccloise.
  3. « L’assiette de revenus des locataires sociaux, qui s’avère peu intéressante au niveau de la fiscalité communale ».

D’autres communes font des efforts, mais restent désavantagées par plusieurs paramètres. Ixelles, par exemple, disposerait de réserves foncières insuffisantes pour de nouveaux projets de construction. La commune emmenée par l’écologiste Christos Doulkeridis doit donc se tourner vers d’autres mécanismes. Comme la reconversion de bâtiments ou l’achat via le privé, procédures plus lourdes et plus lentes.

15% de logements sociaux, c’est trop ?

Au vu du nombre de communes qui n’atteignent pas le seuil fixé, ne faudrait-il pas l’abaisser ? « Il faudra en tout cas réfléchir à mieux répartir les efforts entre les communes, en fonction des réalités territoriales de chacune », avance Nawal Ben Hamou. « Le défi du logement à Bruxelles est un défi à l’échelle régionale, il est donc normal que toutes les communes participent à l’effort commun ».

A noter qu’aucune sanction n’est prévue pour les communes qui ne respectent pas le seuil de 15% de logements sociaux sur leur territoire. 

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