"Vivre avec un salaire moyen de travailleur", le slogan historique du PTB

Les élus PTB vivent-ils réellement avec le salaire moyen d’un travailleur ? Pas toujours…

Les élus du PTB déclarent vivre avec le salaire moyen d’un travailleur. Au-delà du slogan historique des communistes, que touchent-ils réellement à la fin du mois ? Le Vif s’est penché sur la question.

Gagner le même salaire qu’un ouvrier quand on occupe une fonction politique ? Le slogan appartient historiquement au Parti du Travail de Belgique (PTB). « Dans la pratique, cela ne veut rien dire », cadre Pascal Delwit, politologue à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). « L’objectif affiché est de vivre comme le ‘peuple’ mais certains ouvriers gagnent mieux leur vie que d’autres. Je pense par exemple aux secteurs de la sidérurgie et de la chimie ».

Pour « vivre comme le peuple », les élus doivent abandonner une partie de leur salaire au PTB. Ainsi, 60 à 65% du montant initial arrive dans les caisses du parti marxiste. Soit la rétrocession la plus importante au sud du pays (voir infographie), devant Ecolo (40%) et le PS (15%). « La rétrocession n’est donc pas propre au PTB, avance Pascal Delwit. Mais ce parti pousse la logique plus loin que les autres. Le montant total est versé par les institutions politiques à une association de financement du parti, qui paye ensuite le salaire restant aux élus ».

Combien gagnent alors les élus du parti d’extrême gauche, au bout du compte ? « Cela dépend du statut de chacun », indique Germain Mugemangango, porte-parole francophone du PTB et député wallon. « En tant que cadre du parti, je gagne, comme Raoul Hedebouw et Peter Mertens, entre 2.200 et 2.400 euros net par mois. D’autres gagnent un peu plus, car ils souhaitent conserver le salaire qu’ils percevaient avec leur métier avant d’être élu, afin de ne pas perdre de pouvoir d’achat ». C’est le cas par exemple de Youssef Handichi, ex-chauffeur de bus STIB et désormais parlementaire bruxellois. « Des exceptions salariales existent aussi pour certains élus qui font face à des frais de déplacements ou à des dépenses inhabituelles », note Pascal Delwit.

La rétrocession, source de tensions au PTB ?

Il y a donc une différence de salaire entre les ‘professionnels’ du parti et les autres, qui n’ont pas commencé leur carrière au Parti du Travail de Belgique. « Les professionnels du parti signent une convention financière, rappelle Pascal Delwit. Le montant qu’ils recevront à la fin du mois après rétrocession est fixé sur base d’une grille tarifaire. Une manière de faire qui ne plait pas à certains élus, et qui a d’ailleurs provoqué des discussions tendues par le passé ».

En 2019, les trois élus PTB à la Ville de Bruxelles avaient décidé de quitter le parti pour siéger comme indépendants au sein du conseil communal. Ils souhaitaient ainsi dénoncer « le manque total de transparence, de consultation et de dialogue interne du PTB », estimant « n’être que des pions pour le parti ». De son côté, le parti marxiste-léniniste avait affirmé que les trois élus ne voulaient plus rétrocéder leurs jetons de présence.

Quatre ans plus tard, la rétrocession salariale provoque-t-elle encore des tensions en interne ? « Cela arrive parfois, avoue Germain Mugemangango. Pourtant, nous sommes clairs dès le départ. Il ne faut pas oublier que les élus exercent leur mandat pour le parti, pas pour eux-mêmes. Quand on s’engage avec le PTB, on sait que ce n’est pas pour toucher un salaire exorbitant ou faire carrière en politique ».

Le salaire des élus a augmenté : « Le but n’est pas de vivre dans la pauvreté »

« On n’est plus dans la situation observée dans les années 1970-1980, explique Pascal Delwit. À ce moment-là, la rémunération des élus était extrêmement basse. Elle reste toutefois moyenne voire modeste actuellement ». En 2017, Raoul Hedebouw, alors porte-parole du PTB, affirmait « se débrouiller avec 1700€ par mois ». En 2020, il touchait après rétrocession un peu plus de 2000€ net par mois selon nos confrères de La DH. Aujourd’hui, il percevrait entre 2200 et 2400 euros mensuels en tant que président du parti. « Il y a quelques années, on était plus autour des 2000-2100€, précise Germain Mugemangango. Depuis, les salaires ont augmenté avec l’indexation comme pour n’importe quel travailleur. Le but n’est pas non plus de vivre dans la pauvreté. On veut avoir un salaire suffisant pour vivre, tout en étant proche de la réalité vécue par les travailleurs au quotidien ».

Si vous faites le calcul, j’arrive donc bien à moins de 2400€ par mois. En tant que cadre, je fais partie de ceux qui contribuent le plus au financement du PTB

Selon les derniers chiffres de Statbel, le salaire moyen d’un travailleur était de 2500€ net par mois en 2020. Le Vif a voulu faire le calcul pour voir ce que Germain Mugemangango gagnait à la fin du mois cette année-là en tant que parlementaire wallon. D’après Cumuleo, qui publie chaque année les rémunérations des hommes et femmes politiques, le revenu mensuel brut du porte-parole du PTB était de 9.093,14€ en 2020. Soit 7.729,17€ net. Après une rétrocession de 65% de ce montant au parti, on en arrive à 2.705,209€ touchés par le porte-parole.

A priori, c’est donc plus que le salaire moyen d’un travailleur en 2020. Recontacté, Germain Mugemangango a tenu à se justifier. « Chaque mois, je paie aussi une cotisation de 300 euros ou plus au parti. Si vous faites le calcul, j’arrive donc bien à moins de 2400€ par mois. En tant que cadre, je fais partie de ceux qui contribuent le plus au financement du PTB ». Le montant de cette cotisation n’étant pas rendu public, impossible de vérifier le montant de la cotisation reversée par les figures de proue du PTB à l’appareil de parti. D’autant que le montant de la cotisation n’est pas fixe. « Il peut varier chaque mois et dépend de la situation individuelle des cadres », complète notre interlocuteur. A noter qu’au PTB, les simples membres paient 20€ de cotisation annuelle, alors que le montant varie entre 30 et 50 euros par mois pour les membres plus actifs.

Pourquoi reverser autant au PTB ?

Les 60 à 65% du salaire reversé au parti d’extrême gauche servent à financer différents postes: la communication sur les réseaux sociaux, les revues liées au parti ou encore le merchandising. Mais aussi l’immobilier. « Il ne faut pas oublier qu’historiquement, les élus qui disposent d’un héritage immobilier doivent également le céder, explique Pascal Delwit. Le PTB dispose de sa propre société immobilière et investit dans son réseau de maisons médicales ainsi que dans des sièges provinciaux ».    

« Toutes ces activités nous permettent de rester en contact avec les gens en permanence », estime Germain Mugemangango. « Le PTB est un parti du changement, et vous ne pouvez pas changer les choses sans argent ». Pour le député wallon, la rétrocession permet aussi de mieux exercer son mandat politique au quotidien. « Notre Premier ministre gagne 26.000 euros par mois. Une facture d’énergie de 2000€ est une bouchée de pain pour Alexander De Croo, qui vient dire aux gens comment vivre alors qu’il est bien loin de leur réalité ».

Reverser la majorité de son salaire au parti en tant qu’élu, c’est dans l’ADN du PTB. Même si cela empêche les parlementaires de gagner autant que leurs collègues à l’assemblée, la mesure ne devrait pas évoluer. « Nous militons pour l’augmentation du salaire des travailleurs, termine Germain Mugemangango. C’est la seule manière pour moi en tant que cadre du parti d’augmenter mon salaire… »

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