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«À l’attaque!»: voici les partis les plus offensifs sur X, et leurs cibles favorites (infographies)

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Une étude menée par plusieurs politologues révèle les partis qui attaquent le plus sur X (ex-Twitter). Attendu: le Vlaams Belang et le PTB sont en haut de ce classement. Moins attendu: les écologistes flamands de Groen, pour qui la meilleure défense reste l’attaque.

Quels sont les partis politiques qui communiquent le plus par l’attaque sur les réseaux sociaux? Et avec quel(s) effet(s) sur les électeurs des partis attaquants et attaqués? Une cohorte de politologues (Université Libre de Bruxelles, Université d’Anvers, KULeuven et UGent) a tenté de répondre à ces deux questions, en vue des élections du 9 juin prochain.

Outil de mesure: le concept de polarisation affective, soit «la tendance, pour les électeurs proches d’un parti politique, à abhorrer les électeurs des autres partis». Il s’agit des affects (sympathie/antipathie/tolérance…) ressentis par les électeurs d’une formation vis-à-vis des électeurs d’une autre formation, indépendamment de l’idéologie.

Résultat: malgré une impression d’attaques incessantes entre élites politiques sous cette législature, la polarisation affective est restée stable depuis les dernières élections. «Elle est d’ailleurs plus basse que dans les autres pays européens», précise Emilie van Haute (ULB). Le phénomène touche davantage le nord du pays, influencé par un Vlaams Belang dans l’invective permanente.

L’extrême droite à l’offensive des autres partis

Gregory Vanden Bruel et Jérôme Munier (au centre), cofondateurs de Chez Nous, entourés de leurs copains d’extrême droite Tom Van Grieken (VB, à g.) et Jordan Bardella (RN, à dr.). © belgaimage

Le Vlaams Belang – considéré de droite radicale par l’équipe de chercheurs – est celui qui suscite le plus d’antipathie, tant de la part des électeurs des autres partis que de ses propres électeurs vers les autres partis. «La formation dirigée par Tom Van Grieken communique beaucoup sur les réseaux sociaux et attaque en permanence les autres partis politiques», confirme Emilie van Haute. Tout comme son alter ego au sud du pays, Chez Nous. Apparu sur l’échiquier en novembre 2023, le nouveau-né arrive en tête du classement, avec plus de 40% des tweets qui constituent des attaques.

Le Belang suit juste derrière, avant… Groen, le parti écologiste flamand. Membres de la majorité au fédéral, pourquoi les verts se retrouvent-ils à cette position? «Avec Vooruit, c’est en effet le seul parti de la majorité qui truste les premières places de notre classement, développe Emilie van Haute. Les écologistes sont les cibles privilégiées du Vlaams Belang et de la N-VA, à qui ils s’opposent sur les questions identitaires, culturelles et de migration.» Attaqué de toutes parts, Groen suivrait donc l’adage qui dit que la meilleure défense, c’est l’attaque.

«Les attaques sont quelque peu noyées dans le flux important de messages communicationnels»

Emilie van Haute (ULB)

Les partis traditionnels ne représentent qu’une partie très fine des attaques en ligne, la plupart étant membres du gouvernement fédéral. Comprenez: ils communiquent davantage pour défendre leur bilan politique que pour attaquer celui de leurs adversaire, comme le font les partis d’opposition. Côté francophone, DéFi et le PTB semblent justement apprécier l’art de l’attaque. Au même titre que la droite radicale, les partis régionalistes et de gauche radicale invectivent plus que la moyenne des autres formations politiques. «Sans oublier le MR, dont les attaques sont quelque peu noyées dans le flux important de messages communicationnels, mais qui en termes absolus se retrouve au même niveau que le PTB», poursuit la politologue.

Qui attaque qui?

Les résultats obtenus par les chercheurs permettent aussi d’observer vers qui les attaques des partis les plus offensifs se sont dirigées. Le Vlaams Belang répartit visiblement assez bien ses offensives entre les sept partis qui composent la Vivaldi, avec une préférence pour trois partenaires flamands (l’Open Vld, le CD&V et Vooruit). A contrario, ils épargnent plutôt le PTB-PVDA, qui veut pourtant reprendre des voix en Flandre à la formation de droite radicale. Le parti marxiste, emmené par le virulent Raoul Hedebouw, a concentré ses frappes communicationnelles sur l’Open Vld – parti du Premier ministre Alexander De Croo – et les socialistes de Vooruit et du PS, concurrents directs du PTB-PVDA.

«Les inégalités sociales, l’impression d’être abandonné par le système et le déclin économique nourrissent aussi le vote des extrêmes»

Emilie van Haute (ULB)
Bart De Wever et la N-VA ont relativement épargné le Vlaams Belang dans leur stratégie d’attaque © Belga

La N-VA, qui a subi durant la période étudiée une vague d’attaques venant du Belang, l’a relativement épargné, Bart De Wever ayant fait le choix d’ignorer le plus possible Tom Van Grieken et ses troupes. Pour le reste, les nationalistes flamands ont adopté une stratégie offensive similaire à celle de leurs voisins idéologiques d’extrême droite, centrée sur la critique des partis Vivaldiens. Groen, opposé à la N-VA sur un grand nombre de dossiers, a fait de Bart De Wever et consorts sa cible première… juste devant deux de ses partenaires (le CD&V et l’Open Vld). Enfin, DéFi a également – principalement via son président François De Smet – dirigé ses offensives sur X vers la majorité gouvernementale, avec comme cible favorite le MR, concurrent à sa droite dont il est issu et qu’il combat.

Quels présidents de partis sont les plus offensifs?

Qui sont les présidents de parti qui, en saisissant leur portable pour tweeter à tout-va, ont le plus attaqués les autres formations ou personnalités politiques? Si le premier nom qui vous vient en tête est sans doute celui de Georges-Louis Bouchez, le chef de file du MR n’arrive qu’à la neuvième place de ce classement, avec 27% de ses tweets qui constituent des attaques. Tom Van Grieken (Vlaams Belang, 4e) et Bart De Wever (N-VA, 5e) n’atteignent pas non plus le podium. Celui-ci est dominé par le peu connu coprésident de Groen Jeremie Vaneeckhout (41,1% d’attaques dans ses tweets), et le duo centriste François De Smet/Maxime Prévot arrive sur la deuxième marche.

Quelle conséquence sur les rapports sociaux?

Emilie van Haute (ULB)

Reste à savoir si ces attaques entre politiques polarisent les électeurs, les amenant à adopter une attitude de rejet vis-à-vis d’autres électeurs. «Une des conséquences potentielles de la polarisation affective est la distance sociale», dépeint la cohorte de politologues. Autrement dit, un comportement très antipathique d’électeurs du MR vis-à-vis de ceux qui votent habituellement PS pourrait peser négativement sur leurs relations. Pour étudier la chose, les chercheurs ont demandé aux électeurs d’indiquer s’ils hésiteraient à être ami proche avec un électeur du parti envers lequel ils ont exprimé le moins de sympathie.

Résultat? Si les personnes sondées émettent davantage de réserves à l’évocation du Vlaams Belang et du PTB-PVDA, leur aversion pour un parti ne se transforme pas automatiquement en comportement de rejet envers les électeurs de la formation en question, au niveau des interactions sociales. «C’est tout le contraire de ce qu’on observe dans d’autres démocraties», complète Emilie van Haute. Comme aux Etats-Unis, où la polarisation entre Républicains et Démocrates, poussée à son paroxysme par Donald Trump, a provoqué l’assaut du Capitole en janvier 2021.

La polarisation affective, au-delà des discours des élites politiques

L’étude menée par l’association de chercheurs a investigué l’impact du discours des élites – via leurs attaques – sur la polarisation affective des électeurs. Mais ce concept est influencé par d’autres facteurs. «Les inégalités sociales, l’impression d’être abandonné par le système et le déclin économique observables à certains endroits nourrissent aussi le vote des extrêmes», conclut Emilie van Haute.

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