Karine Lalieux (PS), ministre des Pensions © Belga

22.000 euros de bonus pension pour une retraite anticipée: tout savoir en 5 points

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Donner 22.650€ à chaque travailleur qui prolongerait sa carrière de 3 ans au-delà de la pension anticipée. Le bonus pension est LA nouveauté de la réforme vivaldienne. Si elle doit permettre d’augmenter l’emploi, l’économiste Jean Hindriks (UCLouvain) doute forcement de l’efficacité de cette mesure.

Le gouvernement Vivaldi a accordé ses violons pour faire aboutir la réforme des pensions. Accès à la pension minimum, limitation de la pension des fonctionnaires, bonus pension. Le projet comporte plusieurs mesures, avec comme premier objectif de faire des économies. C’est la condition sine qua non posée par la Commission européenne pour octroyer les fonds du Plan de Relance.

L’exécutif européen pointait du doigt le nouveau bonus pension proposé par la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS), qui pesait particulièrement dans les prévisions budgétaires belges. Le Bureau du Plan avait estimé que le bonus pension alourdirait le coût du vieillissement de 0,6% du PIB. La Commission, elle, ne voulait pas d’augmentation supérieure à 0,5% du PIB. Ce serait chose faite, alors que le bonus pension a été ajusté dans la nouvelle mouture de la réforme.

1. Le nouveau bonus pension: 22.645€ sur 3 ans, que vous soyez ouvrier ou chef d’entreprise

Un bonus pension de 22.645€ est proposé aux personnes qui décideraient de travailler 3 ans au-delà de leur pension anticipée. Pour rappel, l’âge de départ à la retraite est pour l’instant fixé à 65 ans. Il sera porté à 66 ans dès 2025, et à 67 ans après 2030. Mais il est possible de partir à la retraite avant cela, si vous êtes dans les conditions suivantes :

  • 60 ans et 44 années de carrière
  • 61 ans et 43 années de carrière
  • 62 ans et 43 années de carrière
  • 63 ans et 42 années de carrière

Pour rappel, en juillet 2022, la première mouture de la réforme prévoyait un bonus pension de 2€ brut par jour supplémentaire presté. « A la place, explique la ministre des Pensions, on propose d’offrir à tous les travailleurs un montant net (7.550€ par année supplémentaire prestée, NDLR) sous forme de capital. Cela coûte moins cher à l’Etat et permet aux citoyens qui souhaitent travailler plus longtemps de savoir plus facilement ce qu’ils gagneront ».

Non seulement vous recevez moins, mais en plus il faut faire attention à ne pas les dépenser trop vite

Jean Hindriks (UCLouvain), économiste

Ce bonus forfaitaire proposé par la ministre s’inscrit dans l’esprit de la réforme : harmoniser les 3 régimes de pension (indépendants, salariés et fonctionnaires). Éboueurs, ouvriers, cadres d’entreprises, enseignants… Tous auraient droit à cette enveloppe de 22.650€ s’ils travaillent entre 62 ans et 65 ans, au lieu de prendre leur retraite anticipée. Une mesure qui favorise la justice sociale, pense Karine Lalieux. « On sait que l’espérance de vie de ceux qui ont un métier pénible est plus faible. Ils ont un salaire bas et partent plus tôt à la pension, ce que nous voulons éviter. En plus, la pension qu’ils touchent à la fin de leur carrière permet à peine de subvenir à leurs besoins ».

2. Pas assez généreux, le bonus pension ?

Jean Hindriks (UCLouvain). © DR

L’économiste Jean Hindriks (UCLouvain) estime que 22.645€ ne constituent pas un montant suffisant pour inciter à travailler après la retraite anticipée. Les travailleurs perdraient de l’argent, comparé au premier bonus de 2€ brut par jour proposé par la ministre. « Au lieu de recevoir une rente de 1400€ chaque année de ses 62 ans à ses 82 ans (28.000€ au total), on propose aux gens de recevoir 22.000€ à leurs 65 ans. Non seulement vous recevez moins, mais en plus il faut faire attention à ne pas les dépenser trop vite ».

Le bonus pension ne favorisera pas l’emploi

Jean Hindriks (UCLouvain), économiste

Au cabinet Lalieux, on conteste les calculs effectués par Jean Hindriks. « L’ancien bonus pension correspondait à 93€ net par mois en plus dans la poche des travailleurs. Sur an, on arrive bien au montant de 22.645€ pour la rente, qui correspond à celui du capital net qui se retrouve dans la proposition ». Le cabinet de la ministre des Pensions précise encore que chacun sera libre de choisir de toucher cette somme sous la forme d’une rente plutôt que d’un montant unique. « Même si d’après le Bureau fédéral du Plan, verser un montant unique encourage deux fois plus le maintien à l’emploi ».

3. Plus de justice sociale

Jean Hindriks ne jette pas non plus le nouveau bonus pension avec l’eau du bain : il peut permettre de corriger les inégalités de revenus. L’incitant à ne pas prendre sa pension anticipée serait plus important pour les travailleurs à bas salaires. « On sait que le revenu et l’espérance de vie sont liés, explique Jean Hindriks. Plus vous avez d’argent, plus vous vivez longtemps, et inversement ». Donner un capital net à tous les travailleurs après leurs 3 années supplémentaires prestées permettrait donc aux personnes à bas revenu de ne pas perdre une partie de ce bonus pension, si elles venaient à décéder plus tôt que les personnes à haut revenu.

4. Une mesure efficace pour augmenter l’emploi ?

Le refrain est connu : l’un des objectifs de la Vivaldi reste 80% de taux d’emploi national à l’horizon 2030. Selon la ministre des Pensions, qui prend l’Espagne comme exemple, le bonus financier qu’elle propose inciterait les gens à travailler plus longtemps. Une analyse que ne partage pas Jean Hindriks. « Le bonus pension ne favorisera pas l’emploi. Le système de pension actuel incite les travailleurs à partir tôt à la retraite, et dans le même temps on instaure des mesures pour retarder le départ à la retraite. La Belgique est le pays d’Europe où travailler après 62 ans est le moins avantageux ». Quant à l’Espagne, Jean Hindriks précise que, sur la péninsule ibérique, le bonus pension ne concerne que la pension légale, et pas la pension anticipée.

5. En réalité, ce bonus pension pourrait bien désavantager les femmes

L’un des objectifs avoués de la réforme des pensions de Karine Lalieux est de corriger les inégalités hommes-femmes. D’après Jean Hindriks, l’instauration de ce nouveau bonus pension pourrait manquer sa cible. « Les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes. Donc, ce bonus pension octroyé en une fois est désavantageux pour elles qui devront subvenir plus longtemps à leurs besoins ». D’autant que 80% des pensions de survie souscrites en Belgique le sont par des femmes, toujours selon l’économiste.

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