La messe en Facebook live : un substitut né pendant la pandémie, en attendant de retrouver l'assemblée. © YOUTUBE THOMAS SABBADINI

La vie après le coronavirus: Dieu reconnaîtra-t-il les siens?

Pour les cultes, la pandémie est à la fois un exercice d’humilité et d’imagination. Car rien ne sera plus comme avant, au risque de transformer le rapport à la spiritualité.

Quand les fléaux s’abattent, quand la science et la rationalité sont impuissantes, la religion est souvent un refuge. Mais la foi ne guérit pas du Covid-19. Pour les trois grands cultes monothéistes, l’humilité face à la pandémie est devenue le maître-mot, d’autant plus que des communautés religieuses ont favorisé la propagation du virus. En Belgique, unis pour la cause, ils se plient à l’ensemble des prescrits sanitaires. Et cela ne changera pas, même si tous aspirent à reprendre des célébrations en présentiel.

De nouvelles pratiques se feront jour. Dans les mosquées, prévoit-on, chacun apportera son tapis, les ablutions seront interdites et la distanciation de rigueur. Dans les paroisses, celle-ci sera facile à gérer : les églises sont vastes et les fidèles clairsemés, bien que plus à risque vu la moyenne d’âge. Des plans de circulation sont à l’étude. Le rite de la communion reste problématique. Un prêtre suggère une patène par fidèle, avec chacun son hostie. La formule d’usage serait supprimée pour éviter les postillons. Pour cela, une église allemande a déjà trouvé la parade, avec une vitre de séparation… Quant au signe de paix, il serait abandonné.

En attendant, la technologie vient à la rescousse des isolés, comme l’appli YouPray qui envoie chaque jour, via smartphone, la lecture du jour, un commentaire, une prière, une louange. De son côté, Thomas Sabbadini, 31 ans, vicaire à Heusy, célèbre la messe en Facebook live depuis… sa chambre. Face à sa webcam, le jeune abbé salue chaque internaute au début de l’office, et ceux-ci peuvent chatter. Ne court-on pas le danger que les fidèles se limitent plus tard à une  » église domestique  » ?  » Quand les messes télévisées ont commencé, beaucoup de prêtres y étaient opposés pour cette raison, répond-il. Mais cela ne s’est pas vérifié. Si chute de la pratique il y a eu, elle était antérieure. « 

Selon lui, la multiplication des substituts virtuels est une bonne chose :  » Les gens ne viendront pas davantage à la messe si on supprime leur appli de prière. Il n’empêche que l’assemblée ( ecclesia en latin, qui a donné église) est au coeur de la pratique, et, sans elle, c’est toute la spiritualité qui est chamboulée.  » Nous sommes ensemble, mais pas ensemble, a résumé le pape peu avant Pâques, à propos des liturgies à distance. Ce n’est pas l’Eglise : c’est l’Eglise d’une situation difficile, que le Seigneur permet, mais l’idéal de l’Eglise est toujours avec le peuple et avec les sacrements.  » Mariages, baptêmes, funérailles ne peuvent s’encombrer d’un écran.  » Devoir se contenter de dire au revoir à son parent, à son enfant, de manière virtuelle, je ne veux même pas y penser. Ce serait un traumatisme énorme « , explique l’abbé Gabriel Ringlet.

Au-delà, le sens même de la foi est questionné. Le théologien tchèque Thomas Halik se demande  » si le temps des églises vides et fermées n’est pas une sorte de vision nous mettant en garde contre ce qui pourrait se passer dans un avenir assez proche « , à moins que les Eglises  » ne fassent un sérieux effort pour montrer un visage totalement différent  » plus en phase avec un  » monde malade « . Albert Guigui, grand rabbin de Bruxelles, embraie :  » Dieu veut nous dire : « Je veux un autre monde, un monde différent, un monde d’un autre sens. »  » Reste à déterminer la place que tiendront les religions dans le déconfinement des âmes.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire