Pierre-Yves Jeholet (MR), ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Faut-il baisser le salaire des enseignants pour faire des économies? (débat)

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Pour pallier la pénurie d’enseignants, les syndicats appellent à une hausse des salaires dans le secteur. Mais les poches de la Fédération Wallonie-Bruxelles sont vides, et son ministre-président cherche à économiser là où c’est possible. Pour autant, Pierre-Yves Jeholet (MR) assure « qu’il n’est pas question de raboter le salaire des enseignants ».

Cette semaine, on discute budget au siège du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’enjeu ? Établir les prévisions financières pour 2024. Comme chaque année, on fait le constat d’une institution en mauvaise santé économique. L’occasion, pour le ministre-président de l’institution Pierre-Yves Jeholet (MR), de rappeler que l’enseignement représente 75% du budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Et d’insister : « Le budget de l’enseignement, c’est 85 % de masse salariale. Si on doit faire des efforts, c’est dans la masse salariale ». Cela, alors que les syndicats demandent une augmentation du salaire des enseignants.

« On entend le même discours depuis des années, déplore le président de la CGSP Enseignement Joseph Thonon. Pierre-Yves Jeholet, comme ses prédécesseurs, nous rabâche les oreilles en répétant à l’envi qu’on a pas le budget pour ci ou pour ça. À un moment, il faut faire quelque chose si on veut trouver une solution à la pénurie de personnel dans l’enseignement ».

Des études plus longues, et donc un plus gros salaire pour les enseignants?

D’autant que depuis septembre, le cursus des instituteurs et enseignants du secondaire inférieur est passé à quatre ans, avec une partie obligatoirement à l’université. Avant cette réforme, le cursus durait trois années. « Nous avons fait un effort avec cette année supplémentaire d’études pour être enseignant, donc on estime qu’il est logique qu’un effort financier suive », selon Joseph Thonon.

« Promettre des augmentations sans cadre ni conditions serait irresponsable »

Pierre-Yves Jeholet, ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Concrètement, le salaire des enseignants est fixé sur base de deux barèmes. Le barème 301 pour ceux qui enseignent en maternelle, primaire et secondaire inférieur. Et le barème 501 pour les enseignants du secondaire supérieur. Tout en sachant que plus le barème est haut, plus le professeur concerné gagne d’argent à la fin du mois.

« Si on n’augmente pas le salaire des enseignants, nous aurons une école à deux vitesses en 2027 »

Roland Lahaye, président de la CSC-Enseignement

Les syndicats enseignants demandent donc que les salaires augmentent, au vu de l’allongement des études. « Nous voulons discuter de l’instauration d’un barème intermédiaire 401, explique Roland Lahaye, à la tête de la CSC-Enseignement. Si on ne le fait pas, nous aurons des écoles à deux vitesses en 2027 ». Ceux et celles qui ont commencé leurs études en septembre commenceraient alors leur carrière avec un salaire supérieur que leurs collègues plus anciens. Une situation inégalitaire que les syndicats veulent éviter à tout prix. « Nous devons encore fixer les modalités pratiques, mais l’idée est que les enseignants de l’ancien régime effectuent une formation complémentaire afin d’avoir le même salaire », continue Roland Lahaye.

Pas d’augmentation des salaires sans l’aménagement de certains régimes spécifiques

De son côté, Pierre-Yves Jeholet n’est pas opposé, en principe, à une augmentation des salaires dans le secteur. Mais le ministre-président estime que « promettre des augmentations sans cadre ni conditions serait irresponsable ». Le libéral se dit par contre « ouvert à débattre de l’évolution des barèmes », à condition de discuter plus largement de l’organisation de l’enseignement. « On doit garantir le bien-être au travail, mais on doit aussi pouvoir reparler des régimes spécifiques de mise en disponibilité ou de départs anticipés à la retraite et de leurs conditions ».

« Les conditions de fin de carrière pèsent lourd dans le budget de l’enseignement », reconnait Joseph Thonon, qui n’hésite pas à parler de tabou. « Mais si on aménage les conditions de fin de carrière pour retarder le départ à la retraite, les enseignants vont se précipiter vers les congés maladie ». « Selon nos études, complète Roland Lahaye, un enseignant en maladie de longue durée coûte plus cher à l’Etat qu’un enseignant qui prend sa pension anticipée. Monsieur Jeholet est fort pour les effets d’annonce, mais il faut bien réfléchir au système qui permet de faire le plus d’économies ».

Les syndicats de l’enseignement espèrent prochainement une réunion en groupe de travail avec les acteurs concernés pour évoquer ce barème intermédiaire, et l’évolution à la hausse du salaire des enseignants.      

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