Alexander De Croo et Alexia Bertrand

Pensions, allocations, impôts: ce que contient l’accord fédéral sur le contrôle budgétaire

Le gouvernement fédéral s’est accordé jeudi sur le contrôle budgétaire 2023, a annoncé le cabinet du Premier ministre, Alexander De Croo, alors que la Chambre allait ouvrir sa séance plénière. Il expliquera les détails au parlement. A bonne source, l’on indiquait déjà que si les pensions et allocations sociales ont pu être préservées, elles ne connaîtront néanmoins pas l’augmentation annoncée.

Les ministres étaient entrés en réunion la veille à 20h30, une séance au finish après deux semaines de travaux. L’exercice devait en principe se dérouler sans trop de difficultés puisque les nouvelles étaient rassurantes. Le déficit total de toutes les entités du pays est inférieur de plus de 6 milliards d’euros aux 33 milliards d’euros initialement estimés. Pour le gouvernement fédéral, cela représente une amélioration de 3,2 milliards d’euros. En effet, l’inflation est plus faible que prévu et les prix de l’énergie ont sérieusement baissé après le pic d’il y a quelques mois.

Les perspectives sont en revanche plus sombres pour les finances publiques belges dans les années qui viennent. La discipline budgétaire européenne sera à nouveau d’application en 2024 et, durant les trois dernières semaines, le Bureau du Plan, la Banque nationale et l’Agence de la dette ont tiré la sonnette d’alarme au cours d’auditions en commission des Finances de la Chambre. En 2028, à politique constante, le déficit atteindrait 4,9% du Produit intérieur brut (PIB). La Belgique figurerait parmi les plus mauvais élèves de la classe européenne et s’attirerait les foudres de l’UE pour un déficit excessif.

L’augmention des pensions minimum rabotée

Le Premier ministre a voulu profiter de l’exercice pour réaliser des économies équivalentes à 0,3% sur deux ans. Le chiffre final retenu n’a pas encore été communiqué. Les partis libéraux ont mis une forte pression pour supprimer la dernière tranche d’augmentation des pensions minimum au 1er janvier, estimant qu’avec l’indexation celles-ci avaient déjà atteint l’objectif de revalorisation prévu. Une partie de l’augmentation sera donc rabotée: au lieu des 1.632 euros nets que pouvait attendre un isolé, ce sera 1.622 euros. Si la quatrième tranche avait été entièrement supprimée, le montant aurait été de 1.606 euros, a-t-on expliqué à bonne source. Pour ce qui est de la Garantie de Revenu Aux Personnes Agées (GRAPA), du chômage et de l’indemnité d’incapacité de travail, la quatrième tranche de revalorisation n’aura en principe pas lieu.

Du côté des recettes, le « pilier 2 » européen, soit l’impôt minimal des multinationales, fera l’objet d’une transposition « ambitieuse », disait-on. Gain attendu: 334 millions l’an prochain.

Les banques devront contribuer davantage à un fonds de garantie des dépôts. Le recrutement de dizaines de contrôleurs est annoncé pour garantir le respect de la législation fiscale.

Un effort net de 1,75 milliard d’euros 

Le Premier ministre Alexander De Croo a confirmé jeudi à la Chambre l’accord sur le contrôle budgétaire conclu quelques minutes avant l’ouverture de la séance.

L’effort net annoncé s’élève à 0,3% du PIB, soit 1,75 milliard d’euros, a-t-il indiqué. Alexander De Croo s’est réjoui des chiffres communiqués par le Comité de monitoring avant l’ouverture du conclave budgétaire avec une amélioration de 1,1% par rapport à la rédaction du budget en octobre dernier.

« Cela veut dire que la situation s’améliore et que le travail budgétaire a été réalisé de manière sérieuse », a commenté le Premier ministre. L’amélioration est prévue « avec une compensation pour les dépenses nécessaires et décidées », comme la lutte contre la criminalité organisée liée au trafic de drogue.

 Au total, l’effort brut pour 2023 et 2024 sera de 2,65 milliards d’euros, a-t-il complété.

« Ce n’est pas un point final. Il faut aller plus loin », a-t-il ajouté, citant en premier lieu la réforme fiscale. « Le travail du ministre (des Finances) Van Peteghem est prêt. Ce sera notre prochaine étape », a-t- assuré. Et vous pouvez aussi vous attendre à ce qu’on fasse la réforme des pensions. »

Dans l’opposition, le scepticisme régnait après la conclusion de cet accord. « On peut se demander si vous n’avez pas fait les choses à l’envers : il n’y à ce jour ni réforme fiscale, ni réforme des pensions terminée, ni réforme du marché du travail. Or ces trois réformes seront décisives en termes de recettes et de dépenses », a relevé François De Smet (DéFI).

Pour le PTB, Sofie Merckx a fustige les « économies sur les basses pensions », accusant le gouvernement d’aller chercher les économies « dans les poches des petites gens ».

Catherine Fonck (Les Engagés) a demandé au Premier ministre de fournir les tableaux budgétaires. « Les interprétations divergent déjà en fonction des fuites organisées par tel ou tel parti… », a-t-elle déploré.

Sander Loones (N-VA) a de son côté jugé que le niveau fédéral posait problème alors que les entités fédérées, et singulièrement la Flandre, faisaient le travail (d’assainissement).

Une capacité d’augmenter les pensions minimales préservée, soulignent le PS et Ecolo

Les ministres PS et Ecolo ont mis en avant, au terme du contrôle budgétaire, la capacité préservée d’augmenter les pensions minimum et l’instauration d’un impôt sur les multinationales.

« Nous arrivons au bout d’un exercice de contrôle budgétaire particulièrement difficile mais nécessaire vu les circonstances. Il était essentiel pour les écologistes qu’ils préservent la capacité d’augmenter les pensions les plus basses et les allocations de remplacement de revenus pour personnes handicapées, mais aussi nos capacités d’investissement dans le futur, notamment en matière ferroviaire et d’énergie. C’est largement le cas, puisque les pensions minimales et les autres allocations progresseront encore au 1er janvier, pour dépasser, en ce qui concerne les pensions, 1.600 euros de revenus net », a expliqué le vice-Premier ministre Ecolo, Georges Gilkinet.

« Cela ne veut pas dire pour autant que la législature est terminée. Nous pouvons à présent nous attaquer à la réforme fiscale. En faisant mieux contribuer les plus hauts revenus, nous pourrons améliorer ceux des travailleurs jeunes et des femmes. C’est un objectif essentiel pour une fiscalité plus juste mais aussi plus efficace dans l’objectif d’augmenter le taux d’emploi et, par là, de pouvoir assainir les finances publiques sans mettre à mal notre système de protection sociale », a-t-il ajouté.

« Au terme du contrôle budgétaire, le combat socialiste permet non seulement de préserver l’augmentation historique des pensions les plus basses mais aussi de rendre enfin tangible l’impôt sur les multinationales, avec 634 millions d’euros à la clé », ont souligné le vice-Premier ministre PS, Pierre-Yves Dermagne, et la ministre des Pensions, Karine Lalieux. 

« L’augmentation historique de la pension minimale reste garantie. La hausse de la pension minimale est l’une des grandes victoires de la Vivaldi.  Bien que certains autour de la table aient remis en question la quatrième augmentation, elle sera pour l’essentiel préservée« , ont-ils souligné. « La hausse successive des petites pensions a été signée des deux mains par tous les membres de la Vivaldi. Renier, c’est mentir à celles et ceux qui en ont le plus besoin », selon eux.

David Clarinval salue une « amorce de réforme du marché du travail »

Le vice-Premier ministre MR David Clarinval a salué un « exercice budgétaire qui a non seulement évité une augmentation de la fiscalité sur les travailleurs et l’épargne, mais se double également d’une amorce de réforme du marché du travail ».

Vers 14h00, les partenaires de la coalition Vivaldi sont parvenus à un accord sur le contrôle budgétaire 2023, complété d’un ajustement pour 2024.

« Le travail mené a abouti à un résultat équilibré entre dépenses et recettes », a jugé M. Clarinval, dans un communiqué.

Le libéral salue notamment le fait que « la quatrième tranche de revalorisation des allocations ne sera exécutée que partiellement, ce qui permet une économie de 374 millions d’euros en 2024″. Pour le ministre, « ces décisions permettent d’accroître le différentiel entre revenu d’inactivité et revenu du travail. »

David Clarinval souligne aussi une « amorce de réforme du marché du travail »: « les allocations de chômage temporaire seront calculées à 60% au lieu de 65% du salaire à partir du 1er janvier 2024, la charge de cette diminution étant répartie entre employeurs et travailleurs ». En outre, « il est désormais prévu que les critères déterminant ce qu’est un emploi convenable soient plus larges et que les dérogations pour les seniors soient réduites, par le relèvement du critère d’âge de 50 à 55 ans. En deçà de cette limite, un senior sans emploi ne pourra plus refuser un tel emploi pour différents motifs. »

Par ailleurs, l’arrêté royal chômage sera réformé pour favoriser la mobilité interrégionale des demandeurs d’emploi : « il sera désormais précisé que les frontières régionales ou linguistiques ne sont pas un motif valable pour refuser un emploi vacant par ailleurs », indique le ministre.

Enfin, « afin de vérifier la recherche effective d’emploi, toute personne qui, par deux fois, ne se présente pas à un entretien d’évaluation se verra confrontée à une nouvelle procédure écrite pouvant, le cas échéant, conduire à des sanctions à l’encontre du demandeur d’emploi. »

La pension pour cause d’inaptitude physique définitive sera en outre supprimée « et permettra une remise au travail de fonctionnaires trop vite pensionnés ».

Le PTB dénonce les 374 millions d’économies sur les pensions et allocations sociales

Le PTB a dénoncé les 374 millions d' »austérité » sur les pensions et allocations sociales décidés par le gouvernement fédéral en bouclant le contrôle budgétaire 2023, qui se traduit par un effort net annoncé de 0,3% du PIB, soit 1,75 milliard d’euros.

« Le gouvernement trahit sa promesse de revalorisation des pensions minimales et va chercher dans la poche des pensionnés pour boucler son contrôle budgétaire », a affirmé la cheffe du groupe PTB à la Chambre, Sofie Merckx, dans un communiqué.

Selon le PTB, sur base des premières fuites sur le contrôle budgétaire, « ce sont les pensionnés qui vont trinquer, alors qu’ils sont durement touchés par l’augmentation des prix ».

Le parti marxiste souligne que le gouvernement s’était engagé à augmenter les pensions minimales en quatre phases. « La quatrième phase, qui devait intervenir au 1er janvier 2024, est maintenant remise en cause », dénonce le PTB.

« Alors que les pensions en Belgique sont déjà les plus basses d’Europe occidentale, le gouvernement fait encore des économies sur le dos des pensionnés », s’est indignée Sofie Merckx.

« En plus des 126 millions de coupes sur les pensions minimales, le gouvernement s’attaque aussi à la Grapa (garantie de pensions aux personnes âgées), au revenu d’intégration et aux indemnités minimales pour les invalides. Au total, 374 millions d’euros sont ponctionnés sur les pensions et allocations sociales », a calculé le PTB.

« C’est chez ceux qui ont les revenus les plus faibles que le gouvernement va chercher l’argent », a encore dénoncé Sofie Merckx.

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