Les anges déchus

Dans son nouveau recueil de nouvelles intitulé Monstres, Dominique Maes nous prouve que l’important en littérature, c’est d’aborder la cruauté avec humour et décontraction. Sans avoir l’air d’y toucher, il nous convie à une balade loufoque et nonchalante dans son musée des horreurs : au fil de ses nouvelles, on côtoie une série de portraits plus terrifiants et cyniques les uns que les autres. Si Mademoiselle la vampire, digne fille de Dracula son papa, effraie gentiment le jouvenceau qu’elle va saigner, les sirènes, elles, se révèlent plus naïves qu’il n’y paraît. Dominique Maes organise son monde infernal à l’image de la vaste demeure de Barbe-Bleue : malgré le décor luxueux, les chambres accueillantes et la vaisselle dorée, il y a toujours une porte secrète qu’il ne faut pas ouvrir. Et le pire des êtres se cache là où on l’attend le moins. Anne, ma chère Anne, ne vois-tu rien venir ? Ni soleil qui poudroie ni herbe qui verdoie mais une héroïne qui n’a rien soupçonné de la perversité de sa s£ur. En tératologue (1) averti, le nouvelliste belge revisite quelques mythes et légendes d’ogres et de chimères avec la curiosité d’un vrai passionné. On est tenu en haleine du début à la fin, même si la première nouvelle peut déconcerter. Passé cette introduction éclairante mais un rien longuette, ce n’est que du bonheur… dans l’horreur !

Et d’en croire Charles Baudelaire : le beau est toujours bizarre. Ici les bizarreries sont légion et les monstres de foire affichent une beauté singulière, touchante à force d’étrangeté. Mais la vraie laideur – celle du c£ur – se cache dans les replis de l’âme humaine davantage que sous les écailles des bêtes improbables : la pire des créatures, capable des plus sordides atrocités, c’est bien entendu l’humain. Qu’il soit adulte ou enfant, il se révèle le plus féroce des prédateurs… « Depuis des millénaires, il (l’homme) piétine, lapide, lacère, torture patiemment, pend haut et court, électrocute, fusille, bombarde, extermine, empoisonne et justifie toutes ses atrocités par ses normes imbéciles. (…) Il n’a pas l’air dangereux en cet instant où il vous regarde terrifié et pleurnichard. (…) Mais ne vous y fiez pas. De grâce ! Car dès qu’il sera en nombre, il cherchera à imposer son criminel conformisme  » (p. 18).

En refermant le recueil, on ne peut s’empêcher de se poser la question : sommes-nous pervers à aimer pareilles histoires ? A l’image des contes cruels pour enfants sages, s’agit-il d’une purge ? D’un vaccin salvateur ?… Heureusement, à en croire la phrase qui clôt le recueil, tout n’est pas si noir :  » Puis tu trouves simplement les gestes qui balaient la folie des hommes « (p. 236).

(1) Spécialiste des monstres.

Monstres, Dominique Maes, Luce Wilquin, 237 p.

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