© Reuters

Viande de cheval: Spanghero, un coupable trop facile?

Le gouvernement accuse l’entreprise Spanghero d’être le responsable du « horsegate » qui secoue l’Europe depuis le début de la semaine. Mais n’est-ce pas toute la filière qu’il faut pointer du doigt?

Dans l’affaire de la viande de cheval qui secoue l’Europe depuis le début de le coupable idéal s’appelle Spanghero. Ce serait dans cette société française de transformation de viande que le cheval se serait mystérieusement transformé en boeuf.

Spanghero aurait consciemment, et consciencieusement même, changé l’étiquetage de la viande de cheval roumaine en « Viande boeuf origine UE ». Pour l’heure, l’entreprise de Castelnaudary, qui s’est vue retirée son agrément, dément catégoriquement ces accusations. Elle estime que le gouvernement est allé un peu vite en besogne dans ses conclusions.

Les dysfonctionnements de la chaîne alimentaire

Quand bien même Spanghero serait coupable d’avoir falsifié les étiquettes de ses produits, il va falloir tirer les conséquences de ce scandale qui a révélé les dysfonctionnements de la chaîne agroalimentaire. Car l’affaire du cheval va bien plus loin qu’une simple escroquerie à la réglementation. Elle a mis en lumière, une nouvelle fois, les pratiques douteuses et les circuits incontrôlables de l’industrie agroalimentaire. Ainsi, depuis le début de la semaine, tout le monde essaie de comprendre la tortueuse trajectoire empruntée par la viande incriminée: achetée en Roumanie par un trader chypriote, Draap Trading Ltd -cette société achetait sa viande via une boîte postale belge pour la stocker ensuite dans un entrepôt situé aux Pays-Bas- elle a ensuite atterri dans le sud de la France (chez Spanghero) pour être envoyée au Luxembourg où elle a pu être transformée (par Comigel) et être ensuite commercialisée dans six pays au moins en Europe. Pour la plupart de ces pays, peu adeptes du canasson en sauce, le choc a été rude (il est en effet important de rappeler qu’il n’y a pas eu de crise sanitaire puisque la viande en question n’était pas avariée). Par ailleurs, les consommateurs ont sans doute été contents d’apprendre qu’un même fabricant, Comigel, fournissait une importante partie des barquettes de lasagnes européennes, commercialisées sous des marques différentes (Findus, mais aussi Picard ou encore Monoprix)!

Que faut-il conclure de toutes ces découvertes? Déjà qu’il ne s’agit peut-être pas d’une découverte. Les politiques pouvaient-il vraiment ne rien connaître à la complexité de ces circuits alimentaires, comme ils l’affirment aujourd’hui? Le journaliste Fabrice Nicolino, auteur de Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde, en doute. « La transformation de la viande est un business mondialisé, avec sa spéculation, ses traders et ses truands », estime le journaliste dans les colonnes de Libération.

Surtout, il faut rappeler que la filière agroalimentaire n’en est pas à son premier scandale: de la mélanine dans du lait maternel en Chine, de l’huile de vidange dans de l’huile d’olive en Espagne… les scandales sont légion dans l’agroalimentaire. Surtout dans la filière de la viande où les petites magouilles seraient quasiment culturelles, comme le révèlent ces nombreux témoignages qui ont fleuri dans les médias tout au long de la semaine.

La faute aux consommateurs ou à la grande distribution?

Plus que la traçabilité, qui ne réglerait pas la question des fraudes, certains se demandent aujourd’hui s’il n’est pas temps de s’interroger sur le problème de fond. A savoir les prix toujours plus bas dans les rayons. Est-il en effet possible de vouloir consommer des lasagnes à 2,50 euros la barquette et espérer que la viande qu’elle contient soit de qualité? Quand on sait qu’un steak haché de qualité moyenne coûte environ autour de 10-12 euros le kilo en grande surface, on se demande bien comment la lasagne de Findus « 100% pur boeuf » – qui a nécessité une importante transformation- peut-être vendue autour de 3,5 euros le kilo. En l’occurrence, en 2012, le kg de cheval roumain était de 2,2 euros, contre 3,7 euros pour le boeuf…

Pour certains, ce ne sont d’ailleurs pas les producteurs qu’il faut blâmer, mais la grande distribution, qui veut toujours accroitre ses marges sans augmenter ses prix pour rester attractive. En 2012, « le prix de la viande de boeuf n’a pas arrêté de grimper (+12%, soit 50 centimes de plus) mais la grande distribution exigeait qu’on baisse nos prix », témoigne Danielle Lo Stimolo, une responsable de Syndigel, la fédération européenne du secteur du surgelé (50 adhérents). Face à ces distributeurs tous puissants, les industriels, des PME ou TPE pour la plupart, n’auraient guère le choix. Pour survivre, il faut baisser les prix. Quitte à tricher sur la marchandise.

Par Julie de la Brosse

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire