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Affaire Hachmi : « Les musulmans sont les premières victimes de ce genre de conneries. »

Fouad Hachmi est un chanteur hip-hop et un plasticien bruxellois. C’est aussi le frère de Latifa Hachmi, 23 ans, décédée des suites d’une séance de roquya (désenvoûtement) à laquelle six personnes ont participé, toutes condamnées pour torture par la cour d’assises de Bruxelles. Pour quatre d’entre elles, le verdict est assorti d’une condamnation pour coups et blessures volontaires sans intention de la donner. La délibération sur les peines commence ce lundi.

Le Vif/L’Express : Qu’espérez-vous du verdict sur la peine ?

Fouad Hachmi : Que les peines soient aussi exemplaires que le verdict sur la culpabilité. Il y aura une certaine hiérarchie dans la responsabilité de chacun. En tout cas, Xavier Meert et le mari, Mourad Azouj, n’échapperont pas à une peine sévère, ainsi que Fatima Zekhnini et Jamila Zian. Abdelkrim Aznagui s’en sort un peu, alors qu’il est l’instigateur de tout ça. J’espère que le procès servira d’exemple et de prévention. Il aura démontré la bêtise de celui qui se fait appeler Abou Chaima et qu’à Bruxelles, certains commerçants ne laissent plus entrer dans leur commerce. En cela, la médiatisation a été très utile. Je suis musulman mais je ne partage pas l’islam de ces gens qui propagent la haine et la violence. Il faut bien dire qu’une majorité de musulmans ne sont pas très éduqués ni cultivés. Beaucoup de Marocains de Bruxelles sont berbérophones et c’est en leur parlant le berbère qu’Aznagui s’est fait une réputation, en répétant les histoires qu’il avait entendues dans son village reculé, à une autre époque. Il y a, dans la culture maghrébine, le respect des adultes, des anciens. On ne pouvait pas imaginer qu’il s’agissait d’un pervers…

Mais comment vous expliquez-vous la participation des femmes à ces séances de torture ? Sans doute le côté un peu expérimental du truc… Et puis, il y a toute une psychose autour de l’envoûtement. Elles ont été prises dans l’engrenage. Mais ce sont des adultes. Elles doivent assumer leurs erreurs. Le jour du verdict, j’ai eu une angoisse : était-ce bien ce que j’avais fait, parce que ça ne m’amuse pas d’envoyer des gens en prison ? Ce qui m’a motivé, finalement, c’est l’orgueil et l’égocentrisme dont ces gens avaient fait preuve. En huit ans, pas une petite lettre… Maintenant, il est trop tard.

Comment votre soeur est-elle tombée aux mains de ce groupe ?
Lorsqu’elle était adolescente, elle a rencontré deux converties grecques qui avaient décidé de porter le voile. Elle aussi voulait le, porter. Elle a dû changer d’école. Là, elle est devenue amie avec la fille d’Aznagui. Il ne faut pas croire que ce genre de personne encourage les jeunes à écouter leurs parents. Mes parents, mes frères et moi trouvions que Latifa était bien jeune pour porter le voile. Mais quand on s’est aperçu qu’elle le portait en cachette, il était trop tard. On l’a raisonnée, en lui disant que dans l’islam, l’éducation était plus importante que le foulard. Elle ne nous a pas écoutés. On sait maintenant ce que ces gens devaient lui dire : « Tes parents sont des mécréants. »

Maintenant, qu’allez-vous faire ?
Les musulmans doivent se battre, faire vibrer les consciences. Je pense qu’il va se passer quelque chose. Du Maroc où je suis actuellement, les gens me disent, quand je leur parle d’Abou Chaima : « Qu’est-ce que vous faites, vous les Marocains de Belgique ? Vous ne faites rien » ! Les musulmans sont les premières victimes de ce genre de conneries. Que le verdict soit tombé le 7 juin, le jour où le leader de Sharia4Belgium était arrêté, c’était pour moi un miracle.

Entretien : Marie-Cécile Royen

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