Sur scène, des comédiens professionnels mais aussi des témoins directs qui ont connu l’enfermement de l’exil. © b.sparagowska

Voix des lieux cachés

Dans une veine de théâtre documentaire grave mais aussi joyeux, le Nimis Groupe creuse, avec Portraits sans paysage, ses recherches sur les politiques migratoires, s’attachant cette fois à l’enfermement des étrangers.

Sur scène, des comédiens professionnels mais aussi des témoins directs qui ont connu l’enfermement de l’exil.
Sur scène, des comédiens professionnels mais aussi des témoins directs qui ont connu l’enfermement de l’exil. © b.sparagowska

En 2016, le Nimis Groupe faisait grand bruit en abordant de front la «crise migratoire», ses rouages administratifs, ses aspects économiques, et en faisant monter sur scène les premiers concernés, qui y livraient leur témoignage: l’inventif, drôle (si, si) et saisissant Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu. Pour son deuxième spectacle, alors que la situation «a empiré», le collectif a repris sa méthodologie – quatre années d’enquête et d’interviews – et approfondi la thématique, en se concentrant cette fois non pas sur le passage des frontières mais sur l’enfermement des personnes étrangères. «Quand on dit qu’on les accueille, qu’on s’occupe d’eux, en fait on les prive de liberté, on leur enlève leur autonomie, on maintient une domination», soupire Anne-Sophie Sterck, porteuse de ce projet collectif.

Quand on dit qu’on les accueille, en fait on les prive de liberté, on maintient une domination.

Le Nimis Groupe a rencontré des juristes, des psychologues, des personnes qui travaillent avec des exilés enfermés et ces exilés eux-mêmes pour porter leur parole sur scène, dresser leurs Portraits sans paysage. «Sans paysage parce que ces lieux d’enfermement sont des lieux qu’on ne peut pas voir, cachés de la société, des lieux de la honte, que les gouvernements ne veulent pas montrer, poursuit Anne-Sophie Sterck. Ces personnes sont les seules à pouvoir témoigner de l’intérieur de ces lieux fermés. Parfois, elles n’ont même pas le droit de parler: pour travailler dans ces centres, il faut parfois signer des clauses de confidentialité.»

Mêlant à nouveau dans sa distribution comédiens professionnels et témoins directs, le Nimis Groupe change son fusil d’épaule créative en refusant ici de cantonner chacun dans son propre point de vue. «Dès le début, on a voulu tout écrire ensemble, et changer les rôles. Qu’une personne exilée puisse jouer le PDG d’une entreprise qui gère un camp, par exemple. Ça permet d’interroger la question de l’assignation, de ne pas mettre les gens uniquement dans les endroits où on les attend, mais de faire un récit commun.» Le collectif entend aussi garder sur ce sujet dramatique un ton relativement léger. «Parce que c’est par la joie qu’on se soulève. Parce qu’on a conscience qu’être solidaire, ce n’est pas se sacrifier pour la cause de l’autre, mais se faire du bien à tous, pour vivre ensemble dans une société plus juste.»

(1) Portraits sans paysage, au Théâtre national, à Bruxelles, du 19 au 28 mai.

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