Juliette Debruxelles

Candaulisme: le Netflix du sexe? (chronique)

Mater des séries télé ou son partenaire avoir des relations sexuelles avec un autre? Les adeptes du candaulisme auront vite choisi.

Certains adorent «binge watcher» les nouvelles séries toutes chaudes postées sur leur plateforme de streaming préférée. D’autres préfèrent regarder des inconnus appuyer sur les boutons de la télécommande orgasmique de leur partenaire. A chacun ses loisirs. Le candaulisme – à ne pas confondre avec le polyamour ou l’échangisme – questionne sur les limites de l’intimité. Une pratique qui ébranle (hihi) les fondements mêmes de la monogamie traditionnelle où le voyeurisme, le partage et la générosité prennent une tout autre signification.

Le candaulisme, c’est cette pratique sexuelle où un partenaire trouve son plaisir dans le fait de voir son conjoint avoir des relations sexuelles avec une autre personne. Une forme d’exploration de soi et de son désir, souvent liée à une quête de nouvelles expériences et de complicité dans le couple. Déjà évoqué dans les écrits du Marquis de Sade, cet acte de voyeurisme consenti trouve ses racines dans la transgression. Il émerge des ombres de la clandestinité pour se dévoiler au grand jour, trouvant sa place dans une ère numérique où l’exhibitionnisme, quel qu’il soit, est la norme à travers les réseaux sociaux.

Car bien entendu, au-delà du plaisir du partenaire voyeur inactif, l’exhibitionnisme du partenaire actif joue un rôle central. Selon une enquête récente menée par l’université de Californie, 7% des couples interrogés ont déjà expérimenté le candaulisme, et ce chiffre est en constante augmentation. Hommes, femmes, couples hétérosexuels ou LGBTQ+, le candaulisme transcende les frontières de l’âge, du genre et de l’orientation sexuelle.

Selon une étude réalisée en 2023 par la marque My Lubie, en partenariat avec le réseau social Wyyde, ce sont les personnes âgées de 36 à 50 ans qui manifesteraient un goût pour le candaulisme, avec 17% des personnes interrogées se déclarant ouvertes à ce qu’elles considèrent comme un jeu sexuel.

«Un jeu érotique qui permet de raviver la flamme et de réinventer l’intimité.»

Ce qui motive les candaulistes à se lancer dans un «plan candau» (c’est ainsi qu’il faut s’exprimer si l’on saute le pas): la stimulation de voir son partenaire dans un état de plaisir extrême. Une exploration des frontières de l’intimité et de la confiance. Une manière de transcender les limites de la jalousie et de renforcer la confiance au sein du couple. Parce qu’il en faut du self-control et de l’amour pour regarder son épouse – qui n’a pas décroché plus qu’un râle agacé dans le lit conjugal depuis 19 ans – se lancer dans une opérette jouissive au contact du membre dressé d’un partenaire de passage. Que d’altruisme. Selon Clara Dupont, psychologue spécialisée en sexualité, «le candaulisme peut être perçu comme une forme de jeu érotique qui permet de raviver la flamme de la passion et de réinventer l’intimité». Ceux qui pensaient amener leur moitié au resto chinois samedi soir pour rompre le train-train n’ont plus qu’à revoir leurs ambitions à la hausse.

Clubs échangistes, soirées privées, sites Internet spécialisés, les terrains de jeu sont nombreux. Au-delà de ses aspects purement sexuels, le candaulisme d’aujourd’hui soulève évidemment des questions plus profondes sur la société contemporaine. Une rébellion contre l’uniformisation de l’intimité et contre la disparition de l’altruisme? Faudrait pas exagérer… mais ce sont pourtant des arguments qui apparaissent sous la plume des plus philosophes au fil des forums spécialisés. «Dans une époque où l’on partage nos vies sur écran à coups de likes, où l’insécurité augmente en même temps que le repli sur soi, la peur et l’égoïsme, le candaulisme réaffirme des valeurs de partage, de générosité et redonne vie au véritable contact humain» ose un adepte. Envie, tout comme lui, de contribuer à la paix dans le monde?

Juliette Debruxelles est éditorialiste et raconteuse d’histoires du temps présent.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire