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Pourquoi les véhicules hybrides rechargeables se vendent-ils soudainement mieux que les voitures électriques en Europe?

Urbain Vandormael
Urbain Vandormael Spécialiste voitures  

Contre toute attente et toute prévision, les ventes de véhicules hybrides rechargeables repartent à la hausse en Europe, au détriment des voitures entièrement électriques. Et ce, malgré les pressions exercées par les pouvoirs publics sur les consommateurs.

Avis aux distraits: aucune nouvelle voiture à moteur thermique ne pourra être vendue en Europe à partir de 2035. D’ici là, la norme de CO2 pour l’ensemble de la flotte d’une marque ne doit pas dépasser un objectif prédéterminé (norme euro 6 ou euro 7). Si un constructeur ne la respecte pas, il doit payer une lourde amende et prendre le risque de ternir son image de marque pour cause de non-respect de l’environnement.

Théorie vs. pratique

Entre la théorie et la pratique, le fossé est souvent important. D’une part, l’Europe fixe des objectifs toujours plus stricts en matière de CO2, dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat 2050. L’objectif est de réduire les émissions nocives et de ralentir le changement climatique. Jusqu’à présent, tout va bien.

D’autre part, ces objectifs européens de plus en plus stricts signifient que les changements technologiques nécessaires font grimper le prix de revient des nouvelles voitures à essence et diesel. De nombreux constructeurs ont donc retiré de leurs gammes les modèles à essence et diesel dont les émissions de CO2 étaient défavorables et dont les marges bénéficiaires étaient faibles. L’achat d’une nouvelle voiture n’est donc plus une évidence pour les personnes à revenus standards.

Mais les autorités politiques semblent manquer cruellement à leurs propres objectifs et promesses en matière de mobilité électrique. La législation européenne obligeant les fournisseurs à afficher les prix de l’électricité en temps réel et à accepter le paiement par carte de crédit n’a toujours pas été votée. Autre point douloureux: le développement d’un réseau de stations de recharge est à la traîne par rapport à la croissance des ventes de voitures électriques.

Cependant, une station de recharge n’est pas encore une garantie de puissance. En effet, l’un des défis majeurs du passage des moteurs thermiques aux moteurs électriques concerne la disponibilité de l’énergie. Le gouvernement doit travailler d’urgence à l’adaptation du réseau électrique à la demande. Il s’agit notamment d’éviter les pics de consommation en aplatissant la courbe de la demande.

La Wallonie, par exemple, envisage de réviser les tarifs à partir de 2026. Un document du régulateur de l’énergie, la CWAPE, montre qu’il souhaite remplacer le tarif unique (prix constant, jour et nuit) et le tarif bihoraire (prix différent entre le jour et la nuit) par un tarif incitatif. Celui-ci utiliserait trois codes couleur : le vert s’appliquerait de 1 à 7 heures et de 11 à 17 heures, l’orange de 7 à 11 heures et de 22 heures à 1 heure et le rouge de 17 à 22 heures.

L’intention est de rendre le tarif orange trois fois plus cher que le tarif vert et le tarif rouge cinq fois plus cher. Ce nouveau système serait un obstacle pour ceux qui ne peuvent charger que pendant les « pires » heures.

Les différences tarifaires ne concernant que le coût du transport et de la distribution de l’électricité, le prix du kWh pour le client augmenterait finalement de 20 %.

Les chiffres ne mentent pas

Selon les derniers chiffres de l’ACEA (Fédération des constructeurs européens d’automobiles), les ventes de véhicules hybrides rechargeables ont augmenté de 12 % en février, tandis que les ventes de voitures électriques ont progressé de 10,3 %.

Cette reprise des ventes de voitures hybrides rechargeables est surprenante. Elles étaient et sont toujours considérées comme une solution transitoire, pour donner aux constructeurs allemands et japonais le temps de trouver une réponse à la déferlante électrique initiée par Tesla.

Les marques décrivent leurs hybrides rechargeables comme le meilleur des deux mondes, car ces modèles combinent la conduite électrique avec une grande autonomie et des temps de ravitaillement courts. De plus, ils donnent droit à des incitations fiscales. En effet, les derniers hybrides rechargeables ayant une autonomie de 100 kilomètres en mode purement électrique atteignent des valeurs d’émission WLTP (NDLR: norme de mesure de carburant) inférieures à 20 g/km.

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Mais les apparences peuvent être trompeuses. En réalité, l’empreinte écologique d’un véhicule hybride rechargeable n’est pas si avantageuse. En effet, il embarque deux moteurs et deux batteries, ce qui l’alourdit en moyenne de 300 à 350 kilos et le rend nettement plus cher qu’une voiture à essence « normale » ou qu’un véhicule hybride à recharge automatique.

Si les conducteurs ne branchent pas leur voiture après chaque trajet, il est même assez peu respectueux de l’environnement. Néanmoins, le système alimente principalement les grands et puissants SUV, tels que le Mercedes GLE et le Porsche Cayenne. L’Europe envisage de réviser les exigences d’homologation afin de prendre en compte les kilomètres électriques réellement parcourus. Aujourd’hui, le gouvernement subventionne des véhicules hybrides surdimensionnés qui ne sont respectueux de l’environnement que sur le papier.

Plus de questions que de réponses

L’industrie continue de penser que la propulsion électrique est l’avenir, malgré des critiques persistantes et en partie justifiées. La moitié des Belges sont pour, l’autre moitié contre. Un quart des partisans déclarent qu’ils ne passeront à l’électrique qu’après 2035. C’est-à-dire au moment où l’interdiction de vente des voitures à essence et diesel entrera en vigueur.

Les deux tiers des moins de 35 ans sont favorables au tout électrique, tandis que les plus de 55 ans sont moins de 40 %.

Les voitures électriques restent (beaucoup) trop chères pour les personnes à revenus normaux. Reste à espérer que de nouveaux modèles attrayants et abordables, à l’instar de la Renault 5 E-Tech, permettront de réaliser une véritable percée. De nombreuses personnes s’offusquent également de l’autonomie limitée, de l’infrastructure de recharge insuffisante et de l’attitude peu conviviale des fournisseurs. Ceux-ci refusent d’afficher les prix de l’électricité en vigueur sur les bornes de recharge. Ils tentent ainsi de dissimuler les différences de prix parfois très importantes entre les fournisseurs et entre la recharge à une station de recharge « normale » et la recharge rapide. Et pourquoi les clients ne peuvent-ils toujours pas payer par carte de crédit ?

La Renault 5 E-TECH © AFP via Getty Images

Les opposants ont raison de contester l’affirmation selon laquelle les voitures électriques sont écologiques par définition. L’absence d’émissions ne vaut que pendant la conduite, alors qu’en réalité, il faut considérer les émissions sur l’ensemble du cycle de vie d’une voiture, y compris les ressources et l’énergie nécessaires à sa production et à son recyclage. Le facteur décisif est l’origine de l’énergie nécessaire pour recharger les batteries.

Perte de valeur importante

D’autres éléments rendent le tout électrique moins attrayant. Par exemple, les coûts d’entretien et de réparation sont considérablement plus élevés que ce qu’indiquent les marques. Au fur et à mesure que les voitures électriques circulent, il devient évident qu’elles ont aussi des défauts, comme le fait que les batteries ne durent pas éternellement et que le remplacement des cellules cassées est une opération très coûteuse.

Tout cela ternit l’image des voitures électriques. En conséquence, elles se déprécient beaucoup plus rapidement que les voitures à essence et diesel. Selon le cabinet d’études américain ISeeCars, les voitures électriques d’occasion âgées de 1 à 5 ans perdent jusqu’à dix fois plus rapidement de la valeur que les voitures à essence comparables sur une période d’un an. ISeeCars fonde ses conclusions sur une enquête américaine portant sur 1,8 million de voitures d’occasion.

L’importante perte de valeur est liée à la dégradation des batteries et à l’incertitude quant à leur durée de vie et au niveau des coûts de réparation possibles. La technologie des batteries continue de se développer et évolue rapidement. D’ici deux ou trois ans, une nouvelle génération arrivera sur le marché, qui sera beaucoup plus performante, plus efficace et nettement moins chère, car elle sera produite à une échelle beaucoup plus grande en utilisant des matières premières moins onéreuses qu’actuellement.

Autant d’éléments qui expliquent le regain des ventes de voitures hybrides. Reste à savoir combien de temps il va durer.

Le groupe Stellantis vient d’annoncer que les Citroën Berlingo, Opel Combo et Peugeot Rifter sont à nouveau disponibles avec des moteurs à essence et diesel à partir de maintenant. Il y a un peu plus de deux ans, Stellantis avait retiré ces modèles de sa gamme pour les remplacer par des versions purement électriques.

Et que dire des résultats d’une récente enquête montrant que la moitié des personnes conduisant actuellement une voiture électrique souhaitent l’échanger contre une voiture hybride légère ou rechargeable, parce qu’elles sont trop chères et trop peu conviviales? 2035 est encore loin et la propulsion électrique semble être l’avenir, mais le restera-t-elle ?

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