Franklin Dehousse

Bilan positif pour le président des Etats-Unis, "sleepy" Joe Biden

Hommage européen à «sleepy» Joe Biden (chronique)

Franklin Dehousse Professeur à l'ULiège

Candidat face à «steroid Donald» Trump, « sleepy » Joe Biden avait parfois été accusé de mollesse. Les Européens saluent aujourd’hui le bilan positif du président des Etats-Unis.

En 2020, Joe Biden semblait un mauvais candidat président des Etats-Unis. Un vieux, mais aussi mâle, blanc et hétérosexuel. Un symbole de la vieille politique, un candidat non de communication mais de compromis. Ce mauvais orateur avait déjà échoué plusieurs fois auparavant. Ses adversaires l’appelaient souvent «Joe l’endormi» («sleepy Joe»).

Lors des primaires, il élimina tous ses compétiteurs. A l’élection finale, «sleepy Joe» affronta «steroid Donald», une version dégénérée de King Kong pour l’ère des médias sociaux. Comme la bête de Cooper et Schoedsack, Trump avait des rages phénoménales, peu de compréhension du monde, un vocabulaire plus que limité, et démolissait tout autour de lui. Il éprouvait aussi une fascination dévorante pour les pin-up (de porno, cette fois).

«Steroid Donald» exhiba toutes ses tares. «Sleepy Joe» mena une campagne hypersobre et prudente. Les Européens, eux, avaient enfin trouvé un consensus sur quelque chose: ils priaient tous les soirs pour l’élimination de Trump. A la fin, Biden remporta l’élection, avec une très petite majorité (considérant la dévastation politique, économique et sociale des Etats-Unis). Nombre d’ Américains maintenaient une estime très molle à «sleepy Joe», mais une volonté très ferme d’évacuer «steroid Donald».

La présidence de Biden, à nouveau, ne soulevait pas grand espoir. Le pays était extrêmement divisé, le Parti démocrate aussi, sa majorité au Sénat tenait à une seule voix, avec, en plus, une pression constante des lobbies. Et maintenant?

Le Congrès a approuvé un énorme programme de relance économique pour compenser les conséquences de la pandémie. Résultats: forte croissance, fort emploi et réduction des inégalités – grâce au Covid, les Etats-Unis découvrent l’efficacité des transferts sociaux. Le Congrès a également approuvé un énorme programme de remise en état des infrastructures, un très grand programme de lutte contre le réchauffement climatique, un grand programme de soutien à l’industrie des semi-conducteurs et un fort programme de santé. A cela, il faut encore ajouter un accord mondial essentiel sur l’harmonisation minimale de l’impôt des sociétés, un redressement important des retards dans les nominations judiciaires et une diplomatie phénoménale ayant redressé l’Otan et maintenu l’Ukraine, à destination de laquelle le Congrès a voté quarante milliards de dollars d’aide.

Eu égard aux contraintes, le bilan de Biden apparaît remarquablement positif.

Certes, il y eut des ratés. Une communication parfois confuse, le retrait chaotique d’ Afghanistan, l’inflation – mais qui provient en partie des ruptures d’approvisionnement et de la guerre en Ukraine. Toutefois, en comparant réussites et échecs, eu égard aux contraintes, le bilan apparaît remarquablement positif. Comme toujours, beaucoup d’ Américains ne voient que le prix de l’essence. Mais l’histoire sera beaucoup plus favorable qu’eux à Joe Biden.

Son appui est essentiel à l’Europe actuelle. En dépit de promesses torrentielles, celle-ci affronte une récession économique, un chaos énergétique et une impréparation militaire totale. S’il ne tenait qu’aux Européens, Poutine prendrait déjà sa petite vodka au centre de Kiev.

A ce spectacle navrant, on est tenté d’évoquer «sleepy Angela». Merkel possédait un très grand art de la communication… et du moindre effort. Un symbole, elle, de la «nouvelle» politique. L’ Allemagne et l’Europe vont maintenant savourer tout le charme de ce cocktail. Servi glacé cet hiver.

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