Juliette Debruxelles

Hommage à ceux qui donnent au terme de « foodporn » son véritable sens

Juliette Debruxelles rend hommage aux tiktokeurs et instagrameurs qui donnent au terme de « foodporn » son véritable sens.

La gastronomie locale est un plaisir estival. Ces grandes salades fraîches, ces tomates gorgées de saveur, ces recettes inspirantes et gratinées. Courgettes, concombres, aubergines baignant dans l’huile d’olive luisante. Glaçons à sucer, banana-split à avaler, cornets de glace à lécher avant que les boules ne fondent. Forcément, face à cette exposition impudique d’ingrédients oblongs, il vous est arrivé de vous amuser de la nature coquine de la cuisine.

De plus, durant l’été, vous mangez avec les doigts, c’est comme ça. Les aliments gouttent, coulent, éclaboussent et seule votre langue est en mesure de contenir les avances d’une cerise plongée dans un cocktail multicolore. Votre audace, dans la vraie vie, se limite peut-être à glousser face à l’étal de saucissons d’une boucherie corse. Celle de certains instagrameurs ou tiktokeurs va plus loin. Rendons ici hommage à ceux qui donnent enfin au terme de «foodporn» son véritable sens. Chez eux, on ne suçote pas de calissons, on détourne carrément la fonction première des aliments pour en faire le carburant de bas instincts.

Rendons ici hommage à ceux qui donnent enfin au terme de «foodporn» son véritable sens.

Vous faisiez le malin en chuchotant pour vous-même des allusions salaces devant une cagette d’abricots d’un marché de Provence? Manny__hp (279 000 followers sur Insta) fourre des citrons entiers dans le rectum d’une volaille qui n’a rien demandé et introduit les doigts dans des encornets sans plus de respect. Il agite frénétiquement une carotte sous le robinet dont on devine l’eau à bonne température. Tout en en tenant fermement l’extrémité inférieure de la main gauche, il enferme le légume dans la paume droite et lui assène de vigoureux mouvements de va-et-vient supposés le laver (de ses péchés?). Le regard plongé dans la caméra, il se mordille la lèvre. Glisse un doigt puis l’autre en plein cœur d’un agrume fendu. Ses phalanges pénètrent la pulpe juteuse qui éclabousse sous les légères pressions qu’il exerce.

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Il enchaîne avec le frottement d’un melon mûr et passe la naissance du pouce à plusieurs reprises dans la chair. Les pépins se détachent, le cœur apparaît: nu, offert, creusé juste assez pour figurer quelque chose de diaboliquement organique. Les grenades, elles, ne résistent pas sous la force d’une poigne déterminée à en tirer le meilleur. C’est l’orgie du plat à fruits, l’extase de la macédoine orgasmique. On est loin de la mythique Cuisine des mousquetaires, émission qui pourtant, dans les années 1980, suscitait déjà des ricanements lorsque Maïté s’adonnait à la soumission d’une anguille ou à l’épouvantable dégustation d’ortolans.

Anthony Randello-Jahn, alias thedonutdaddy, ose plus. Offrant des frissons de plaisir aux 264 000 personnes qui le suivent, il réalise des recettes appétissantes illustrées par des photographies de bon goût. Une vitrine pour tronquer les algorithmes pudibonds et un prétexte pour faire gicler de la crème pâtissière. Anthony lèche des cuillères de crème sans prendre un gramme (en témoigne sa plastique sèche de crossfitter), gobe tout ce qui lui passe sous la main pourvu que ça puisse faire naître chez celui qui regarde des envies de devenir son plan de travail. Anthony est beau, ténébreux et il adore infliger des fessées à des boules de pâte à pain avant d’y plonger le nez et de les embrasser à pleine bouche. Malaisant, mais… troublant.

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Qui aime regarder ça? Des centaines de milliers de gens qui aiment se répéter que… tout est bon dans le cochon.

Juliette Debruxelles est éditorialiste et raconteuse d’histoires du temps présent.

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