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Guerre Israël-Hamas: les 5 questions que posent les massacres du Hamas aux Israéliens

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Tournant majeur dans le conflit au Proche-Orient, l’attaque du Hamas ne sert pas la cause palestinienne. De la nature finale de la réplique israélienne dépendra l’évolution de toute la région.

Il y aura un avant et un après 7 octobre dans le conflit entre Israël et les Palestiniens. L’attaque du Hamas sur le territoire israélien contigu à la bande de Gaza qu’il dirige est un séisme pour l’Etat hébreu. Par son bilan en pertes humaines, plus de mille deux cents morts. Par les failles sécuritaires qu’elle a révélées. Par la fin de l’insouciance entretenue par une nation convaincue de pouvoir prospérer sans trouver de réponse aux souffrances des Palestiniens qu’elle consacre. Eléments de réponse aux nombreuses questions que pose cet événement.

1. En quoi l’attaque contre Israël est-elle inédite?

Des tirs de roquettes – même si le 7 octobre, la salve a été hors norme, mobilisant entre trois mille et cinq mille engins –, Israël en avait déjà connu. Des attentats terroristes, les Israéliens en avaient déjà subi à de nombreuses reprises, le plus souvent fomentés à partir de la Cisjordanie, à l’est de l’Etat hébreu. Une incursion de plus de 1 500 miliciens armés (l’armée israélienne a assuré avoir recensé un tel nombre de corps) voués à s’emparer de postes militaires et de police mais surtout à tuer et à kidnapper des Israéliens dans les villes, dans les kibboutz et sur le site du festival de musique Nova où des milliers de jeunes étaient rassemblés, c’est totalement inédit. L’opération, préparée de longue date, a mobilisé des moyens importants en matériel et en hommes par air, terre et mer.

Animaliser l’ennemi est une pratique pour encourager, le cas échéant, la commission de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide.

Le bilan a laissé une société sous le choc, meurtrie et en colère.

2. Pourquoi ce fiasco sécuritaire d’Israël ?

Le ressentiment de la population est nourri par la faillite des forces de sécurité. Les services de renseignement ont été incapables de repérer les signes, même faibles, de préparation longue de l’opération Déluge d’al-Aqsa. Le quotidien israélien Yediot Aharonot a affirmé que le chef des renseignements égyptien, Abbas Kamel, avait averti les services du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, de la possibilité d’une action d’envergure du Hamas. L’information n’a pas reçu de début de confirmation.

L’attaque du Hamas a mis en exergue la faiblesse du dispositif des forces armées autour de la bande de Gaza. Des données ponctuelles peuvent en partie l’expliquer: les permissions accordées aux militaires à l’occasion de la fête de Souccot, un élément qui rappelle l’impréparation de Tsahal lors de la guerre du Kippour de 1973 ; la mobilisation des trois quarts des forces de défense d’Israël à proximité des foyers de tensions en Cisjordanie ravivés en raison, notamment, des politiques des ministres d’extrême droite du gouvernement Netanyahou ; la confiance surestimée dans les moyens technologiques de protection de la barrière de sécurité entourant la bande de Gaza ; la conviction trompeuse que ce territoire dirigé par le Hamas était facilement gérable grâce à une politique de répression et de concessions. Ces derniers mois, quinze mille Palestiniens de Gaza avaient été autorisés à aller travailler en Israël pour desserrer l’étreinte de la pauvreté due à l’absence de revenus. Il est possible que certains de ses travailleurs, volontairement ou sous la contrainte, aient renseigné les responsables du Hamas de cibles à privilégier pour leur attaque.

3. Quelle forme de représailles?

Le Premier ministre israélien s’est engagé à éradiquer le Hamas de la bande de Gaza. Des bombardements ont visé des bâtiments d’où le groupe islamiste pouvait opérer. Ils ont fait au moins 1 200 morts. La configuration des lieux exclut de pouvoir éviter des victimes civiles. Un siège de l’enclave a été décrété, la privant d’eau, d’électricité et de gaz. La population de ses alentours a été évacuée après que l’armée israélienne se fut assurée que plus aucun milicien du Hamas ayant participé à l’attaque du 7 octobre n’y soit encore retranché. Trois cent mille soldats ont été déployés autour du territoire. Tout a été préparé pour permettre une offensive terrestre. Mais les risques d’une telle opération sont nombreux.

La bande de Gaza est pilonnée quotidiennement par l’armée israélienne pour détruire les infrastructures du Hamas.
La bande de Gaza est pilonnée quotidiennement par l’armée israélienne pour détruire les infrastructures du Hamas. © GETTY IMAGES

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains a prévenu que le siège complet d’un territoire était contraire au droit international, s’il n’est pas requis par des impératifs militaires. Israël ne se prive pas de fouler au pied le droit international, mais il est néanmoins redevable du soutien que les pays occidentaux lui ont apporté dans son combat contre le Hamas. Le ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, membre du Likoud, n’a pas hésité à affirmer: «Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence.» Animaliser l’ennemi est une pratique, documentée par les spécialistes, pour encourager, le cas échéant, la commission de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide. Le monde est habitué aux réactions disproportionnées de l’Etat hébreu en regard des violences qu’il a subies. Mais des lignes rouges ne peuvent pas être franchies impunément, même aux yeux de ses plus fidèles alliés.

On est dans une logique de non-conscience des enjeux, qui emportera, à terme, les politiques et l’état-major de l’armée.

En outre, dans un territoire de quelque 350 km2 peuplé de deux millions d’habitants, ce qui en fait la densité humaine la plus élevée au monde, le risque d’enlisement d’une opération terrestre est grand. A cela s’ajoute la difficulté posée par la présence d’otages.

4. Le dilemme des otages

Entre cent et 160 Israéliens, binationaux ou ressortissants étrangers, sont aux mains du Hamas. Parmi eux, deux sœurs de 5 et 3 ans, deux frères de 4 ans et 9 mois, et un garçon de 12 ans et demi. Sans doute sont-ils détenus entourés de plusieurs geôliers dans un des nombreux sous-sols aménagés que compte la bande de Gaza, certains à trente ou quarante mètres sous terre. Les libérer relève d’un travail de titan. Le Hamas a prévenu que leur élargissement ne pourrait être envisagé que si les bombardements israéliens cessent.

Des experts ont affirmé que le gouvernement israélien avait décidé de donner la priorité à l’éradication du Hamas aux dépens du sauvetage des otages. L’ampleur de l’humiliation subie le 7 octobre ne permettrait pas de déroger à cet impératif. Au risque de subir les foudres d’une partie de la population quand l’heure des comptes sera venue.

5. Un changement politique?

Après le temps de l’urgence nationale requise par la réponse à donner à l’attaque du Hamas, y compris dans la recomposition du gouvernement, viendra celui des questions sur les manquements observés dans la protection de la population dans un pays qui était réputé en faire une priorité absolue. «Il est évident que les politiques et l’état-major auront des comptes à rendre, souligne Stéphane Wahnich, chercheur à l’université de Tel-Aviv. On a commémoré les 50 ans de la guerre du Kippour. Et ils n’ont pas été capables de renforcer la garde pour montrer qu’on avait appris la leçon de cette expérience. On est vraiment dans une logique de non-conscience des enjeux qui, à mon avis, les emportera à terme.»

On ne mesure pas encore toutes les conséquences qu’aura l’opération du Hamas. Pour Didier Leroy, chercheur à l’Ecole royale militaire, il y a cependant une certitude: les responsables israéliens ont désormais les arguments pour justifier une politique intransigeante pendant des décennies…

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