Geert Wilders
Geert Wilders © Belga

Le « Nexit » de Geert Wilders: et si les Pays-Bas quittaient l’Union européenne?

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Dans son programme, le Partij Voor de Vrijheid (PVV) du leader populiste prévoit de demander aux citoyens néerlandais s’ils veulent quitter l’Union européenne. Réel objectif du parti d’extrême droite ou slogan électoral creux ? Le Nexit passerait au second plan, derrière le cheval de bataille de la lutte contre l’Islam et l’immigration.

Aux Pays-Bas, les élections législatives anticipées de ce mercredi ont livré leur verdict : le Parti pour la liberté (PVV-Partij Voor de Vrijheid) est le grand gagnant, empochant 25% des voix dans un raz-de-marée. Parti d’extrême droite (ou de droite radicale, selon les points de vue), il est mené par une figure bien connue chez nos voisins néerlandais : Geert Wilders, qui a fondé le PVV en 2006. Dans le programme de sa formation, des mesures islamophobes et anti-immigration, un large soutien aux énergies fossiles et le « Nexit », soit la sortie des Pays-Bas de l’Union européenne.

Dans la veine du Brexit, Geert Wilders souhaite demander à la population – via un référendum contraignant– son avis sur cette question. « Le PVV est l’un des rares partis de droite radicale en Europe à avoir gardé cette mesure dans son programme après le fiasco du Brexit, commente Nathalie Brack, politologue au Cevipol (ULB). Les autres ont soit adouci leurs propos, soit carrément abandonné cette mesure ».

Dans son programme, le PVV plaide pour « des Pays-Bas souverains, responsables de leur propre monnaie, de leurs propres frontières et qui établissent leurs propres règles ». Le parti d’extrême droite rejette toute forme « d’union politique » comme l’UE – « une institution qui s’approprie de plus en plus de pouvoir, accapare l’argent des contribuables et nous impose des diktats ».

« Le Nexit de Geert Wilders est peu probable »

Nathalie Brack, politologue au Cevipol (ULB)

Nathalie Brack estime qu’une sortie des Pays-Bas de l’Union européenne est peu probable. « Pour organiser un tel référendum, le PVV devrait obtenir l’accord des autres partis, qui sont peu enthousiastes à cette idée ». Chez nos voisins, seul le Forum pour la Démocratie (3 sièges aux dernières élections) est en faveur d’une sortie de l’UE. Les autres partis eurosceptiques préconisent plutôt la réforme et la suppression progressive de la coopération européenne.

« Sortir de l’Union européenne n’est pas la priorité du PVV »

Nathalie Brack, politologue au Cevipol (ULB)

Et les citoyens, qu’en pensent-ils ? Les derniers sondages sur cette question au sein de la population semblent favoriser un maintien au sein des Vingt-Sept. Un sondage de janvier 2020 démontrait que 33% des Néerlandais étaient en faveur du ‘Nexit’, tandis que 59% étaient contre. « Ces chiffres montrent que l’Union européenne n’est pas leur priorité », ajoute Nathalie Brack.

Le PVV de Geert Wilders l’aurait bien compris, selon la politologue. « Ce référendum pour une éventuelle sortie de l’UE ne fera pas partie des lignes rouges du parti pour la formation d’une coalition. À mon sens, le PVV se contentera de critiquer l’intégration européenne, et insistera plutôt sur la lutte contre l’immigration, qui est son fonds de commerce ».

Sur le plan économique, le ‘Nexit’ est une perte pour les Pays-Bas  

Mark Rutte, ancien Premier ministre néerlandais, était favorable à l’intégration européenne

Un éventuel ‘Nexit’ pourrait-il renforcer l’économie néerlandaise ? Un certain nombre de pays avaient suivi avec attention le Brexit, dont on connait désormais les conséquences économiques néfastes pour le Royaume-Uni. « Cet épisode a suscité beaucoup d’espoir, mais a renforcé l’inflation outre-Manche, et compliqué l’importation de produits avec le rétablissement des frontières », note Alexandre Girard, professeur d’économie à l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles.

« Les Pays-Bas devraient également abandonner l’euro comme monnaie »

Alexandre Girard, professeur d’économie à l’UCLouvain Saint-Louis Bruxelles.

Car il y a une différence fondamentale entre le Brexit et le Nexit : la devise du Royaume-Uni a toujours été la livre sterling, alors que les Pays-Bas utilisent l’euro. Alexandre Girard rappelle que l’UE est une union économique et monétaire, c’est-à-dire une institution dotée de règles communes et d’une monnaie unique. « Le Royaume-Uni n’était concerné ‘que’ par la partie réglementaire, là où les Pays-Bas devraient également quitter la Zone euro. Le fait qu’ils devraient changer de monnaie complique le scénario d’un éventuel Nexit ».

L’économiste est clair : quitter l’Union européenne aurait des conséquences néfastes pour l’économie des Néerlandais. « En abandonnant l’euro, ils seraient moins compétitifs. Ce qui est problématique, quand on sait à quel point leur économie repose sur le commerce international et l’exportation ». En effet, le port de Rotterdam, 1er port européen, est la principale porte d’entrée commerciale de l’Europe.

Les Pays-Bas, parmi les plus riches Etats-membres

La nécessité économique pour les Pays-Bas de quitter l’Union européenne est relative : si on prend le PIB par habitant comme indicateur, ils étaient le 4e pays le plus riche des Vingt-Sept en 2022. Juste devant… la Belgique. Mais un élément joue cependant en faveur de l’argumentaire du PVV : les Pays-Bas font partie des 5 Etats-membres (avec l’Allemagne, la Suède, le Danemark et l’Autriche) connus comme « les Etats frugaux »  qui reçoivent le moins d’argent du budget européen, par rapport à leur importante contribution.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire