La location en ébullition: pourquoi les loyers vont continuer à augmenter (analyse)
Le marché belge de la location subit une forte pression. En cause, la hausse des taux d’emprunt hypothécaire, qui réduit l’accessibilité immobilière et provoque un sacré embouteillage sur le marché locatif. En conséquence : les prix des loyers augmentent. Pour combien de temps encore ?
Le Belge a une brique dans le ventre. Pour l’instant, il l’a plutôt en travers de la gorge. Et risque de tousser aussi longtemps que les taux d’intérêt sur le marché hypothécaire restent élevés. Symptôme principal qui en découle : un étouffement sur le marché locatif, qui voit les candidats s’imbriquer les uns derrière les autres, et les prix des loyers fortement gonfler.
Un récent baromètre de Dewaele Real Estate Group estime que le loyer moyen d’une maison a atteint 980 euros l’année dernière, soit une augmentation de 10% par rapport à l’année précédente. Quant aux appartements avec deux chambres, ils coûtent en moyenne 820 euros, soit plus de 6,5% que douze mois auparavant. Dewaele parle même d’une « surchauffe » du marché locatif.
Pourquoi les prix des loyers augmentent-ils ?
Dès lors, comment expliquer ces hausses très nettes dans le marché locatif ? « Une des raisons principales réside dans la hausse des taux d’intérêts pour les crédits hypothécaires, depuis début 2022, qui force un grand nombre d’acheteurs potentiels à rester dans la location, analyse Wouter Thierie, économiste (ING) et spécialiste du marché immobilier belge. La concurrence s’intensifie, poursuit-il, et provoque une augmentation plus rapide des loyers. »
Mais cette évolution s’explique aussi par d’autres éléments. Le score énergétique des logements (PEB), qui doit répondre à des règles de plus en plus strictes, joue un rôle non-négligeable. « Les propriétaires qui ont investi pour améliorer la performance énergétique de leur bâtiment demandent un loyer plus élevé pour rembourser les coûts de rénovation », commente Wouter Thierie.
L’indexation des salaires et la tendance vers des maturités plus longues -la durée moyenne d’emprunt est passée de 20 à 25 ans- sont deux éléments qui supportent le marché, mais qui sont insuffisants pour contrer l’augmentation des taux.
Wouter Thierie (économiste, ING)
En substance, donc, « le manque d’épargne, la hausse des taux d’intérêt, les règles plus strictes en matière énergétiques et les prix des biens en augmentation » sont les quatre obstacles majeurs, qui, selon l’économiste, entravent le chemin vers la propriété. « Cette combinaison d’éléments ajoute plus de pression sur l’accessibilité immobilière », observe-t-il. L’indexation automatique des salaires, censée apporter un petit contre-poids dans la balance, provoque aussi son effet pervers et donne indirectement une marge de manœuvre plus importante aux propriétaires pour augmenter leurs loyers.
« La cause principale de la hausse des prix est l’étroitesse croissante du marché de la location », explique Filip Dewaele, président du groupe immobilier du même nom. « Et tout indique que cette situation ne fera que s’aggraver. »
La demande toujours plus importante
Si les causes sont claires, les conséquences sur le long terme demeurent incertaines. La forte augmentation des loyers constatée en 2023 devrait vraisemblablement ralentir en 2024, selon l’économiste d’ING. « Les prix vont continuer à augmenter, mais pas au même rythme que l’année passée », assure-t-il.
La demande, elle, est toujours aussi importante. Vingt-sept candidats en moyenne se présentent aujourd’hui par logement en location, soit le double du nombre estimé deux ans auparavant. Une vraie bousculade devant chaque bien à louer. « Pour un bien locatif sur dix, on compte même 60 candidats locataires ou plus », indique le baromètre Dewaele.
A cet égard, 64% des locataires belges affirment que le manque d’épargne est la raison principale qui les dirige vers la location, devant le fait que cette dernière permet plus de flexibilité et réduit les responsabilités. « La location est donc un choix par défaut », déduit Wouter Thierie.
La diminution de l’offre renforce l’effet d’étranglement sur les loyers
Parallèlement, la diminution de l’offre locative renforce l’effet d’étranglement sur le marché. « Peu de logements deviennent vacants car les locataires restent plus longtemps. Deuxièmement, le nombre d’immeubles locatifs qui disparaissent du marché est supérieur au nombre de nouveaux immeubles. L’obligation de rénovation et l’introduction de certificats de conformité incitent de plus en plus de propriétaires à vendre leurs biens locatifs, parfois obsolètes », liste le baromètre Dewaele.
L’offre sur le marché locatif devient aussi plus qualitative. A peine un quart des appartements de deux chambres à coucher proposés à la location ont encore un PEB C ou inférieur. Flip Dewaele note que ce sont souvent les biens situés « au bas de l’échelle du marché locatif » qui disparaissent. « Le gouvernement ne doit pas seulement veiller à ce que l’offre soit durable, il doit aussi veiller à ce que l’offre soit suffisante », ajoute-t-il.
Le Belge perturbé dans sa quête à la propriété
Malgré l’instabilité, le souhait des Belges est toujours de devenir propriétaire, aussitôt que possible. Mais contrairement aux Pays-Bas et à l’Allemagne, qui ont connu une forte baisse des prix immobiliers l’année dernière, la Belgique n’a pas suivi la même tendance, et a vu ses prix en augmentation constante. « L’indexation des salaires et la tendance vers des maturités plus longues -la durée moyenne d’emprunt est passée de 20 à 25 ans– sont deux éléments qui supportent le marché, mais qui sont insuffisants pour contrer l’augmentation des taux », relève Wouter Thierie.
On pourrait donc voir, sur le court terme, une baisse du taux de propriété en Belgique. « Mais sur le long terme, l’impact sera modéré, car la volonté des jeunes est toujours de devenir propriétaire. » Ces derniers voient en effet la propriété comme un bon investissement pour ne plus devoir payer de loyers en vue de la retraite. « L’achat demeure attractif aussi parce que les prix du marché belge sont historiquement plus bas en comparaison avec d’autres pays », conclut Wouter Thierie.
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