Georges-Louis Bouchez débat extrême droite Vlaams Belang PTB
Pour Georges-Louis Bouchez, extrême droite et extrême gauche sont à ranger dans une même catégorie.

Vlaams Belang en Flandre, PTB en Wallonie: « Ce sont plus ou moins les mêmes électeurs »

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Georges-Louis Bouchez (MR) et Melissa Depraetere (Vooruit) regrettent tous deux la montée des extrêmes politiques. Mais ils se rejettent aussi mutuellement la responsabilité du phénomène.

Cela reste un des grands points d’interrogation, dans la perspective des élections de juin 2024 : quel résultat pour le Vlaams Belang, les sondages successifs plaçant le parti d’extrême droite en tête au nord du pays ? Et comment expliquer cette montée de l’extrême droite qui, dans les intentions de vote, touche davantage la Flandre que Bruxelles et la Wallonie ? C’était une des thématiques abordées lors du débat du Vif et de Knack, ce 14 décembre à Bozar, entre Georges-Louis-Bouchez (MR) et Melissa Depraetere (Vooruit).

Pour la présidente de Vooruit, Melissa Depraetere, il appartient avant tout à la classe politique de se saisir davantage de thématiques telles que la migration et le pouvoir d’achat, notamment pour ne pas laisser à l’extrême droite le loisir de s’en emparer.

Or, selon la socialiste, ce qu’ils racontent ne correspond pas à ce qu’ils votent dans les parlements. Elle reproche en effet au Vlaams Belang de « leurrer les électeurs ». « Quand nous voulons renforcer le pouvoir d’achat, augmenter le salaire minimum ou le revenu d’intégration, ils votent contre », fait-elle remarquer. Par contre, « ils votent toujours pour lorsqu’il s’agit de défendre l’intérêt des grandes fortunes. Mais ce qu’ils montrent sur les réseaux sociaux, c’est autre chose. » Une réalité valable en Belgique comme ailleurs en Europe, où l’extrême droite est au pouvoir, selon Melissa Depraetere : une fois ces partis aux affaires, les droits et la situation des personnes les moins favorisées reculent.

Ce qu’ils racontent ne correspond pas à ce qu’ils votent dans les parlements.

Melissa Depraetere

La partie francophone de la Belgique semble épargnée par l’extrême droite, « mais on a le PTB et je suis toujours agacé quand on fait une différence. Ce sont plus ou moins les mêmes électeurs que ceux qui votent pour l’extrême droite. Et le phénomène est le même en France, en Italie, en Angleterre… », estime pour sa part Georges-Louis Bouchez, qui place Vlaams Belang et PTB à un même niveau de nocivité.

Il l’a déjà fait savoir, il est favorable à l’instauration d’un cordon sanitaire autour du PTB, mais n’est pas rejoint par les autres partis sur ce point. Or, prévient-il, socialistes et écologistes négocieront avec le PTB au lendemain des scrutins de 2024. Sans trouver un accord au niveau des gouvernements mais, prédit Georges-Louis Bouchez, « je vous le dis, le PTB montera dans des collèges communaux. Surtout en province de Liège et peut-être un peu dans le Hainaut ». L’avenir le dira.

Selon le président du MR, trois raisons principales expliquent la montée des extrêmes. « Aujourd’hui, les gens de la classe moyenne considèrent que leurs enfants vont vivre moins bien qu’eux », ce qui ne fut pas le cas lors des dernières décennies. « Lorsque vous perdez cette espérance, vous faites des choix plus radicaux, de rejet, de colère. »

La deuxième explication, pour Georges-Louis Bouchez, relève de la « crédibilité de la classe politique », alors qu’il regrette l’existence du cordon sanitaire médiatique côté francophone, qui « m’empêche de débattre avec Tom Van Griecken », le président du Vlaams Belang. Un non-sens, selon lui, pour un parti qui séduit un quart des électeurs flamands.

Enfin, troisième raison : « les leçons de morale ». Pour le Montois, « on est des dans une société où il y a des choses qu’on ne peut pas dire. Un ancien président du MR, Daniel Ducarme, avait tenu le même discours il y a quinze ans et avait été critiqué par tout le monde, puis dû s’excuser… »

S’il y a bien un point sur lequel Melissa Depraetere et Georges-Louis Bouchez sont d’accord, c’est sur le fait que l’action politique des partis au pouvoir, comme le combat sur le plan des idées, sont cruciaux pour lutter contre les extrêmes comme le Vlaams Belang. Toutefois, chacun rejette sur l’autre la responsabilité de l’échec de certains dossiers importants.

« Avez-vous déjà réfléchi au fait que les gens votent pour les extrêmes parce qu’ils ont le sentiment de reculer, ou de faire du surplace, ou de travailler trop dur sans être récompensés ? », a lancé la socialiste au libéral. « Si à chaque fois, vous bloquez les décisions du gouvernement, quand vous avez l’opportunité de réduire les impôts à hauteur de 800 euros, mais préférez favoriser les entreprises, les footballeurs professionnels et les grosses multinationales, c’est votre choix. Vous dites des choses, mais faites l’inverse. » Il s’agit ici d’une allusion au projet avorté de réforme fiscale, pour lequel le MR a été tenu responsable de l’échec des négociations internes à la Vivaldi, l’été dernier.

Quand on est dans une formation qui continue à défendre les propos de Conner Rousseau, on n’a pas de leçons à donner.

Georges-Louis Bouchez

De manière quasi symétrique, Georges-Louis Bouchez adresse les mêmes reproches à Vooruit. « Nous avons voulu des règles plus strictes pour que les gens qui ne travaillent pas le fassent davantage : vous avez refusé. Nous avons fait pareil avec les faux malades : vous avez refusé. C’est encore le cas avec l’exécution des ordres de quitter le territoire. Vous refusez les réformes, mais venez me reprocher à moi de refuser une mauvaise réforme fiscale », a à son tour lancé le président libéral.

Pour revoir le débat entre Georges-Louis Bouchez et Melissa Depraetere, cliquez ici

Il y eut enfin cette perche qu’il eut été difficile de ne pas saisir, pour Georges-Louis Bouchez, face à la nouvelle présidente de Vooruit. « Quand on est dans une formation qui continue à défendre les propos de Conner Rousseau, on n’a pas de leçons à donner. C’est cela, faire le jeu de l’extrême droite. »

Conner Rousseau, qui était initialement celui avec qui Georges-Louis Bouchez devait débattre ce jeudi, a pour rappel démissionné de la présidence de Vooruit après avoir tenu des propos racistes visant la communauté rom. Propos qui n’ont été que timidement condamnés au sein de son parti. Cette flèche décochée par Georges-Louis Bouchez aura en tout cas provoqué quelques huées, parmi les défenseurs de Melissa Depraetere présents dans la salle, et constitué un des moments de crispation du débat.

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