Bart De Wever

Pourquoi Bart De Wever veut toujours détruire la Belgique en… sauvant la Belgique

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Il domine la vie politique depuis vingt ans. Dans six mois, le président de la N-VA pourrait décider de l’avenir de la Belgique. Mais que pense vraiment Bart De Wever? Retour sur une vie politique de victime à travers une demi-douzaine de préceptes.

Bart De Wever veut toujours détruire la Belgique en sauvant la Belgique (5/6)

Interrogé sur le canular de la RTBF qui fit croire, dans Bye Bye Belgium, que la Flandre déclarait son indépendance, Bart De Wever trouvait le scénario «trop beau pour être vrai». Il avait accepté d’y participer car «le Flamand nationaliste qu’il est ne lâchera jamais Bruxelles». Et surtout car, lisait-on dans Le Vif du 15 décembre 2006, «la Belgique se dissoudra dans les vingt ans à venir comme un cachet d’aspirine effervescent dans un verre d’eau», pronostiquait-il.

L’époque était celle de la petite N-VA du cartel avec le CD&V et des grosses sorties provocatrices en camions de faux billets d’argent flamand vers l’ascenseur à bateaux de Strépy-Thieu: toute la N-VA n’était qu’une revendication, l’indépendance de la Flandre. Tout l’est toujours.

Mais parce que sa personnalité est charismatique, et parce que son esprit est fin, Bart De Wever parvint à donner une corpulence à ses atouts. La victime flamande de la Belgique francophone est aussi sous la coupe d’un bourreau éco- nomique. Il est socialiste. Il veut s’en prendre à la Vlaamse welvaart (la prospérité flamande).. Elle sera aussi, bientôt, plus tard, aux prises avec un oppresseur culturel. Iel sera woke. Iel veut en découdre avec la Vlaamse identiteit.

Le récit victimaire du nationaliste flamand le plus populaire de Belgique vise ainsi à faire se superposer les clivages communautaire et socioéconomique, puis le communautaire et le culturel/identitaire, plutôt que de devoir subir leur entre- croisement. La Volksunie l’avait déjà vainement tenté, avec son slogan «geen Belgische armoede maar Vlaamse welvaart» (pas de pauvreté belge mais une prospérité flamande) des élections de 1981. Bart De Wever y réussira en évoquant toujours moins cette quête de l’indépendance qui anime le sien depuis au moins trois générations.

C’est l’enseignement que tira Bart De Wever des travaux, qui font référence, de l’historien tchèque Miroslav Hroch, spécialiste des nationalismes qui réussissent. «Pour être couronné de succès, écrit Hroch, le nationalisme ne doit pas voir la nation comme un but. La nation doit être le moyen servant à aborder des thèmes qui toucheront de larges groupes: moins d’impôts, une migration plus contrôlée, etc. Si, en tant que politicien, vous parvenez à bien faire passer ce message en l’étayant, c’est bingo! C’est ce que j’ai toujours visé avec la N-VA: la Flandre en tant que moyen et non en tant que but.»

Les enquêtes postélectorales le prouvent. Les succès de 2010 et 2014 se sont bâtis sur des électeurs attirés par ces enjeux. Et le sauvetage de 2019 s’est caractérisé par l’arrivée d’électeurs de l’Open VLD et du CD&V, qui ont compensé à moitié la déperdition électorale de citoyens focalisés sur la migration vers le Vlaams Belang.

Rien à voir avec l’indépendance, quand bien même cadres et électeurs les plus fidèles de la N-VA y seraient, eux, toujours fort attachés. La Flandre comme moyen et non comme fin, c’est la martingale paradoxale de Bart De Wever. Parce que les Flamands veulent moins d’impôts, moins de migrants et moins de wokisme, il est parvenu à les faire voter pour un parti qui veut la fin de la Belgique alors qu’ils ne veulent pas la fin de la Belgique.

L’invention du confédéralisme, début 2014, a parachevé le travail de superposition des clivages. Car grâce au confédéralisme, le «werkende Vlaming» paiera moins d’impôts, il sera confronté à moins d’immigrés, et il ne verra plus l’ombre d’un.e wokiste.

Et puis, surtout, grâce au confédéralisme, la Belgique survivra. C’est, répète Bart De Wever, la dernière chance de sauver ce pays que pourtant il ne veut pas sauver. Voter pour la N-VA et son programme confédéraliste, alors, serait la meilleure manière d’empêcher la N-VA de réaliser son projet indépendantiste. Il y a de quoi prescrire des paquets d’aspirine effervescente.

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