Députés, ministres : jusqu’à 9 semaines de vacances à ne rien faire ?

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Si les vacances politiques ne se résument pas à du simple farniente, leurs durées officielles -jusqu’à 9 semaines en fonction des parlements- ont de quoi interpeller. « Cela ne contribue pas à restaurer la confiance du citoyen », estime le politologue Carl Devos (UGent), qui évoque plusieurs bonnes raisons d’entrevoir une plus grande flexibilité, ainsi qu’une réduction du temps d’absence des élus.

Trop en vacances, nos politiques ? Officiellement, les parlementaires du pays profitent d’un repos oscillant entre sept et neuf semaines l’été. La durée varie en fonction des hémicycles :

  • Parlement de la FWB : 7 semaines (20 juillet – 6 septembre)
  • Parlement wallon : 7 semaines et 4 jours (14 juillet – 5 septembre)
  • Parlement bruxellois : 8 semaines et 2 jours (21 juillet – 17 septembre)
  • Parlement fédéral : 8 semaines et 5 jours (21 juillet – 20 septembre)
  • Parlement flamand : 9 semaines et 2 jours (21 juillet – 24 septembre)

Ce long break d’été sonne-t-il l’arrêt total des activités parlementaires ? Théoriquement, oui. Aucune réunion n’est prévue et les députés n’ont plus d’obligation formelle. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont en vacances pendant toute cette période. Au contraire.

Vacances politiques : loin du simple farniente

« Bien sûr, ils prennent des vacances personnelles, mais la plupart des députés ont des engagements au sein de leur parti – par exemple via des journées de groupe – et tous sont occupés à préparer la nouvelle année politique pendant cette période, cadre le politologue Carl Devos (UGent). Par exemple, des travaux d’étude sont réalisés en vue d’une proposition de loi ou de décret, des politiciens se spécialisent dans de nouveaux dossiers et font donc beaucoup de recherches, d’autres suivent des formations aux médias, etc. »

Pour de nombreux députés, cette période de vacances est également l’occasion idéale pour nouer des contacts en dehors de la politique : visites d’entreprises, entretiens avec des universitaires ou toutes sortes d’organisations, visites « d’inspiration » dans des partis ou des parlements étrangers, entre autres. « Tout comme les enseignants n’ont pas deux vrais mois de vacances, les hommes politiques n’ont pas une coupure aussi longue que la durée officielle », nuance Carl Devos.

Vacances politiques: une pause dans l’exercice des pleins pouvoirs

Côté exécutif, la question est toutefois de savoir comment – et par qui – est dirigé le pays pendant cette période de break. Le gouvernement, dont la pause correspond globalement à celle des parlements, ne part pas totalement en vacances. « Il y a toujours un capitaine sur le bateau. En général, un vice-premier ministre reprend plusieurs compétences », précise Carl Devos.

Par ailleurs, il est convenu que tous les ministres ne quittent pas le pays pour une trop longue durée, et qu’ils restent joignables en permanence. Le système s’apparente un peu aux affaires courantes, à la différence que le gouvernement conserve ses pleins pouvoirs. « Disons qu’il s’agit d’une pause dans l’exercice des pleins pouvoirs, plutôt que d’affaires courantes à proprement parler, où les élus sont alors actifs avec moins de pouvoir. Le gouvernement peut réagir très rapidement en cas d’urgences nationales ou étrangères », relève le politologue.

Il y a toujours un capitaine sur le bateau. En général, un vice-premier ministre reprend plusieurs compétences.

Carl Devos

Les parlements peuvent également être convoqués rapidement en cas d’urgence. « Le président peut décider avec le Bureau d’interrompre les vacances plus tôt pour organiser une commission parlementaire, par exemple ».

Historiquement, les vacances politiques ont été déterminée selon une évolution progressive, au fil des années et des partis. « La coutume veut que le gouvernement fédéral travaille jusqu’au 21 juillet. Les politiques l’ont décidé ensemble. Bien qu’ils se posent également la question de savoir si les vacances parlementaires ne devraient pas être un peu plus courtes », décrypte le professeur de l’UGent.

Décalage avec le citoyen

Car s’absenter pendant 9 semaines ressemble, si pas à un privilège, au moins à un décalage avec le salarié belge moyen, qui a plutôt tendance à prendre entre 2 à 3 semaines de break estival.  « Si les vacances ne signifient pas que les politiques s’allongent sur une plage pendant tout ce temps, il semble parfois préférable que le parlement soit actif plus tôt et qu’il puisse interroger le gouvernement en séance plénière. Les gouvernements atteignent souvent leur vitesse de croisière plus tôt », souligne Carl Devos.

Il serait préférable de raccourcir ces longues vacances, car elles interrompent trop longtemps le contrôle parlementaire. Ce n’est pas bon pour l’équilibre des pouvoirs.

Carl Devos

Pour le politologue, « ces longues vacances parlementaires ne contribuent pas à restaurer la confiance du citoyen dans la politique. Bien que de nombreux députés soient actifs durant cette période – être député, ce n’est pas seulement venir aux réunions parlementaires -, il y a en effet cette impression que leurs longues vacances sont un privilège. »

vacances politiques
Le politologue Carl Devos estime qu’il faut adapter les vacances au processus législatif mais aussi les raccourcir pour renforcer la fonction de contrôle parlementaire.

Une trop longue interruption du contrôle parlementaire

Ainsi, Carl Devos estime « qu’il serait préférable de raccourcir ces longues vacances, car elles interrompent trop longtemps le contrôle parlementaire. Ce n’est pas bon pour l’équilibre des pouvoirs. »

Pour l’expert, il s’agirait à tout le moins d’être flexible sur le début et la fin des vacances. « Si les dossiers le nécessitent (on pense ici à la réforme fiscale inachevée, NDRL.), on devrait pouvoir commencer les vacances plus tard ou les terminer plus tôt. C’est possible aujourd’hui en théorie, mais peu en pratique. Il faut adapter le temps de vacances au processus législatif mais aussi le raccourcir pour renforcer la fonction de contrôle. »

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