Raoul Hedebouw retrouvera les fidèles du PTB à l’hippodrome d’Ostende. © belga image

1,4 million pour un festival, 50.000 euros pour une université d’été: comment les partis préparent leur rentrée politique

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le MR aux Lacs de l’Eau d’Heure pendant trois jours, le PTB à Ostende pour Manifiesta, le PS à Mons pour des « universités d’été » et Ecolo à Massembre pour « Vert Mob »: voici comment les partis politiques programment la dernière rentrée avant les élections de 2024.

C’est la dernière avant les élections, celle qui lance la campagne, il s’agit de ne pas rater l’épreuve. Entre universités d’été, congrès classiques et grande festival populaire, les partis politiques règlent les derniers détails de leurs activités de fin août à début septembre, qui marqueront le départ de la double session électorale de juin (pour les législatives, les régionales et les européennes) et d’octobre (pour les communales et les provinciales) 2024.

Ces activités, qui tiennent tant de l’exercice de team building à l’intérieur que de l’entreprise de propagande à l’extérieur, présentent des ampleurs et des objectifs différents selon les partis. Mais ils leur donnent tous la même importance: aussi cruciale que l’examen d’entrée d’un étudiant stressé.

A Manifiesta, il paraît qu’il ne faut pas rater la «soirée camping» du Hainaut.

Le plus énorme

Après le congrès de 2008, qui devait ouvrir sur le monde l’alors petit parti marxiste-léniniste, le PTB lança l’idée d’un festival national à la mer du Nord, où tous les Belges sont déjà allés, pour marquer la fin des vacances. Manifiesta est née en 2010. Ses premières éditions, plombées par le mauvais temps et l’encore confidentialité du parti, l’avaient fait rebaptiser «Manifiasco» par quelques méchants adversaires. Aujourd’hui, elle est pourtant le plus grand événement politique de Belgique. Si bien que depuis deux éditions, c’est à l’hippodrome d’Ostende que se tient le dernier festival de l’été, le premier meeting de la campagne. Jusqu’au discours de conclusion, martelé le dimanche 10 septembre sur la scène principale par Raoul Hedebouw, ce sont plus de quinze mille personnes qui devraient passer leur week-end à écouter des vedettes (Axelle Red en concert, Alex Vizorek en spectacle ou Johan Museeuw en conférence), à suivre des débats sur la réduction de la pauvreté en Chine, le syndicalisme chez Amazon ou la physique quantique, à danser sous les tentes des fédérations provinciales – il paraît qu’il ne faut pas rater la «soirée camping» du Hainaut – ou à s’initier à la bachata (danse sociale de la République dominicaine) ou au bench press (le nom cool de l’antique développé couché).

Manifiesta est le grand moment annuel du PTB, sa meilleure publicité, mais aussi une de ses plus efficaces écoles militantes: le parti annonce mobiliser deux mille bénévoles et une petite équipe employée à temps plein autour de l’événement, pour lequel l’asbl Manifiesta, émanation de deux associations satellites du parti (Solidaire et Médecine pour le Peuple), avait inscrit 1,4 million d’euros à son budget l’an passé.

Le plus académique

Le petit parti fédéraliste n’a pas les moyens de ses homologues, et il doit se les conserver pour la campagne. Aussi DéFI se garde-t-il, cette année, de trop investir dans de coûteux événements. C’est à une rentrée très classique, sans tambour ni trompette, sans vacarme ni folklore, que sont conviés les militants. Ils participeront, le 10 septembre, à l’annuelle université d’été-rentrée politique, à Louvain-la-Neuve, conclue par le premier discours de campagne du président amarante, François De Smet.

Le plus camarade

Depuis quelques années, Paul Magnette court les plateaux français et multiplie les échanges studieux avec les socialistes hexagonaux. Il a été, en janvier dernier, la vedette du congrès socialiste de Marseille, et, ce 2 septembre, au Théâtre royal de Mons, c’est avec son homologue bleu-blanc-rouge Olivier Faure qu’il débattra en conclusion des universités d’été du PS francophone. Comme l’an dernier, le chef-lieu du Hainaut a été choisi pour les abriter pour une journée et demi. L’après-midi du vendredi 1er septembre, les parlementaires socialistes seront en séminaire, avec les ministres, et leurs chefs de cabinet, pour une « présentation des grandes lignes et des enjeux en vue des élections ». Le soir, mandataires et collaborateurs sont conviés au Manège, pour l’annuelle « soirée des équipes PS » qui promet quelques langues pâteuses et pas mal de migraines quelques heures plus tard.

Car le matin du samedi 2, quatre ateliers (emploi, protection sociale, climat et alimentation), dans lesquels interviendront des orateurs extérieurs au parti (Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des services sociaux, ou la politiste française Fatima Ouassak, par exemple). Paul Magnette et Olivier Faure en débattront ensuite, et Paul Magnette bouclera la séance pour lancer la campagne socialiste et inviter tout le monde à un drink de clôture. Il en coûtera 50 000 euros au PS, pour la location des salles, le défraiement des intervenants et le catering. «Moins cher qu’avant, parce qu’on a internalisé une série de services, comme la sonorisation et tout ça», justifie-t-on au boulevard de l’Empereur. Aucune de ces discussions, des ateliers ou du drink de fin, de l’allocution présidentielle ou du mot d’accueil, n’aura d’influence officielle sur le programme PS, adopté par d’autres chemins procéduraux qui s’ouvriront en octobre.

Paul Magnette retrouvera son homologue français Olivier Faure aux universités d’été du PS à Mons.
Paul Magnette retrouvera son homologue français Olivier Faure aux universités d’été du PS à Mons. © belga image

Le plus concentré

Jadis plutôt friand d’«estivales», le MR de Georges-Louis Bouchez, qui n’aime rien tant que gâter ses cadres et ses militants, concentre cette année plusieurs activités partisanes sous l’appellation d’universités d’été: un barbecue géant, des journées parlementaires, un team building, des débats thématiques et un congrès notamment programmatique.

Toutes se tiendront aux Lacs de l’Eau d’Heure, perle du tourisme wallon, infrastructures gérées par la Région – qui envoie huit membres au CA des Lacs – et écrin de l’hôtel Golden Lakes, où les participants seront hébergés aux frais du parti. Les jeudi 7 et vendredi 8 septembre, les parlementaires et leurs collaborateurs réformateurs tiendront deux journées de discussions autour, notamment, de la campagne à venir, avec gîte et couvert (on conseille les croquettes d’écrevisses le jeudi soir, le dos de saumon le vendredi soir), team building autour du lac et, bien sûr, open bar le soir: c’est comme ça que les teams se construisent.

Le samedi 9, les rescapés de ces deux jours à forte densité partisane accueilleront les membres et non-membres, on attend 1000 à 1500 personnes, sur le site pour six ateliers de réflexion où interviendront des experts extérieurs (réformes institutionnelles, migrations, soins de santé, enseignement, sécurité et climat), un barbecue (végétarien ou avec deux pièces de viande au choix, 22,50 euros), suivis du tirage au sort composant l’assemblée consultative des membres, et le congrès de rentrée du MR, dont le philosophe français Luc Ferry sera l’invité d’honneur. Et puis, il y aura encore un drink de clôture – c’est comme ça que les teams se construisent.

Si bien que, le samedi soir aussi, des formules d’hébergement sont possibles. Mais cette fois, le parti ne les paiera pas: si c’est la rentrée, c’est que les vacances sont finies. Des discussions en atelier émaneront d’ailleurs des proposition concrètes qui devraient être adoptées en octobre, au congrès doctrinal « Belgium 2030« . Ces énergies concentrées et ces activités rassemblées se chiffrent, pour la trésorerie du MR, en dizaines de milliers d’euros.

Après l’apéro des coprésidents d’Ecolo, quelques mandataires présenteront un spectacle comique autour de la vie de parti.

Le plus en retard

L’agenda des Engagés affiche, fin août-début septembre, de nombreuses activités alléchantes, comme un barbecue-garden party à Liège avec le vice-président Yvan Verougstraete ou un apéro turquoise à Mouscron. Les «délégués des bassins de vie» du jeune parti se rencontreront, eux, le 13 septembre à Louvain-la-Neuve, pour baliser l’année à venir. Mais le grand événement de la rentrée se tiendra plus tard, le 7 octobre. Comme d’autres partis avant lui (le MR avait tenu ses estivales 2022 à Durbuy Adventure, par exemple), l’ex-CDH offre à ses sympathisants et à ceux qui le veulent une journée dans un parc d’attractions, couronnée, bien sûr, d’une intervention présidentielle censée lancer l’année électorale. Cette journée dite de «convivialidées» se tiendra à Pairi Daiza, parc dont le patron, Eric Domb, a participé à des événements marquant la transformation du CDH en Les Engagés.

Le plus folklorique

Les Rencontres écologiques d’été sont un rite de baptême dans chaque parcours militant et pour l’histoire collective du mouvement écologiste. Désormais scindées en une journée ouverte à tous et un week-end de cohésion entre membres, elles s’appellent aujourd’hui Vert Pop et Vert Mob et sont organisées par Etopia, la «boîte à idées» d’Ecolo. Vendredi 25 août, à partir de La Bourse, à Namur, vingt-cinq activités (des ateliers longs, des ateliers courts et des visites) ouvertes à tous éclaireront les participants – qui paieront cinq euros par demi-journée et quinze euros pour le repas de midi, c’est Vert Pop. Les membres du parti, eux – ils ont payé chacun plusieurs dizaines d’euros pour ça –, entameront ensuite leur transhumance annuelle vers Massembre, domaine de tourisme social propriété des Mutualités chrétiennes, où se terminent chaque été les vacances des verts.

C’est Vert Mob, et l’accueil du vendredi soir se marque par un repas et une soirée blind test. Le samedi, les militants emprunteront une «route indispensable», pour s’informer sur les réussites des participations gouvernementales et communales, et se former au «contact direct avec la population». Ils pourront choisir, sur les «routes optionnelles», de rencontrer des conseillers communaux, d’apprendre à négocier des accords de majorité, d’entretenir des relations avec la presse locale, d’animer une campagne sur Internet ou s’initier au b.a-ba des femmes en campagne. Après l’apéro des coprésidents, le match de foot mixte (souvent entre Wallon.ne.s et Bruxellois.e.s), quelques mandataires présenteront un spectacle comique autour de la vie de parti. Et puis, il y aura un petit concert, puis un DJ, puis on boira paraît-il beaucoup. Enfin, le dimanche, avant les ateliers puis le discours de rentrée politique des coprésidents, il y aura, à l’heure du petit déjeuner, une séance collective de yoga pour se remettre de tout ça. Budget de Vert Pop: 23 000 euros. Pour Vert Mob: 70 000 euros.

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