De l'argent russe a financé Abelag, la filiale belge du groupe Luxaviation, qui exploite les deux jets privés utilisés par l'armée, le Roi, le Premier ministre et d'autres membres du gouvernement
Les jets privés sont souvent pointés du doigt par les militants écologistes © Belga

Jets privés des autorités belges financés par de l’argent russe: l’armée était-elle au courant?

De l’argent russe a financé Abelag, la filiale belge du groupe Luxaviation, qui exploite les deux jets privés utilisés par l’armée, le Roi, le Premier ministre et d’autres membres du gouvernement, ressort-il d’une enquête journalistique réalisée entre autres par Le Soir, Knack et De Tijd.

En 2008, le Luxembourgeois Patrick Hansen a créé la société Luxaviation, qui exploite les deux jets privés des autorités belges, avec un partenaire russe, qui quitte l’entreprise l’année suivante en cédant toutes ses parts à l’homme d’affaires. La filiale belge Abelag a été acquise plus tard en 2014 et porte désormais le nom commercial de Luxaviation Belgium.

   Dans les comptes annuels publiés en 2015, Luxaviation mentionne un prêt en cinq ans de 20,5 millions de dollars consentis par Ackerfield Overseas Limited, qui a permis de financer l’acquisition de la société Abelag.  Ackerfield Overseas Limited est une société établie en 2008 dans les Iles Vierges britanniques. Selon des documents issus des Pandora Papers, le bénéficiaire ultime (UBO) de cette société est Alexander Kolilov. Il s’agit du fils du milliardaire russe Valery Kolikov qui a reçu une médaille d’honneur des mains de Vladimir Poutine en 2016. La reprise d’Abelag a donc été financée par de l’argent russe.

Un ancien espion du KGB

A en croire, le collectif de journalistes, les liens de Patrick Hansen avec la Russie remontent aux années 1990, lorsqu’il travaille comme consultant en Russie. Après son retour au Luxembourg en 2008, il fonde Luxaviation avec un partenaire russe, d’ailleurs un ancien espion du KGB. Le Russe quitte la société en 2009 et transfère toutes ses parts à Hansen, qui est devenu CEO un an plus tard.Un ancien espion

Sous la direction de Hansen, Luxaviation a entamé une expansion rapide et a acquis un certain nombre de concurrents européens. En partie avec l’aide d’investisseurs russes, selon les documents consultés par les journalistes de Knack, De Tijd et Le Soir. « Nous avons levé des fonds dans le monde entier », déclare Hansen à Knack. Vous pouvez le voir dans nos comptes. Et oui, à un moment donné, des particuliers russes ont demandé comment participer à des investissements intéressants. À l’époque, il n’y avait absolument rien de mal à cela. A ce jour, aucun d’entre eux n’a été sanctionné. D’ailleurs, je pense qu’aucun d’entre eux n’est satisfait de la situation en Ukraine ».

Leasing pour deux jets privés

En 2019, Abelag décroche un leasing de douze ans pour deux jets privés avec la Défense nationale. Les deux jets sont utilisés par l’armée belge pour le transport de petits détachements de personnel militaire ainsi que pour les vols du Roi, du Premier ministre, de membres du ministère des Affaires étrangères et d’autres cabinets.

L’armée belge était-elle au courant de la « connexion russe » lorsqu’elle s’est associée à Abelag il y a quelques années ? Peu après la signature du contrat, des sources des services de renseignement ont mis en garde dans De Morgen et Het Laatste Nieuws contre le risque d’espionnage, faisant référence à Luxaviation, la société mère luxembourgeoise d’Abelag, détenue pour un tiers par un fonds d’investissement chinois : « Le danger que ces deux avions soient mis sur écoute est énorme. De plus, il est apparu que l’agence de renseignement militaire SGRS n’a pas été impliquée dans la procédure d’attribution du contrat.

« Selon les renseignements disponibles, aucun problème de sécurité ne se pose avec Luxaviation. Les appareils appartiennent à des sociétés étrangères et sont leasés par Luxaviation en exécution du contrat. La maintenance des deux appareils est assurée par Luxaviation à Bruxelles ou à Courtrai, et les pièces de rechange proviennent de France ou des États-Unis. La Défense n’a pas connaissance d’une quelconque connexion russe pour l’exécution du contrat », réagit le cabinet de la ministre de la Défense Ludivine Dedonder (PS).

   Le contrat fait l’objet d’un contrôle régulier de la part du SGRS, le renseignement militaire belge qui n’a pas souhaité commenter les questions des médias sur des liens russes.

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