Simon Moutquin, député fédéral Ecolo. © Belga

« La défense des libertés sexuelles est un point de rupture avec une droite plus extrême »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

« Quand on parle de la Hongrie, on parle du Vlaams Belang »: Simon Moutquin, député fédéral Ecolo, explique pourquoi le combat contre la loi Orban s’inscrit dans quelque chose de plus large. Son parti prône un recours devant la Cour européenne de justice.

La loi hongroise interdisant la « promotion » de l’homosexualité auprès des mineurs suscite un tollé dans l’Europe entière. La présidente de la Commission européenne considère que c’est « une honte » et un texte qui va à l’encontre « des valeurs fondamentales de l’Union ». Dix-sept pays de l’Union, à l’intiative de la Belgique, envisagent des sanctions à l’encontre du régime de Viktor Orban. Ecolo applaudit le travail de la ministre belge des Affaires étrangères, Sophie Wilmès (MR), mais demande déjà à notre pays d’envisager un recours devant la Cour européenne de justice en déposant une résolution au parlement.

Simon Moutquin, député fédéral Ecolo, explique les motivations de son parti. Et, plus largement, explique pourquoi ce combat est fondamental.

La loi hongroise a généré un consensus assez large en Belgique pour la dénoncer, dans tous les partis. Vous soutenez la nécessité d’agir sur le plan juridique, avec ce recours devant la Cour européenne de justice?

Pour être clair, nous soutenons pleinement Sophie Wilmès, notre ministre des Affaires étrangères, qui a été le fer de lance d’une initiative européenne, avec dix-sept pays qui soutiennent des sanctions éventuelles contre la Hongrie. Cette procédure durera jusqu’en octobre.

Mais tous les pays européens doivent soutenir la démarche. Or, on sait que certains pays comme la Pologne ou la Slovénie n’y sont guère favorables…

Comme vous le dites: politiquement, ce n’est pas gagné. Nous allons laisser ce temps jusqu’en octobre. Mais nous voulons donner une deadline: le 1er octobre, on évaluera ce qui sera possible et, si rien n’a été décidé, on ramènera le débat au niveau national. La Belgique peut agir en saisissant la Cour européenne des droits de l’homme ou la Cour européenne de justice.

Ecolo met cela sur la table et est favorable à ce recours.

Tout à fait. Tout reconnaissant le travail admirable de Sophie Wilmès. Ce n’est pas une pression que l’on met sur elle, mais un appel à prendre ses responsabilités. La politique européenne repose beaucoup sur le consensus, mais la Belgique peut agir également: voilà notre message.

Une telle procédure, que peut-elle générer?

La Cour pourrait se pencher sur les articles qui, de notre avis mais aussi celui de nombreux juristes, enfreignent plusieurs textes fondamentaux du droit européen. En terme de sanction, cette initiative nationale n’arriverait pas nécessairement à une suspension des subventions à la Hongrie, il n’y a pas encore de jurisprudence à ce sujet. Cela reste un moyen supplémentaire de faire pression sur Viktor Orban et son gouvernement.

A titre personnel, que vous inspire cet épisode depuis le début?

Je ne fais pas de mon homosexualité une identité politique fondamentale, je ne l’ai jamais fait, c’est une part de mon identité parmi d’autres. Cela dit, il y a un passage qui m’a fort touché, c’est celui concernant l’interdiction des livres pour enfants, parce qu’il arrive que des enfants me posent des questions et il m’arrive de faire référence à des personnages de fiction. Cela m’a fort impacté.

Ceci dit, je suis le premier à être frustré de voir que quand Viktor Orban lâche le chiens sur les migrants, attaque des femmes ou des journalistes, il n’y a pasde consensus, mais il y en a un au sujet de cette question sur les LGBTQA+. Cette question de la défense des libertés sexuelles est un point de rupture avec une droite plus extrême. Et tant mieux qu’il soit là.

Ce rejet des mesures prises contre les libertés sexuelles est une bonne nouvelle, mais le rejet devrait être aussi large contre les mesures à l’encontre des migrants, des femmes, des journalistes… Tout est dans tout, il s’agit de faire respecter la différence.

Ce consensus n’est en efet pas présent pour tout: nous sommes dans une époque où la différence, au sens large, est un marqueur de la politique et provoque beaucoup de tensions.

Il y a trente ans ou quarante ans, le marqueur sur la question de la communauté LGBTQA+ n’était pas là, notamment dans une droite dite classique. On peut donc voir cela comme une évolution positive. Même s’il reste du travail à mener sur l’intersexualité ou la transsexualité, pour lesquels certains partis comme la N-VA on des réserves.

Ma génération a grandi avec l’idée que l’on monde allait être de plus en plus progressiste. Moi même, en tant qu’homosexuel, j’avais ce sentiment, et je me demande aujourd’hui quel sera l’avenir avec des régimes qui reviennent en arrière. Egoïstement, voir ce consensus européen, cela me rend heureux. Cette évolution est une avancée démocratique majeure.

Mais dans mon utopie,sans être naïf, j’espère que dans trente ans, on aura évolué de la même manière sur les droits des migrants ou de l’islam. Quand je vois que des entreprises utilisent le drapeau arc-en-ciel comme argument de vente, tant mieux. J’espère qu’un jour, il en ira de même avec le hashtag « refugees welcome ». On n’y est pas encore.

Depuis plusieurs années, on assiste à des faits de violence homophobes assez glaçants. Cela n’illustre-t-il pas le fait qu’une minorité radicale peut passer à l’acte. Cela vous inquiète?

Quand on parle de la Hongrie en tant qu’écologiste et que l’on dépose une résolution au parlement, on parle du Vlaams Belang. Être homosexuel en Hongrie, ce n’est pas plus rassurant que l’être dans une commune où le Belang approche les 50%. On y véhicule un récit selon lequel tout ce qui est différent constitue une menace. En arriver à un guet-apens débouchant sur la mort d’un jeune homosexuel, ce n’est pas rien. Nous sommes en effet dans un moment où chaque droit acquis doit être solidifié, parce qu’ils sont en danger.

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